Un PL sur l'enseignement scolaire au menu du Conseil de gouvernement    Près de 44.000 réclamations contre les administrations publiques reçues en 2025    Tamwilcom : Plus de 47,5 MMDH de financements en 2024    Echanges extérieurs à la loupe: Entre importations croissantes et exportations en retraite    Le Maroc revient à GMT+1 dès ce dimanche 6 avril    Trump menace Harvard de priver l'université de 9 milliards de dollars de subventions fédérales    Royaume-Uni : Le roi Charles reprend ses fonctions publiques après un traitement contre le cancer    Birmanie : le bilan du séisme dépasse les 2 700 morts    LdC de la CAF: Les Pyramids égyptiens battent les FAR (4-1)    Union Saint-Gilloise : Sofiane Boufal absent pendant plusieurs semaines    Le Festival "On Marche" revient pour une 18è édition    A Rome, l'artisanat marocain marque de son estampille la plus grande mosquée d'Europe    TV5 Monde à la découverte de "Tanger la créative",    Accidents de la circulation : 19 morts et 3.002 blessés en périmètre urbain durant la semaine dernière    Droits de douane: que signifie la réciprocité voulue par Donald Trump?    L'Algérie revendique l'abattage d'un drone malien Akinci    Europe. Les tribunaux contre la démocratie?    Le gouvernement kabyle en exil reçu au sénat français    Droits de douane: que signifie la réciprocité voulue par Donald Trump?    Les Forces Armées Royales... Un œil vigilant pour protéger les frontières du Maroc    Comment soumettre l'ennemi algérien sans combattre    Equipe nationale : Regragui, out? Simple fake news!    Ligue 1 : Hakimi et Ben Seghir en lice pour le prix Marc-Vivien Foé    1⁄2 Finale. Coupa del Rey / Ce mardi, Real Madrid-Real Sociedad: Horaire? Chaînes?    6e Conférence Franco-Marocaine des Notaires : investir au Maroc en toute sécurité    Aïd al-Fitr : Attention aux excès alimentaires après le jeûne !    Ligue 1: Hakimi y Ben Seghir en carrera por el premio Marc-Vivien Foé    Francia: François Bayrou da marcha atrás sobre la prohibición del velo en el deporte    Khénifra: El cuerpo de un niño hallado 13 días después de su ahogamiento en el Oum Er-Rbia    Sahara : Le Conseil de sécurité programme une session pour la mi-avril    Education/Droits humains : Bourqia, Bouayach et Belkouch pour incarner la vision Royale    Tebboune revient sur ses pas face à la France malgré la reconnaissance de la marocanité du Sahara    Une chanson qui relie le passé au présent... Quand la voix de Hassan II rencontre les rythmes d'aujourd'hui    Lancement de "Visions Théâtres", nouvelle revue scientifique spécialisée dans la pratique théâtrale    Zineb Hattab : première cheffe végane étoilée en Suisse, une révolution gastronomique    En Algérie, Boualem Sansal puni pour avoir pensé de travers, la solidarité des militants marocains en congé    L'or délaissé par les ménages marocains, victime de sa récente envolée fulgurante    Maroc : nouvelles exigences d'homologation et d'étiquetage pour les équipements télécoms bientôt en vigueur    Charbon thermique : repli des importations mondiales au premier trimestre, hausse notable au Maroc    Muay Thai : deux combattants marocains en lice lors du ONE Fight Night 30 à Bangkok    Le «Kruzenshtern» russe en escale à Agadir du 2 au 4 avril    Le Chinois Lingyun Industrial, spécialiste des équipements automobiles, prépare son implantation au Maroc    Accords migratoires UE-Maroc : Bruxelles examine le 7 avril sa coopération avec Rabat sur les retours et la gestion des flux    Maroc : repli temporaire des exportations de tomates cerises malgré une production abondante    La Compagnie chinoise de construction et de communication (région Centre-Sud) décroche un nouveau contrat d'infrastructures au Maroc    Des vestiges vieux de 3 000 ans, découvert à Kach Kouch au Maroc, réécrivent l'histoire du Maghreb    CAN U17 : L'Afrique du Sud renverse l'Egypte au bout d'un match à 7 buts !    Maroc – Algérie : Après la bataille Wikipédia, l'affrontement numérique via Grok sur X    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Fikra #46 : Equité et réconciliation ? Une promesse non tenue...
