Le Cytotec, médicament employé comme traitement de l'ulcère gastrique et/ou duodénal, ne sera plus disponible en France à compter du 1er mars 2018 en raison d'effets secondaires graves. Qu'en est-il du Maroc, où ce médicament est utilisé chez la femme enceinte ? Commercialisé par la firme pharmaceutique américaine Pfizer comme traitement de l'ulcère gastrique et/ou duodénal, le Cytotec (Misoprostol, en référence au nom de la molécule) est également employé en gynécologie-obstétrique, où il est utilisé hors autorisation de mise sur le marché (AMM) et pourrait entraîner des effets secondaires graves. Désormais, les jours de ce médicament sont comptés : il sera retiré définitivement du marché français à compter du 1er mars 2018. Cette décision du laboratoire Pfizer, en accord avec l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), a été annoncée le 19 octobre, indique Le Monde. Si le Misoprostol possède une AMM en gastro-entérologie, il n'en est pas de même pour la gynécologie-obstétrique, où il est toutefois très utilisé par les praticiens. Seul bémol : lors de l'usage de cette fameuse molécule en gynécologie pour les IVG, le déclenchement du travail ou la préparation à la pose de stérilet, des effets secondaires graves, notamment cardio-vasculaire, ont été rapportés. Certains gynécologues auraient administré cette molécule à des femmes par voie vaginale alors que le médicament doit être administré par voie orale, au motif qu'elle serait plus active sur l'utérus. Or, c'est par cette voie d'administration qu'ont été signalés des effets indésirables graves. Le Misoprostol présent dans les maternités marocaines Joint par téléphone, le professeur Chafik Chraibi, gynécologue-obstétricien, président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC), confirme la commercialisation du Misoprostol au Maroc : «Le Misoprostol existe au Maroc mais son usage est limité au secteur hospitalier.» Autrement dit, nul ne peut s'en procurer en pharmacie. Si l'usage est strictement hospitalier, le médecin assure que «le Misoprostol a rendu d'énormes services aux patientes qui arrivent tous les jours dans les maternités. On le prescrit lorsqu'une patiente souffre d'une hémorragie de délivrance, pour le déclenchement du travail chez la femme enceinte ainsi que pour l'interruption médicale de grossesse». Interrogé sur la voie d'administration du médicament «qui a réduit de façon notable la mortalité maternelle au Maroc», le gynécologue-obstétricien précise que «l'administration du Misoprostol se fait par voie orale». «Nous effectuons des dilutions du comprimé, le dosage est extrêmement important. Un mauvais dosage peut mettre en danger la santé de la patiente», prévient-il. Quid de l'Artotec, médicament combinant Misoprostol et Diclofénac ? Si le Misoprostol est réservé à l'usage hospitalier au Maroc, l'Artotec est quant à lui disponible dans les pharmacies du royaume. En effet, l'avortement étant pénalement répréhensible au Maroc, l'Artotec constitue une alternative permettant à la femme enceinte d'interrompre médicalement sa grossesse elle-même. Une pratique qui n'est pas sans risques dans un pays où les avortements clandestins sont massifs, de l'ordre de 290 000 par an, soit 800 chaque jour. En 2012, un bateau de l'association néerlandaise «Women on Waves» avait proposé à des femmes marocaines de pratiquer des avortements médicamenteux réalisés par une équipé médicale. Elle s'était vu interdire l'accès du port de Smir, au nord-est du Maroc, par les autorités locales. L'association avait ensuite publié sur son site web les étapes à suivre pour effectuer un avortement sans risques au Maroc à l'aide de l'Artotec. «Je reçois régulièrement des femmes ayant effectué des avortements seules, elles n'avouent jamais et se retrouvent souvent dans des états critiques une fois admises dans le service», déplore le praticien. En tous les cas, le retrait brutal du Misoprostol du marché français continue à soulever des questions : s'agit-il d'effets secondaires graves, d'apports financiers insuffisants au laboratoire Pfizer ou d'une pression anti-IVG exercée sur le groupe pharmaceutique américain ? En tout cas, il a permis de remettre en lumière le questionnement sur l'IVG, en l'occurrence au Maroc, où elle demeure interdite et passible de prison.