L'ambassade de Chine au Maroc lance le concours « La Chine à mes yeux » et invite les jeunes à participer    Le Maroc obtient une technologie tchèque de génération d'eau atmosphérique    Vagues de chaleur : un fardeau économique sous-estimé    Alerte météo : Vague de chaleur avec chergui et fortes averses orageuses, de mercredi à samedi dans plusieurs provinces    À Genève, le Maroc salue les engagements de l'Egypte pour les droits humains    Rabat prolonge jusqu'au 30 septembre le délai de dépôt des demandes d'aide aux secteurs de la presse et de l'édition    Larache : décès d'un détenu impliqué dans l'affaire de la "cellule de Chamharouch"    Les fintechs marocaines à l'honneur lors de l'édition 2025 de l'Immersive Fintech Day by AWB & KPMG    Démantèlement d'une cellule terroriste affiliée à la soi-disant organisation "Etat islamique" s'activant entre Tétouan et Chefchaouen    UE : Les énergies renouvelables, principale source d'électricité en 2024    Italie : 500 000 travailleurs étrangers d'ici 2028 pour répondre à la pénurie de main-d'œuvre    Spartak recalé : Ounahi pourrait privilégier un retour en Grèce    Le PSV Eindhoven fixe le prix pour libérer Ismael Saibari    Liga : Un club courtise Munir El Haddadi    Relever les défis du développement social requiert une vision régionale et internationale unifiée    Office des Changes : Nouvelle stratégie pour la période 2025-2029    Prévisions météorologiques pour le jeudi 3 juillet 2025    Sécurité pénitentiaire : Peut-on atteindre le modèle « prison safe » ? [INTEGRAL]    Nadia Hai : Une Franco-Marocaine au cœur des enjeux méditerranéens    Bourse de Casablanca : ouverture en baisse    Sécheresse. Kamal Aberkani : "Il faut développer une planification agricole adaptée au stress hydrique durable"    Ahmed El Yacoubi: bras armé de MHE pour la transformation de Saham Bank    Espagne : Deux Marocains arrêtés pour avoir organisé l'entrée et l'abandon d'un mineur    Ecomondo 2025 en route : trois étapes internationales vers la prochaine édition au parc des expositions en Italie    Maroc : Mohamed Boudrika condamné à 5 ans de prison    Le Polisario apparaît comme nouveau vecteur de déstabilisation téléguidé par l'Iran, selon The Telegraph    Le Maroc et l'Azerbaïdjan approfondissent leur concertation dans les domaines sociaux    Moroccan women's football team ready for CAN 2024 kickoff with high spirits    La FMEJ denuncia su exclusión de las consultas sobre las leyes de regulación del sector de la prensa    Sahara : Algeria commits $1 billion to undercut Morocco's diplomatic momentum    Le Bureau central d'investigations judiciaires démantèle une cellule acquise à l'Etat islamique entre Tétouan et Chefchaouen    CGEM : nouveau cap stratégique avec l'Asie du Sud-Est    CAN (F) 2024 : La CAF dévoile aujourd'hui le nouveau trophée à Casablanca    J-3. CAN (F) 2024 : le Maroc, pilier du football féminin africain    Le Maroc renforce sa position en tant que partenaire fiable dans la lutte contre l'exploitation sexuelle au sein des opérations de l'ONU    CAN féminine (Maroc-2024): « les joueuses ont hâte d'entamer la compétition » (Jorge Vilda)    CDM 2025 : Dortmund défiera le Real en quarts    El Jadida : Le nouveau procureur du Roi sonne la charge contre les entorses à la sacralité de la Justice ...!    El Jadida : Le Parc Mohammed V, un joyau en péril, attend sa renaissance !    Mawazine : Des cachets en or, un drapeau en option    France : Plusieurs vols annulés jeudi en raison d'une grève des contrôleurs aériens    Doha : 15 ouvrages marocains en lice pour le Prix Katara du roman arabe    Mawazine 2025: Plus de 3,75 millions de festivaliers pour la 20e édition    Syrie : Un parti appelle le président Al-Charaa à désigner le Polisario une organisation terroriste.    Sahara : Pour freiner la dynamique marocaine, l'Algérie promet 1 MM $ aux pays africains    Fiasco Mawazine : Sherine menace de poursuites judiciaires pour atteinte à son honneur    Marrakech inaugure l'année de la jeunesse du monde islamique    Trafic des biens culturels : Bensaid expose les mesures prises par le Maroc    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La darija, ce mélange de langues inventé par les Marocains pour unifier leurs dialectes
Publié dans Yabiladi le 19 - 09 - 2019

Mal comprise par les populations du Moyen-Orient et même des fois ceux de nos voisins maghrébins, mélange d'expressions et de langues étrangères, notre darija est une «lingua franca» inventée pour nous permettre de communiquer et se comprendre. Mais notre dialecte est-il plus proche de l'arabe classique ou de l'amazighe ?
