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Le gouvernement Benkirane: Verre à moitié vide ou à moitié plein?
Publié dans Yabiladi le 09 - 01 - 2012

La période de grâce, fixée de manière moutonnière à 100 jours, est rapidement en train de s'épuiser pour le gouvernement dirigé par Abdelillah Benkirane (PJD). Prédictions, pronostics et supputations abondent, et chacun – moi inclus - (voir l'article) rédige sa liste de priorités (voir lien) auxquelles le gouvernement devrait s'atteler de toute urgence.
Il convient peut-être de rappeler certains faits pour apprécier à sa juste valeur ce nouveau gouvernement.
1 - On ne peut passer sous silence la rupture que constitue l'arrivée à la primature d'un parti islamiste au Maroc. Le palais a toujours voulu garder le monopole de l'islam politique, et ce n'est qu'au prix de compromis biaisés que le PJD eut droit de cité en 1997 (sous l'étiquette du MPDC, coquille vide issue du MP et dirigée alors par le Dr Abderrahim Khatib, proche du Palais). Il n'a jamais été associé au gouvernement mais a géré plusieurs municipalités, remportées lors des élections communales de 2003 et de 2009. La majorité de ses cadres dirigeants sont issues soit de la Chabiba islamiya d'Abdelkrim Mouti'i, soit de Tawhid wal Islah, une association religieuse d'obédience salafiste. Des menaces d'interdiction planèrent sur le PJD au lendemain des attentats terroristes du 16 mai 2003 à Casablanca. Il est de notoriété publique que le score officiel du PJD lors des législatives de 2002 fut arbitrairement revu à la baisse à l'initiative du ministre délégué à l'intérieur d'alors, Fouad Ali el Himma, ennemi intime du PJD. Ce dernier, ami d'enfance du Roi, a formé son parti, le PAM, afin principalement de contrer le PJD, notamment sur le plan idéologique. On ne peut donc pas dire que le PJD soit un parti administratif.
2 - La victoire électorale du PJD est un fait nouveau dont on ne peut minorer l'importance. Certes, seule une minorité de l'électorat marocain est allée voter, et seule une minorité (27% selon des chiffres officieux, les résultats officiels n'étant toujours pas publiés) de ces électeurs actifs a voté pour le PJD. Mais ce parti islamiste constituait une alternative de gouvernement clair, avec une idéologie connue, une organisation interne qui fait rêver tous les autres partis marocains et un statut politique désormais central – tout ça pour un parti qui frôla l'interdiction en 2003. En termes d'histoire électorale marocaine, c'est la première fois depuis 1977 qu'un parti obtient plus de 100 élus - 107 plus exactement - à la Chambre des représentants, et c'est la première fois depuis 1984 qu'un parti obtient plus de 20% des suffrages exprimés – et encore faut-il préciser que les résultats officiels de ces deux élections-là devaient plus au talent frauduleux de Driss Basri qu'à la volonté populaire, et que dans ces deux cas, les partis en question (RNI en 1977 et UC en 1984) étaient de pures créations du Palais.
3 - C'est sans doute le premier réel gouvernement d'alternance, au sens ou un parti d'opposition arrive au pouvoir par le truchement des urnes. Il y a certes eu l'alternance gouvernementale de 1998, mais outre que l'expérience fut catastrophique (la gauche marocaine a durablement disparu de la carte politique en tant qu'alternative gouvernementale, et l'USFP a mué en parti administratif, en dépit des vestiges individuels de militantisme qui peuvent y subsister malgré tout) elle ne fut pas le résultat à proprement parler d'une victoire électorale de l'USFP (qui fut certes le premier parti de la Chambre en termes de sièges, 57 sur 325, mais avec seulement 13,9% des suffrages exprimés lors des législatives de 1997), mais plutôt d'un accord entre l'USFP – ou plutôt son leader d'alors, Abderrahmane Youssoufi) – et le Roi Hassan II – Youssoufi parlera plus tard du "pacte sacré" conclu avec le Roi. Cette fois-ci, en vertu de l'article 47 de la nouvelle constitution, c'est bien fort de sa victoire électorale incontestable et sur la base d'un programme pensé et articulé que le PJD accède au pouvoir.
