Etude : Imal invite à saisir le potentiel du solaire sur toitures et du véhicule électrique    5G : Le gouvernement accorde des licences d'exploitation à trois opérateurs    Face à la polémique, l'ONSSA rassure sur la qualité de la farine mise en vente    Meurtre d'un nourrisson à Tanger : la propriétaire de la crèche et une éducatrice placées en garde à vue    Droits d'Auteurs et Droits Voisins : Le Syndicat Professionnel Marocain des Créateurs de la Chanson saisit les hautes instances sur les élections au sein du BMDAV    Aérien : Agadir et Montréal reliées directement à partir du 12 juin 2026    Festival du cinéma méditerranéen de Tétouan : Sous la «Ouazzani touch»    L'Université Kean rapproche les jeunes Chinois et Américains    Bourse de Casablanca : clôture sur une note positive    Rupture d'une conduite d'eau potable située à Sbata à Casablanca : La SRM Casablanca-Settat mobilisée pour rétablir le service dans les meilleurs délais    La Chine fixe au 31 octobre la date de lancement du vaisseau spatial habité « Shenzhou-21 »    Président Xi Jinping : La Chine et les Etats-Unis sont capables de contribuer à la réussite et à la prospérité de l'un et de l'autre    Sahara : les détails de la résolution de l'ONU qui marque un tournant diplomatique    Le futur port de Dakhla Atlantique, un projet d'envergure ouvrant une nouvelle ère pour la connectivité et le commerce intra-africain (ministre des AE de l'Eswatini)    Sahara marocain : le Conseil de Sécurité se prononcera ce vendredi    Nador : 70 projets approuvés par le CPDH pour un montant de 6,5 MDH    Savoirs ancestraux et défis modernes : Fès explore le conte en tant que levier de développement durable    Bilal Nadir : des nouvelles rassurantes après une grosse frayeur    Moroccan athletes shine at 2025 Hip Hop Unite World Championships in Prague    Un parti espagnol lance une campagne contre «l'abattage des chiens errants» au Maroc    France : Maes, le rappeur franco-marocain au cœur de «L'Empire» du banditisme    Les Lions de l'Atlas affronteront le Mozambique et l'Ouganda à Tanger    FB. Mondial U17 Qatar 2025 : les Lionceaux ont posé leurs valises à Doha ce jeudi    Le Sénat kazakh approuve l'accord d'extradition avec le Maroc    L'Egypte établit un record historique en exportant plus de 39 000 tonnes de dattes vers le Maroc pour la troisième année consécutive    L'Assemblée nationale française adopte une résolution du Rassemblement national dénonçant l'accord de 1968 avec l'Algérie, historique    "Khawa Khawa... Bla Adaoua" : un hymne artistique pour réconcilier les peuples marocain et algérien    Renforcement de la coopération maroco-chinoise dans les projets d'infrastructure et de transport : l'ambassadrice de Chine au Maroc rencontre le ministre Abdessamad Qaiyouh    Prépa CAN Maroc 2025 : Les Lions affronteront les Mambas    Mondial U17 de handball : le Maroc clôture sa participation sans victoire    Wael Mohya entre dans l'histoire du Borussia Mönchengladbach    Trump et Xi concluent un nouvel accord sur les métaux rares : le début d'une nouvelle trêve économique entre Washington et Pékin    Liban : « D'abord mettre fin aux attaques israéliennes... »    Palestine : Frappes aériennes israéliennes intensives en plein cessez-le-feu    Después de las declaraciones de un funcionario, se investiga la «mezcla de harina con papel»    Morocco's 2025–2026 date harvest expected to reach 160,000 tons, up 55% from last season    Manifestations Gen Z : 2.480 accusés, dont 1.473 en détention    Casablanca- Sidi Belyout : Quand la vie nocturne bouscule le calme résidentiel...    Régions montagneuses : l'ANDZOA se dote d'une stratégie ambitieuse    Environnement : 308 milliardaires du monde émettraient plus de CO2 que 118 pays réunis    Pedro Sánchez défend la probité financière du PSOE devant la commission sénatoriale après des versements non annoncés    PLF-2026 : l'opposition critique un texte "sans audace" et déconnecté des attentes    Développement territorial intégré : un virage stratégique engagé dans les 75 provinces du pays    Lieux de culte : plus de 37.000 mosquées en milieu rural, selon Ahmed Toufiq    Le Qatar prêt pour accueillir la Coupe du monde U17    Festival des Andalousies Atlantiques : 20 ans de mémoire partagée !    La Rentrée Littéraire 2025–2026 : Trois jours d'échanges autour de la lecture et de la création littéraire    Marrakech brille sur la scène internationale : l'Associated Press célèbre la ville rouge    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Fikra #46 : Equité et réconciliation ? Une promesse non tenue...