Au fils des siècles, les Marocains ont appris de nouveaux mots à la faveur des échanges commerciaux et humains avec leurs voisins. L'amazighe, langue parlée par les autochtones du pays, a elle-même été influencée par les langues de plusieurs conquérants, comme les Phéniciens et les Romains.
A l'arrivée des Arabes au Maghreb, arabe classique et amazighe laisseront place à la Darija, un dialecte standard qui permettra aux Marocains peu importe leur origine de communiquer entre eux.
La question de la proximité entre la Darija et l'amazighe d'une part, et la Darija et l'arabe classique d'une autre, a fasciné des historiens et des linguistes. Si certains tendent à la rapprocher de l'arabe classique, d'autres pensent qu'elle reste plus proches, phonétiquement et syntaxiquement de l'amazighe.
La darija, dérivée de l'arabe classique
Dans «Women, Gender, and Language in Morocco» (Editions Brill, 2003), Fatima Sadiqi affirme que «l'arabe marocain ou darija partage de nombreux aspects linguistiques avec l'arabe standard». Elle rappelle que la plupart des travaux linguistiques sur l'histoire des dialectes arabes les raccrochent de l'arabe classique. Ils considèrent en effet que l'arabe classique et la darija ont un ancêtre commun. D'ailleurs, l'arabe classique n'a jamais été parlé comme langue de la vie quotidienne, selon Fatima Sadiqi.
«Dans sa forme actuelle, l'arabe marocain a perdu une grande partie de sa ressemblance morpho-syntaxique, lexicale et phonologique avec l'arabe standard. À l'instar du berbère, l'arabe marocain n'est pas une langue homogène, car plusieurs dialectes de l'arabe marocain sont parlés dans diverses zones géographiques du Maroc.»
Fatima Sadiqi
Aleya Rouchdy, auteure de «Language Contact and Language Conflict in Arabic» (Editions Routledge, 2013), estime de son côté que «l'arabe marocain (darja) est une variété faible (de l'arabe classique) étant donné qu'il n'est ni codifié ni normalisé». Variété parlée, selon elle, par la grande majorité de la population, la darija «se caractérise, phonologiquement, par une chute de la voyelle» par rapport à l'arabe.
Mais les deux chercheuses reconnaissent que «l'arabe marocain a beaucoup emprunté» aux autres langues. Aleya Rouchdy évoque même un emprunt du français et de l'amazigh.
«Par rapport au Moyen-Orient et même aux dialectes arabes maghrébins, l'arabe marocain est considéré comme la version la plus éloignée de l'arabe standard du Moyen-Orient considéré comme "pur".»
Fatima Sadiqi
Sur le plan linguistique, cette «déviance» est «attestée par la compression remarquable des voyelles, la grande variation phonologique et l'ordre des mots SVO (Sujet-verbe-objet), par opposition à l'ordre typique des mots VSO de l'arabe standard», détaille la chercheuse. .
La darija, enfant de l'arabe classique et l'amazighe ?
Elle reconnait aussi «l'influence du berbère sur l'arabe marocain aux niveaux phonologique, morphologique, syntaxique et sémantique» et qui serait en grande partie responsable de cet écart.