4 - Pour la première fois depuis 1965, le Maroc compte un ministre de l'intérieur – Mohand Laenser (MP) - représentant d'un parti politique et non plus soit sécuritaire, soit technocrate. Et pour la première fois depuis 1983, c'est le représentant d'un parti – Saadeddine el Othmani (PJD) - qui est ministre des affaires étrangères. Enfin, et même si l'USFP a à deux reprises détenu le portefeuille de la justice, Me Mustapha Ramid du PJD marque une rupture symbolique réelle à la tête de ce ministère – avocat attitré des salafistes suspectés de terrorisme, sympathisant du mouvement du 20 février et physiquement malmené jusqu'il y a peu par la police lors de manifestations.
5 - Le parti dominant le gouvernement, le PJD, est réputé pour la qualité organisationnelle et démocratique de son fonctionnement interne. C'est ainsi à la suite du vote inattendu des militants en ce sens que Abdelillah Benkirane remplaça en 2008 Saadeddine el Othmani au poste de secrétaire-général du parti. Ses ministres ont été désignés après une procédure de sélection interne fondée sur le vote démocratique des organes internes – ce vote plaça Mustapha Ramid en tête des candidats, et de ce fait le PJD fît publiquement de sa nomination au poste de ministre de la justice une condition sine qua non – onbespreekbaar comme diraient les Belges – de son acceptation de former un gouvernement. Ce ne sont donc pas des aventures individuelles, ou une addition de celles-ci, mais bel et bien une entreprise politique collective qui dirige le gouvernement.
6 - Le gouvernement est de facto dominé par le PJD, et ses partenaires ne pèsent pas très lourd. La nomination de l'Istiqlalien Nizar Baraka au ministère de l'économie et de finances ne doit en rien faire illusion: il ne connaît pas particulièrement le MEF et est flanqué d'un ministre délégué au budget, le PJD Idriss Azami al Idrissi, haut fonctionnaire à la Direction du Trésor et qui sera sans doute le véritable homme fort du MEF, du moins dans un premier temps. Si l'intérieur échappe entièrement au PJD, il n'est pas sûr que le PJD ait à regretter de ne pas être directement comptable des violences policières et de l'explosion de la délinquance.
Mais on peut aussi en sens contraire insister sur les limites de cet exercice:
1 - On peut gloser à l'infini sur le positionnement réel du PJD dans le champ politique marocain, et en particulier sur ses relations vis-à-vis de l'acteur dominant dans ce champ – le Palais. Si ce parti fut difficilement reconnu et que son intégration dans le champ politique marocain a été progressive et non sans risques, son leader actuel, Abdelillah Benkirane, affiche un royalisme à tout crin, et le PJD avait appelé à voter "oui" au projet de constitution royal de 2011. Son passé turbulent est finalement bien moins tourmenté que celui de l'USFP par exemple, qui malgré un passé de résistance et de contestation fut finalement totalement domestiquée lors de l'alternance de 1998. Et on pourrait citer, au-delà de l'USFP qui s'est toujours considérée comme parti de gouvernement potentiel et qui a donc intégré un certain pragmatisme, le cas de toutes ces personnalités issues de l'extrême-gauche, aux positions catégoriques, et qui se sont si bien coulées dans le moule makhzénien: de Driss Benzekri à Hamid Sebbar en passant par Hamid Berrada, Salah el Ouadie, Ahmed Herzenni, Driss El Yazami et Khadija Rouissi, voilà des personnalités de valeur qui ont rejoint, dans des parcours individuels, le système qu'ils affirmaient combattre et honnir. Aucune garantie donc pour que le PJD demeure durablement fidèle à son autonomie vis-à-vis du Palais.
2 - La Constitution de 2011 n'a pas fait du Maroc une monarchie scandinave. Le Roi détient des pouvoirs formels considérables, notamment sur l'appareil judiciaire, l'armée et le travail gouvernemental (il préside le Conseil des ministres dont il détermine ainsi l'ordre du jour), et ces pouvoirs sont encore accrus par le véritable "gouvernement de l'ombre" que constitue le cabinet royal qui compte désormais dix conseillers – dont 6 nommés depuis juillet (Abdellatif Menouni, Mostafa Sahel, Omar Azziman, Yassir Znagui, Fouad Ali el Himma et Taïeb Fassi Fihri) - et un nombre inconnu de chargés de mission. Jugez-en: le ministre des affaires étrangères, Othmani (PJD), est un novice en la matière, et il sera marqué à la culotte par Taïeb Fassi Fihri, conseiller du Roi qui suivra les affaires diplomatiques qu'il a suivi en tant que secrétaire d'Etat puis ministre de 1993 à 2011. De son côté, le ministre de l'intérieur, Laenser (MP), sera lui cornaqué par deux conseillers royaux anciennement ministres de l'intérieur, Mostafa Sahel et Fouad Ali el Himma, sans compter les sécuritaires indéboulonnables que sont le général Hosni Benslimane, commandant de la Gendarmerie royale, et Yassine Mansouri, directeur-général de la DGED (espionnage extérieur).