Publié dans Yabiladi le 07 - 03 - 2020

Créée en 2004, l'instance Equité et réconciliation est en partie régie par des processus de sélection et d'exclusion, opérant un tri entre les victimes des années des plomb. Or la réconciliation ne peut se faire que par une confiance établie avec l'appareil d'Etat chargé de la réparation des victimes.
Comment se réconcilier avec son pays quand lui-même rechigne à se réconcilier avec son histoire et les violences dont il est l'auteur ? C'est la question que l'on devine posée par le chercheur Zakaria Rhani, en filigrane de son étude intitulée «Certifier la perte et la souffrance. Violence politique et politique de réparation au Maroc» (2018).
Question à laquelle il apporte une réponse à travers l'analyse des ressorts de la réconciliation politique au Maroc, un processus marqué par la création, en 2004, d'une Instance d'équité et de réconciliation (IER) dont le rôle est de réparer les victimes de la violence de l'Etat perpétrée pendant les années de plomb. «Que dit-elle de la notion de témoignage, de preuve et de vérité ? Comment ces démarches renseignent-elles, de manière générale, sur les rapports à l'histoire de la violence et à la souffrance des victimes ?», interroge ce professeur d'anthropologie à l'université Mohammed V de Rabat.
Sélectionner les victimes parmi les victimes ? Une définition limitée
L'enjeu de cette réconciliation fut d'abord de définir la notion de victime, dont la mouture finale retenue par l'IER est suffisamment englobante pour n'oublier personne – ni les victimes, ni leur famille – mais trop restreinte dans sa pratique. «La notion de victime a été élargie par l'IER et comprend toutes les victimes directes de la violence politique qui a sévi durant les années de plomb, c'est-à-dire tous les hommes et toutes les femmes qui ont été kidnappés, séquestrés, violés, torturés, mais aussi les victimes indirectes. Ainsi, les familles de celles et ceux qui ont été victimes de disparition forcée ou assassinés sont aussi considérées comme des victimes et ont donc droit à réparation. Sur ce point, la définition a été élargie», convient Zakaria Rhani, auprès de Yabiladi.
C'est l'approche temporelle qui ne convient pas, estime l'enseignant. «Sur ce plan, la définition est très restreinte : les victimes se sont vu imposer un délai fixe pour soumettre leurs demandes de réparation. La définition de la notion de victime a donc été élargie, mais dans son application temporelle, elle reste très limitée. On ne peut pas dire à une victime qu'elle ne dispose que de quelques semaines ou quelques mois pour présenter un dossier.»
Durant les entretiens qu'il a menés au cours de ses recherches, Zakaria Rhani dit avoir observé le fait que «beaucoup de victimes des années de Plomb n'ont pas pu déposer leurs dossiers de réparation dans les délais imposés et ce pour différentes raisons, y compris le fait que certaines n'étaient pas au courant du processus» de réconciliation mené par l'IER. Beaucoup d'entre elles sont donc devenues «hors délai». Un terme sec et laconique qui traduit le caractère excessivement bureaucrate et prescriptif de l'IER. «C'est comme si la notion de victime était reconnue dans une temporalité fixe au-delà de laquelle elle n'est plus considérée comme une victime de l'Etat qui a droit à une réparation. Or cela, c'est inconcevable dans un processus de réconciliation. On ne peut pas dire qu'il y a des victimes hors délai. Elles sont victimes ou elles ne le sont pas.»