Mais bien avant de se pencher sur la relation entre la darija et l'amazighe, historiens et linguistes se sont intéressés à langue vernaculaire au Maghreb. Ainsi, dans «Etat actuel de la frontière linguistique entre l'arabe et le berbère», les deux universitaires Mostafa Benabbou et Peter Behnstedt ont rappelé que «l'histoire des usages linguistiques au Maroc doit tenir compte du passé linguistique pré-arabe». «Pour cela il faudrait interroger les vestiges pré-berbères, ceux des Phéniciens, des Romains, des Byzantins et même ceux des Vandales», écrivent-ils.
Les deux universitaires donnent l'exemple de mots romains qui marquent le passage des Romains au Maroc, comme «Lixus, Volubilis, Tingis, Zilis» pour «Larache, Walili, Tanger et Asilah», tout comme les origines grecque ou latine de certains mots. Pour eux, il faut aussi tenir compte de l'impact inverse de la défaite des Arabes, notamment à Al Andalus et l'arrivée de nouveaux éléments dans la société marocaine, à savoir les juifs, les andalous ainsi que les colons espagnols et français» sur les langues du royaume.
Et sur les ressemblances et les différences entre la darija et l'amazighe, les thèses ne manquent pas. Dans «Regards croisés de l'historien et du linguiste sur l'interaction des langues en usage au Maroc», El Houssaïn El Moujahid expose les trois hypothèses se rapportant à l'arabe marocain et l'amazighe.
Ce que le débat sur la darija dit sur les représentations de la langue des Marocain.e.s
Il rappelle d'abord que «l'accent est souvent mis sur l'étonnante et intrigante ''similitude'' entre les dialectes de l'arabe marocain et ceux de l'amazigh, aux plans phonique, lexical et morpho-syntaxique». «A l'époque coloniale, les études les plus fiables, se réduisent souvent à des hypothèses intuitives et aléatoires sur les faits diachroniques, sur les mécanismes d'interférence et sur les processus d'emprunt, de calque et d'intégration, dans un sens ou dans l'autre», souligne-t-il. Des études qui concluent, selon lui, à «l'affirmation des analogies constatées entre les deux systèmes».
Ainsi, trois thèses se déclinent. La première, la thèse berbérisante (le tout amazigh) «ramène tous ces faits à une seule hypothèse : l'arabe dialectal est la traduction exacte de l'amazighe». Ceux qui soutiennent cette thèse estiment que «le lexique arabe est venu se mouler dans les structures amazighes comme la mentalité, et la culture arabe ont été assimilées par la culture amazighe».
La deuxième, la thèse arabiste (le tout arabe), «s'inscrit dans une tendance courante visant à démontrer "l'arabité des imazighen" et leur "enracinement profond dans l'arabité"», écrit-il. L'amazighe est ainsi «directement confrontée à l'arabe classique, avec une nette occultation de l'arabe dialectal en usage au Maghreb».
Quant à la troisième thèse dite conciliatrice (entre-deux), elle considère que «l'arabe marocain est le produit de l'interaction entre l'arabe classique et l'amazighe». Celle-ci aurait même «contribué à l'émergence et au développement de l'arabe marocain».
Une darija pour unifier les dialectes
El Houssaïn El Moujahid expose aussi l'approche sociolinguistique qui considère l'arabe marocain et l'amazighe comme «deux pôles de la diglossie dialectal-amazighe». Cette approche reconnait que «les deux langues ne sont pas apparentées directement, l'arabe dialectal étant une langue sémitique et l'amazighe, une langue chamito-sémitique (afro-asiatique)» et que leurs structures linguistiques sont bien distinctes. Cette approche conclut que «l'amazighe constituerait la variété dominée dans le binôme dialectal-amazighe».
Débat sur la darija : «Le parler du peuple précède les académies»
Les Marocains ont ainsi inventé une «lingua franca», soit une langue véhiculaire ou un dialecte servant de moyen de communication entre les différentes populations arabes et amazighes du royaume. Cette nécessité est «motivée par la présence de trois principaux dialectes amazighs et de nombreux sous-dialectes», avance Elabbas Benmamoun, auteur de «Perspectives on Arabic Linguistics XIX» (Editions John Benjamins Publishing, 2007).
Cette utilisation a ainsi «permis de réduire les différences entre dialectes et favoriser l'inter-compréhensibilité entre les dialectes arabes marocains», complète Fatima Sadiqi.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.