Publié dans Yabiladi le 07 - 03 - 2020

Créée en 2004, l'instance Equité et réconciliation est en partie régie par des processus de sélection et d'exclusion, opérant un tri entre les victimes des années des plomb. Or la réconciliation ne peut se faire que par une confiance établie avec l'appareil d'Etat chargé de la réparation des victimes.
Comment se réconcilier avec son pays quand lui-même rechigne à se réconcilier avec son histoire et les violences dont il est l'auteur ? C'est la question que l'on devine posée par le chercheur Zakaria Rhani, en filigrane de son étude intitulée «Certifier la perte et la souffrance. Violence politique et politique de réparation au Maroc» (2018).
Question à laquelle il apporte une réponse à travers l'analyse des ressorts de la réconciliation politique au Maroc, un processus marqué par la création, en 2004, d'une Instance d'équité et de réconciliation (IER) dont le rôle est de réparer les victimes de la violence de l'Etat perpétrée pendant les années de plomb. «Que dit-elle de la notion de témoignage, de preuve et de vérité ? Comment ces démarches renseignent-elles, de manière générale, sur les rapports à l'histoire de la violence et à la souffrance des victimes ?», interroge ce professeur d'anthropologie à l'université Mohammed V de Rabat.
Sélectionner les victimes parmi les victimes ? Une définition limitée
L'enjeu de cette réconciliation fut d'abord de définir la notion de victime, dont la mouture finale retenue par l'IER est suffisamment englobante pour n'oublier personne – ni les victimes, ni leur famille – mais trop restreinte dans sa pratique. «La notion de victime a été élargie par l'IER et comprend toutes les victimes directes de la violence politique qui a sévi durant les années de plomb, c'est-à-dire tous les hommes et toutes les femmes qui ont été kidnappés, séquestrés, violés, torturés, mais aussi les victimes indirectes. Ainsi, les familles de celles et ceux qui ont été victimes de disparition forcée ou assassinés sont aussi considérées comme des victimes et ont donc droit à réparation. Sur ce point, la définition a été élargie», convient Zakaria Rhani, auprès de Yabiladi.
C'est l'approche temporelle qui ne convient pas, estime l'enseignant. «Sur ce plan, la définition est très restreinte : les victimes se sont vu imposer un délai fixe pour soumettre leurs demandes de réparation. La définition de la notion de victime a donc été élargie, mais dans son application temporelle, elle reste très limitée. On ne peut pas dire à une victime qu'elle ne dispose que de quelques semaines ou quelques mois pour présenter un dossier.»
Durant les entretiens qu'il a menés au cours de ses recherches, Zakaria Rhani dit avoir observé le fait que «beaucoup de victimes des années de Plomb n'ont pas pu déposer leurs dossiers de réparation dans les délais imposés et ce pour différentes raisons, y compris le fait que certaines n'étaient pas au courant du processus» de réconciliation mené par l'IER. Beaucoup d'entre elles sont donc devenues «hors délai». Un terme sec et laconique qui traduit le caractère excessivement bureaucrate et prescriptif de l'IER. «C'est comme si la notion de victime était reconnue dans une temporalité fixe au-delà de laquelle elle n'est plus considérée comme une victime de l'Etat qui a droit à une réparation. Or cela, c'est inconcevable dans un processus de réconciliation. On ne peut pas dire qu'il y a des victimes hors délai. Elles sont victimes ou elles ne le sont pas.»
