Une relecture du texte sacré pourrait-elle libérer la femme musulmane de la discrimination dont elle a longtemps fait objet ? C'est en tout cas ce que Asma Lamrabet tente de démontrer dans son ouvrage «Femme, Islam, Occident : Chemins vers l'universel». D'après Asma Lamrabet, trois courants du féminisme coexistent actuellement au Maroc. «(…) Il y a [d'abord] les femmes musulmanes qui prônent un féminisme de mode laïc.» Ce courant se réfère «à un modèle d'émancipation essentiellement inspiré de l'Occident». Ce qui caractérise ce premier courant, c'est bien sa volonté de «libérer les femmes musulmanes de l'islam, notamment de sa version juridique ou Sharia». Le deuxième courant rassemble des femmes récusant l'assimilation sémantique «féministe», jugée trop occidentalisée, et préfèrent s'accommoder d'une lecture traditionaliste voire littérale de l'islam. En parallèle, il y a un troisième courant, «qui est en cours d'émergence» et qui s'inscrit «dans un espace alliant fidélité à l'Islam et ouverture sur [les] valeurs universelles». C'est le féminisme islamique. Qu'est-ce alors que le féminisme islamique ? Asma Lamrabet définit ce courant comme étant «une alternative entre une option religieuse traditionaliste rigide et un mimétisme aveugle du modèle occidentale érigé comme unique voie de libération possible et imaginable». C'est un courant qui se situe donc à l'intersection des deux courants déjà évoqués. Son fondement consiste en une «relecture» des textes sacrés pour mettre en relief, tout en la dénonçant, la discrimination subie par les femmes du monde islamique. Il est donc de nature «réformiste». Les femmes faisant partie de ce courant récusent une interprétation littérale des textes coraniques et du hadith. «A la fois intellectuelles et pratiquantes», ces femmes «vont aller directement puiser à la source afin de vérifier d'elles-mêmes ce que disent réellement les textes sacrés». Vers une nouvelle lecture des textes sacrés Le travail de relecture laisse entrevoir qu'il «a lieu à travers l'histoire de civilisation islamique une véritable culture d'usurpation des droits de la femme» au biais d'une «jurisprudence qui est restée jusqu'à nos jours foncièrement patriarcale et coutumière». Ainsi, et au moment où le Coran insiste sur l'obligation d'apprentissage pour les femmes, vu qu'il qualifie «le savoir» comme étant «la clé qui ouvre le grand livre de l'univers», on se retrouve face à une réalité amère du monde islamique où l'analphabétisme des femmes fait des ravages, et ce à cause de ces «lois islamiques», qui durant des siècles ont interdit à la femme l'accès à la mosquée et à l'école. Au moment où le Coran parle d' «amour entre les époux», la jurisprudence islamique, elle, ne connaît que «l'obéissance absolue au mari», et la soumission totale de la femme qui la rend mineure à vie, toujours besoin de «tutelle forcée» et parfois même victime de «correction» en cas de désobéissance. La «relecture» du texte sacré qu'adopte le féminisme islamique a un rôle capital, puisque cela permet de dévoiler maintes «assertions sexistes, supposées émanant du texte coranique, alors qu'en fait, il s'agissait de simples constructions humaines, figées dans le temps, à travers une lecture littérale» du texte coranique et «qui depuis toujours a cautionné une certaine subordination des femmes». Les fruits de la dite «relecture» Pour l'écrivaine, la «relecture» du texte sacré a permis la déconstruction du discours misogyne, et la dénonciation de «nombreuses affirmations, longtemps mises à tort, sur le compte de l'islam» comme par exemple «les mariages forcés, l'excision, la violence conjugale, la répudiation, l'obéissance au mari, le statut de mineure à vie, la polygamie...» et j'en passe. La «relecture» a permis également d'attribuer «le droit à la liberté d'expression (…) de la femme». Elle a aussi mis en exergue «le droit des femmes à l'éducation, au travail», et même «à l'égalité salariale», demeurant une proclamation très moderne. Ce qui peut paraître encore plus curieux, c'est que cette «relecture» rappelle qu'en Islam, le voile est «un choix spirituel personnel», et non pas une obligation. De même «que le choix du partenaire est un droit inaliénable, que le divorce est un droit partagé, que la contraception a toujours été autorisée». Mais le plus flagrant dans tout cela, et contrairement à ce que l'on peut penser, c'est que même «l'avortement a toujours été considéré avec une grande flexibilité». Résolument, le féminisme islamique, avec sa nouvelle approche du texte coranique, met fin au discours patriarcal longtemps adopté par la culture islamique.