Le certificat médical, un outil au service de l'exclusion
Un autre écueil pour les victimes est celui qui fait porter sur elles la responsabilité de prouver leur statut de victime. «Elles doivent elles-mêmes constituer un dossier et démontrer, certificat médical à l'appui, qu'elles ont bien les preuves attestant des violences qu'elles ont subies. Or ce n'est pas à la victime de montrer qu'elle est victime ; c'est à l'Etat. Finalement, elles sont victimes deux fois ; d'abord de la violence politique qui fut celle des années de plomb ; ensuite d'un appareil d'exclusion qui les accule», estime Zakaria Rhani.
Le certificat médical, pièce-maîtresse dans l'évaluation des dommages physiques et psychologiques subis et qui, pense-t-on, a toute latitude pour corroborer les témoignages des victimes, peut en réalité les affaiblir. Comment un certificat médical peut en effet avoir valeur de preuve quand les sévices subis remontent à trente, quarante, voire cinquante ans ?
«Une torture ne peut pas être prouvée médicalement. A titre d'exemple, les traces d'un viol disparaissent généralement au bout de trois jours ; il ne peut donc plus être médicalement prouvé. Il en va de même avec les marques de torture ; elles disparaissent avec le temps, plus encore lorsque des dizaines d'années se sont écoulées», souligne Zakaria Rhani. «Le certificat médical ne témoigne donc pas de la souffrance subie, mais du témoignage de la victime. Les médecins, les psychiatres, ne font qu'ajouter un témoignage», poursuit le chercheur. Ainsi, au lieu de laisser les témoignages des victimes se suffire à eux-mêmes, ils doivent être corroborés par un certificat médical qui, par l'usure du temps, ne corroborent plus rien du tout. «Ce n'est pas qu'on restreint le témoignage de la victime ; on l'annule complètement !»
Si certaines victimes présentent encore des stigmates corporels tenaces qui témoignent des coups qu'elles ont essuyés, encore faut-il prouver qu'ils sont bien liés à des pratiques de torture. Quant aux séquelles psychologiques, parfois très lourdes, elles ne sont évidemment pas directement accessibles. Plus encore, elles sont parfois tues tant certains souvenirs ont quelque chose d'indicible. «Comment lier un désordre, un dysfonctionnement ou un symptôme psychiatrique d'aujourd'hui à une violence vécue il y a trente ans ? Dans ce sens, le certificat médical est un moyen d'exclusion, de sélection ; ce n'est pas une preuve objective de la violence. Quelle en est l'utilité finalement ?», interroge le chercheur.
Pour Zakaria Rhani, le certificat médical et la sélection qu'il opère est en rupture totale avec la confiance nécessaire dans un processus de réconciliation. «Ce sont des liens de confiance qui doivent être établis avec l'appareil d'Etat chargé de la réparation des victimes elles-mêmes», conclut-il.
L'organisme
Erudit est un organisme québécois sans but lucratif qui diffuse des recherches dans les domaines des sciences humaines et sociales. La plateforme compile également des revues en sciences dures et en environnement. Il a été fondé en 1998 par les Presses de l'Université de Montréal. Cet organisme regroupe actuellement l'université de Montréal, l'université Laval et l'université du Québec à Montréal (UQAM).
L'auteur
Zakaria Rhani est professeur d'anthropologie à l'université Mohammed V de Rabat (IURS) et professeur invité dans plusieurs universités étrangères. Il est titulaire d'un doctorat en biologie de l'université de Genève et d'un doctorat en anthropologie de l'université de Montréal. Ses recherches portent sur l'histoire des processus politico-religieux, les rituels de possession et d'imaginaires politiques, l'anthropologie médicale de la violence politique et l'anthropologie critique du savoir postcolonial. Il est notamment l'auteur de «Le pouvoir de guérir : mythe, mystique et politique au Maroc» (Leiden, 2014) et le coauteur de «Le Maroc au présent : d'une époque à l'autre, une société en mutation» (Casablanca, Rabat, 2015, 2016).


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.