Depuis la fuite d'un long message sonore, les services de la Direction générale de l'administration pénitentiaire (DGAPR) et la famille de Nasser Zefzafi tiennent des propos contradictoires sur plusieurs points concernant la détention du chef de file du Hirak du Rif. Jusqu'à lundi, l'institution a même accusé le père du détenu d'en faire «un fonds de commerce». On croirait à un effet domino dont le dernier épisode serait le rassemblement tenu vendredi devant la Direction générale de l'administration pénitentiaire (DGAPR), pour demander la vérité sur les conditions de détention de Nasser Zefzafi et ses allégations de torture. Cette initiative de ses proches intervient au lendemain d'un communiqué, dans lequel l'institution dément les manquements ou usages dénoncés par les détenus du Hirak du Rif à la prison de Ras El Ma. Elle nie notamment avoir eu recours à des fouilles, vendredi matin, contrairement aux affirmations du père de Zefzafi. «L'opération de fouille dont les prisonniers concernés avaient fait l'objet s'est déroulée, conformément aux dispositions juridiques et organiques régissant les établissements pénitentiaires, d'une manière professionnelle et dans le respect total de leur dignité», indique la direction dans ce communiqué relayé lundi par la MAP. Par ailleurs, le document reproche à Ahmed Zefzafi des tentatives d'«induire en erreur l'opinion publique en déformant la réalité», ou même de faire de la situation de son fils «un fonds de commerce». La famille Zefzafi maintient ses affirmations Avant la sortie de ce communiqué, Ahmed Zefzafi, également président de l'Association Tafra pour la solidarité et la fidélité, qui regroupe les proches des détenus du Hirak, a confirmé les propos de son fils, dont le message sonore affirme une nouvelle fois des faits de torture lors de l'arrestation et pendant la détention. Dans une vidéo, le père de Nasser Zefzafi s'adresse à la présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Amina Bouayach, en la sommant de «[faire son] travail ou de [démissionner]». Ahmed Zefzafi s'est également adressé aux agents qui auraient torturé son fils, selon ce dernier, leur rappelant que «tout cela se terminera un jour». «Il y a eu Oufkir, Dlimi, Basri… Où sont-ils maintenant ?», a-t-il dit en déplorant que l'Etat ne soit pas à l'écoute. «Si cela continue ainsi, nous saisirons les institutions internationales.» Dans la même vidéo, la mère du détenu se demande où se trouve exactement son fils après les informations relayées sur sa mise au cachot. Par ailleurs, elle dit refuser les mesures disciplinaires visant son fils, notamment l'interdiction de visite familiale pendant 45 jours. «Je ne resterai pas durant toute cette période sans avoir des nouvelles de lui», déclare-t-elle. Pour sa part, l'Association marocaine de droits humains (AMDH) a publié un communiqué qui «condamne les décisions agressives et les représailles de la DGAPR à l'encontre des détenus du Hirak du Rif». Parvenu à Yabiladi, le document réitère aussi les appels de l'ONG à libérer les militants écroués. «Les propos de Nasser Zefzafi méritent une investigation» L'Association marocaine des droits humains profite de la fuite du message de Nasser Zefzafi pour exiger une nouvelle fois une enquête indépendante. Pour l'ONG, cette investigation devra se pencher sur les propos du chef de file du Hirak du Rif, pour établir les faits de torture dont il dit avoir été victime. Par ailleurs, elle dénonce «l'intimidation, les violences psychologiques et physiques, les humiliations et les traitements dégradants totalement impunis», tels qu'évoqués par le militant et ses codétenus. Dans ce sens, l'AMDH rappelle avoir déposé un dossier à la Cour de cassation, relatif aux faits de torture que les avocats de la défense considèrent comme avérés, notamment sur la base d'un premier rapport médical du CNDH et des affirmations concordantes des concernés. Jeudi dernier, Nasser Zefzafi a été entendu dans un message sonore de près de 90 minutes, qui a fuité de la prison de Ras El Ma et fait le tour des réseaux sociaux. Il est notamment revenu sur ces mauvais sévices. Le lendemain, la DGAPR a annoncé que le directeur de l'établissement avait été relevé de ses fonctions, sur la base d'une enquête administrative. Pour leur part, Nasser Zefzafi et ses codétenus ont été placés au cachot, l'institution les considérant comme impliqués dans des altercations sur fond desquels l'audio a fuité. D'autres encore seront soumis à une procédure de transfert vers différentes prisons du pays.