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Histoire : Comment le Maroc s'est approprié le thé à la menthe ?
Publié dans Yabiladi le 28 - 06 - 2017

Le thé à la menthe, boisson phare du royaume, n'a cependant pas vu le jour au Maroc puisqu'il fut introduit progressivement durant les siècles. Histoire d'un breuvage dont les Marocains ne se lassent pas.
«Le thé à la menthe doit être amer comme la vie, mousseux comme l'amour et sucré comme la mort.» C'est l'un des proverbes marocains les plus signifiants sur l'importance et la place du thé dans la culture marocaine.
Aucun Marocain ne déroge à la règle ; de la simple table du petit déjeuner aux grandes réceptions festives, la fameuse théière de feuilles de thé infusées avec de la menthe fraîche est indispensable.
On accole souvent à la deuxième boisson la plus consommée au monde l'hospitalité qui en découle, qui fait également la renommée du peuple marocain, ancrée à ses traditions d'antan. Si plusieurs variétés de thé existent en Chine, où on lui prête des vertus sacrées, au Maroc, c'est le thé vert en grains qui est consommé. Une fois infusé, sa couleur vire ambre, voire rouge.
Un long périple depuis la Chine...
Un goût subtil, adouci par le sucre et relevé par la menthe fraîche : voilà le secret d'un bon verre de thé à la marocaine. Mais avant d'arriver sur nos tables, ces grains ont fait un long voyage depuis la Chine, notamment.
Tout aurait commencé en 2737 avant notre ère dans ce lointain pays. D'après les récits, une brise aurait fait tomber quelques feuilles d'un théier sous lequel l'empereur Shen Nung faisait bouillir de l'eau. Une fois mélangées à l'eau, ces feuilles délivrèrent un parfum et une couleur que l'empereur découvrait pour la première fois : c'est ainsi que le thé serait né. Quelle que soit la légende, les arbustes seraient sans conteste originaires de Chine, où l'habitude de consommation de cette boisson s'est d'abord popularisée à travers la sacralité qui lui était conférée.
L'empereur Shen Nung qui découvre pour la première fois le thé. / Ph. DR
Une démocratisation qui prévaut toujours des siècles plus tard au Maghreb, plus précisément au Maroc. Essence même des coutumes dans les contrées et tribus touaregs du sud du royaume, le thé à la menthe fait aujourd'hui partie de la tradition marocaine. Comment a-t-il gagné nos tables? Plusieurs récits expliquent son introduction dans le pays, notamment par un compte-rendu commercial de voyages en 851 (IXe siècle). Soliman, marchand arabe, conte ses épopées en Chine en évoquant le thé tel une herbe sacrée en ces terres. La plante a par la suite fait du chemin, passant par le Pakistan, l'Iran, la péninsule arabique et la Turquie. Le thé arrive en Egypte vers le XVIe, selon les éléments connus à ce jour. Une propagation qui s'arrêtera à cette époque et n'ira pas plus loin que le désert de Libye. Après ces textes, il a fallu attendre quatre siècles avant que Marco Polo ne conte ses périples avec le thé en Chine. Ce sont en effet les grandes compagnies maritimes qui permettront au thé d'Extrême-Orient de dépasser la route des caravanes et prendre celle de la mer.
...avant de finir au Maghreb
Plusieurs ouvrages relatent la manière dont le Maroc a vu arriver le thé sur ses terres, en l'occurrence par la route de la soie qui partait de l'empire du Milieu en passant par la Mongolie avant d'atterrir dans le monde musulman. A cette époque, le thé était le breuvage des caravaniers car il étanchait la soif et atténuait la fatigue, compte tenu de ses vertus stimulantes et énergisantes. «Le Livre du thé à la menthe : Coutume et histoire», étude d'anthropologie historique datant de 1999, menée par Abdelahad Sebti et Abderrahmane Lakhsassi, est l'ouvrage de référence sur la culture du thé au Maroc.
Dans son livre «l'Art du thé au Maroc», Noufissa Kessar Raji explique quant à elle que «le thé fut introduit pour la première fois au Maroc, à la cour de Moulay Ismaïl (1672-1727). On raconte que la reine Anne d'Angleterre (1665-1714) estima que 'deux grandes fontaines à thé en cuivre et un peu de thé de bonne qualité' seraient ce qui pourrait adoucir le cœur de l'empereur du Maroc qui détenait soixante-neuf prisonniers de guerre anglais». Le bouquin relate également qu'«en 1789, le chirurgien anglais William Lemprière appelé à la cour du sultan Sidi Mohamed s'étonne que le thé soit servi dans de superbes tasses de porcelaine des Indes, d'une petitesse remarquable, la petite quantité que l'on sert à la fois de cette boisson fait voir tout le cas que les Maures en font. Un régal de thé dure au moins deux heures. Il n'y a que les gens riches qui puissent en boire, à cause de la rareté dont il est en Barbarie».
Ainsi, dans d'autres écrits, il est expliqué que plus tard, le thé aurait fait son entrée «au Maroc en 1854, durant la guerre de Crimée. En raison du blocus de la Baltique, les négociants britanniques cherchent de nouveaux marchés pour écouler leur marchandise. Ils se tournent vers les ports de Tanger et de Mogador (ancienne Essaouira, ndlr)».
Après avoir été le cadeau du Sultan Moulay Ismail, le thé est introduit un siècle plus tard au Maroc. / Ph. DR
Bon pour la santé le thé à la menthe ?
Lorsqu'il fut introduit au Maroc, le thé a été très rapidement adopté par la population car la menthe diminuait l'amertume du thé sans en dénaturer le goût et la couleur. Il a remplacé de ce fait les tisanes de plantes et les infusions de feuilles de menthe (ou d'absinthe) très répandues à cette époque ainsi que le café, rare et cher. C'est alors que le thé, la menthe verte, le sucre et les théières ont constitué un socle important de richesses pour les marchands.
Côté santé, de tous les thés, le thé vert est le plus réputé. Il est l'un des seuls à conserver ses vertus car il est le moins transformé. Le thé contient trois principales familles d'antioxydants : les catéchines, les théaflavines et les théarubigines. Ainsi, il y aurait dans une tasse de thé vert jusqu'à 400 mg de polyphénols, une famille de molécules organiques largement présente dans le règne végétal, selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (ANSES). Grâce à ces composés, le thé est considéré comme la boisson à la plus forte activité antioxydante. Le pouvoir antioxydant des extraits de thé vert est d'ailleurs quatre fois supérieur à celui de la vitamine C. D'après plusieurs études, le thé vert possède également des vertus bénéfiques dans la prévention du cancer.
Loin des stéréotypes touristiques, le thé marocain est une réelle institution dans le pays. Consommé à toute heure de la journée et en toute circonstance, le rituel du thé à la menthe est propre à chaque famille car il n'existe pas une recette pour réaliser cette boisson, chacun étant libre de le faire comme il le souhaite. Les ingrédients de base à respecter : thé vert, menthe fraîche, pain de sucre et eau chaude. Sa fabrication reste toutefois une affaire d'hommes puisque c'est eux qui le font en général. Symbole de convivialité et d'hospitalité, les Marocains ont su faire de cette boisson celle de leur pays. Au point que le royaume est l'un des plus gros importateurs au monde de feuilles de thé vert chinois et était en 2014 le deuxième pays le plus consommateur de thé avec 4,34 kg par personne.
Les ingrédients de base indispensables à la réalisation du thé. / Ph. DR


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