L'Organisation mondiale de la santé exhorte plusieurs pays à éradiquer la pratique des tests de virginité. Les sociologues marocaines Nouzha Guessous et Marya Khtira estiment que cette pratique alimente la discrimination envers les femmes et l'hypocrisie sociale. Le test de virginité est une pratique «non scientifique et médicalement inutile», qui viole les droits humains et conduit à la violence. C'est ce qu'a déclaré l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un récent rapport. L'institution onusienne chargée de la santé publique appelle à l'éradication de ces tests dans les pays où la pratique a été documentée, notamment le Maroc, le Brésil, l'Egypte, l'Inde, l'Indonésie, l'Iran, l'Iraq, la Jamaïque, la Jordanie, la Libye, le Malawi, la Palestine, l'Afrique du Sud, le Sri Lanka, le Swaziland, la Turquie, le Royaume-Uni et le Zimbabwe. «Cet examen n'a aucun mérite scientifique et ne relève d'une quelconque indication clinique. La présence de l'hymen n'est pas une indication fiable d'un rapport sexuel et il n'existe aucun examen connu pouvant prouver l'existence d'un rapport sexuel vaginal. En outre, cette pratique constitue une violation des droits fondamentaux de la victime et est associée à des conséquences immédiates, ainsi que sur le long terme, préjudiciables à son intégrité physique, psychologique et sociale (…) L'élimination nécessitera une réponse sociétale globale soutenue par la communauté de la santé publique et les professionnels de la santé», plaide ainsi l'OMS dans son rapport. Reconsidérer des facteurs importants Au Maroc, des femmes sont encore contraintes de subir un test de virginité sous la pression parentale, familiale ou conjugale. Une pratique «socialement construite», estime la sociologue marocaine Nouzha Guessous, également consultante en droits humains des femmes. La chercheuse confirme que le recours à un test de virginité «n'est pas légalement requis au Maroc lorsqu'un couple est sur le point de se marier». Souscrivant aux recommandations de l'OMS, elle dénonce par ailleurs une pratique qui «humilie les femmes et les rabaisse à un statut d'objet aux yeux de la société», et renforce le «manque de confiance». Pour Marya Khtira, sociologue chevronnée sur les questions liées à l'égalité des sexes, cette pratique, qu'elle juge «dégradante», va de pair avec l'introduction de droits fondamentaux afin de permettre aux femmes d'être plus indépendantes et ainsi moins vulnérables. «Le changement doit être conduit par les femmes elles-mêmes, notamment celles qui vivent dans les zones urbaines. Mais avant de leur demander de rejeter les tests de virginité, je pense qu'il faut avant tout reconsidérer des facteurs importants, notamment l'éducation», nous dit-elle. «Accepter ce mythe encourage l'hypocrisie sociale et la discrimination fondée sur le sexe.» Marya Khtira «Il est inadmissible de demander aux femmes de respecter des règles que les hommes sont censés enfreindre. Nous n'avons jamais entendu parler d'hommes à qui on aurait demandé de se soumettre à un test de virginité», s'insurge encore la sociologue. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme, ONU-Femmes et l'OMS appellent ainsi à «mettre un terme à cette pratique médicalement inutile et souvent douloureuse, humiliante et traumatisante, et, plus largement, à éliminer la violence à l'égard des femmes et des filles, partout dans le monde», ont indiqué les trois entités dans un communiqué publié le 17 octobre dernier sur le site de l'OMS. «La norme sociale selon laquelle les filles et les femmes devraient rester "vierges" (c'est-à-dire, ne pas avoir connu de rapports sexuels) se fonde sur des stéréotypes cantonnant la sexualité féminine à la sphère du mariage. Cette notion porte préjudice aux femmes, partout dans le monde», ont-elles rappelé.