3 - Les ministres de souveraineté demeurent. S'ils sont en nombre réduit, il en reste trois de plein exercice, et pas des moindres puisqu'il s'agit des ministres sortants des habous et affaires islamiques (Ahmed Taoufik), de l'administration de la défense nationale (Abdellatif Loudiyi) et du secrétariat général du gouvernement (Driss Dahak). A ceux-là, il faut ajouter des ministres délégués sans appartenance partisane venant marquer à la culotte les titulaires de deux portefeuilles anciennement dits de souveraineté : Othmani (PJD) aux affaires étrangères est ainsi cornaqué par le secrétaire général sortant de ce ministère, Youssef Amrani, tandis que Laenser (MP) à l'intérieur est flanqué du chef sortant de la Sûreté nationale, Charki Draïss. Et impossible de passer sous silence l'anomalie de ce gouvernement, le ministre sortant de l'agriculture et de la pêche, le magnat du pétrole Aziz Akhannouch, démissionnaire du RNI (passé entretemps dans l'opposition), un temps pressenti à l'intérieur et qui doit sa situation, y compris économique, à sa proximité du pouvoir.
4 - Le PJD lui-même n'est pas tout à fait sur la même longueur d'ondes en termes de réformes, notamment institutionnelles: si Ramid s'est montré ferme sur les questions judiciaires et institutionnelles et si Lahcen Daoudi a récemment remis en cause le pharaonesque projet de TGV, Benkirane et Othmani par exemple sont sans doute moins contestataires. Les courants existent au sein du PJD et on peut être certain que le Palais saura exacerber les tensions, tant au sein du gouvernement qu'au sein du parti et de ses députés.
5 - Les alliés du PJD ne sont guère crédibles, comme un ministre PPS l'avait reconnu… en 2007. Comme le rappelle Youssef Belal, Benkirane fera face à un double front, le Palais et ses alliés. Si l'USFP et ses dinosaures sont désormais dans l'opposition, l'Istiqlal a certes eu la délicatesse de ne pas proposer le nom d'Abbas el Fassi. Nizar Baraka, son gendre et un des favoris à la succession de beau-papa, y figure, ainsi qu'un dinosaure, l'ex-ambassadeur Mohamed el Ouafa. Aucun des deux ne s'est distingué par son zèle réformateur. S'agissant du PPS, le principal éclat de son leader, Nabil Benabdallah, est dû à son épouse, qui ne siège malheureusement pas au gouvernement. Quant au MP, il suffit de préciser que son leader, le ministre de l'intérieur Laenser, siégea pour la première fois au gouvernement en… 1983 – et il n'y a personne à qui il aura laissé un souvenir impérissable. Dépourvus de colonne vertébrale, pour utiliser une image polie, les partenaires du PJD sont susceptibles de plier au premier coup de vent, et ce, sans compter les six ministres sans étiquette partisane.
6 - Enfin, les espoirs placés en Benkirane et le PJD sont démesurés. Les marges de manœuvre économiques du gouvernement sont plus que limitées, surtout avec une pluviométrie basse, et il lui reviendra sans doute de procéder à de douloureuses réformes en matière de subvention des produits de première nécessité (la fameuse caisse de compensation) et de retraite, dans un contexte international perturbé. Les résistances institutionnelles – et pas seulement celles du Palais: il suffit d'imaginer les résistances auxquelles butterait toute réforme de l'enseignement ou de la fonction publique – se chargeront du reste, et le Palais se fera un plaisir de faire avaleur couleuvre sur couleuvre au PJD – je vois d'ici Othmani serrant la main à tel dignitaire gouvernemental israélien…
Bref: espérons, mais sans illusion…
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