Le certificat médical, un outil au service de l'exclusion
Un autre écueil pour les victimes est celui qui fait porter sur elles la responsabilité de prouver leur statut de victime. «Elles doivent elles-mêmes constituer un dossier et démontrer, certificat médical à l'appui, qu'elles ont bien les preuves attestant des violences qu'elles ont subies. Or ce n'est pas à la victime de montrer qu'elle est victime ; c'est à l'Etat. Finalement, elles sont victimes deux fois ; d'abord de la violence politique qui fut celle des années de plomb ; ensuite d'un appareil d'exclusion qui les accule», estime Zakaria Rhani.
Le certificat médical, pièce-maîtresse dans l'évaluation des dommages physiques et psychologiques subis et qui, pense-t-on, a toute latitude pour corroborer les témoignages des victimes, peut en réalité les affaiblir. Comment un certificat médical peut en effet avoir valeur de preuve quand les sévices subis remontent à trente, quarante, voire cinquante ans ?
«Une torture ne peut pas être prouvée médicalement. A titre d'exemple, les traces d'un viol disparaissent généralement au bout de trois jours ; il ne peut donc plus être médicalement prouvé. Il en va de même avec les marques de torture ; elles disparaissent avec le temps, plus encore lorsque des dizaines d'années se sont écoulées», souligne Zakaria Rhani. «Le certificat médical ne témoigne donc pas de la souffrance subie, mais du témoignage de la victime. Les médecins, les psychiatres, ne font qu'ajouter un témoignage», poursuit le chercheur. Ainsi, au lieu de laisser les témoignages des victimes se suffire à eux-mêmes, ils doivent être corroborés par un certificat médical qui, par l'usure du temps, ne corroborent plus rien du tout. «Ce n'est pas qu'on restreint le témoignage de la victime ; on l'annule complètement !»
Si certaines victimes présentent encore des stigmates corporels tenaces qui témoignent des coups qu'elles ont essuyés, encore faut-il prouver qu'ils sont bien liés à des pratiques de torture. Quant aux séquelles psychologiques, parfois très lourdes, elles ne sont évidemment pas directement accessibles. Plus encore, elles sont parfois tues tant certains souvenirs ont quelque chose d'indicible. «Comment lier un désordre, un dysfonctionnement ou un symptôme psychiatrique d'aujourd'hui à une violence vécue il y a trente ans ? Dans ce sens, le certificat médical est un moyen d'exclusion, de sélection ; ce n'est pas une preuve objective de la violence. Quelle en est l'utilité finalement ?», interroge le chercheur.
Pour Zakaria Rhani, le certificat médical et la sélection qu'il opère est en rupture totale avec la confiance nécessaire dans un processus de réconciliation. «Ce sont des liens de confiance qui doivent être établis avec l'appareil d'Etat chargé de la réparation des victimes elles-mêmes», conclut-il.
L'organisme
Erudit est un organisme québécois sans but lucratif qui diffuse des recherches dans les domaines des sciences humaines et sociales. La plateforme compile également des revues en sciences dures et en environnement. Il a été fondé en 1998 par les Presses de l'Université de Montréal. Cet organisme regroupe actuellement l'université de Montréal, l'université Laval et l'université du Québec à Montréal (UQAM).
L'auteur
Zakaria Rhani est professeur d'anthropologie à l'université Mohammed V de Rabat (IURS) et professeur invité dans plusieurs universités étrangères. Il est titulaire d'un doctorat en biologie de l'université de Genève et d'un doctorat en anthropologie de l'université de Montréal. Ses recherches portent sur l'histoire des processus politico-religieux, les rituels de possession et d'imaginaires politiques, l'anthropologie médicale de la violence politique et l'anthropologie critique du savoir postcolonial. Il est notamment l'auteur de «Le pouvoir de guérir : mythe, mystique et politique au Maroc» (Leiden, 2014) et le coauteur de «Le Maroc au présent : d'une époque à l'autre, une société en mutation» (Casablanca, Rabat, 2015, 2016).


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.