La querelle au sein de la communauté marocaine du Sénégal s'aggrave. L'actuel ambassadeur du Maroc au Sénégal, M. Taleb Berrada a assigné l'association du Conseil National des Marocains au Sénégal (CNMS) à comparaître le 5 mai devant le Tribunal hors classe de Dakar. L'affaire qui oppose depuis deux ans l'association du Conseil National des Marocains au Sénégal (CNMS) à l'ambassadeur du Maroc au Sénégal, M. Taleb Berrada s'envenime. L'ambassade, par le biais de l'agence immobilière «Indépendance immobilière» a assigné à comparaître le CNMS le 5 mai devant le Tribunal hors classe de Dakar. Elle lui réclame le paiement de 3 000 000 FCFA (plus de 53 000 DH) : le loyer, pour l'année 2010 d'une villa à Dakar, dont l'ambassade est propriétaire au nom de la communauté marocaine dans son ensemble. Un huissier est même venu, le 26 mars, saisir les biens de l'association, avant d'être renvoyé par Mohamed Farssi, président du CNMS. Depuis 2001, le CNMS occupe cette villa comme local dans le cadre de ses activités associatives. «Nous réalisions des projets pourvoyeurs d'emplois et de revenus pour la communauté marocaine», explique Mohamed Farsi. D'après lui, les différents contrats signés avec l'agence immobilière et qui avaient toujours été avalisés par l'ambassade stipulaient qu'il n'y avait versement de loyer que dans le cas où des projets rémunérateurs y étaient réalisés. «Pas de projet, pas de loyer», résume M. Farsi, or depuis 2010, aucun projet, propre à l'association n'y a été mis en place. L'ambassadeur, sans s'exprimer sur ces contrats, estime normal que l'association de M. Farssi verse le loyer. Imbroglio Pour saisir la position des deux protagonistes, il faut revenir à l'histoire du fonds social donné par Hassan II aux plus pauvres de la communauté marocaine du Sénégal, en 1964. La communauté avait alors décidé d'investir l'argent dans l'achat de trois villas. Depuis 2001, «le CNMS a obtenu la gestion de ce fonds c'est-à-dire des revenus qui proviennent de la location des villas. De son propre chef, il s'est aussi attribué l'une d'entre elles», affirme M. Taleb Berrada. Le président du CNMS, soutient, lui, avoir fédéré plusieurs associations pour la gestion de la villa. Quelque soit le point de vue, puisque il est acquis que les villas relevaient du gestionnaire du fonds, le CNMS se versait à lui-même un loyer. Selon l'ambassadeur les autres associations marocaines au Sénégal se seraient senties lésées et auraient demandé à bénéficier, elles aussi, de ce fonds attribué au CNMS par l'ancien ambassadeur. En 2009, «j'ai pu obtenir du CNMS qu'il rende la gestion du fonds à l'ambassade en attendant de former un collectif d'associations pour s'en occuper», explique M. Berrada. En 2010, le CNMS n'avait donc plus la gestion du fonds et les projets menés au sein de la villa qui lui servait encore de local n'étaient pas les siens, mais étaient financés par le ministère de la Communauté marocaine à l'étranger. Affrontement entre associations Il est donc malaisé de savoir si le CNMS a encore l'obligation légale de verser le loyer qu'on lui réclame. Si le Tribunal hors classe de Dakar parvient à trancher l'affaire jeudi 5, il est certain qu'il ne mettra pas pour autant terme à la querelle qui oppose le CNMS et l'ambassade du Maroc au Sénégal. Le 15 août 2010, le CNMS ainsi que d'autres associations publiaient dans le Maghreb Observateur une lettre ouverte à l'ambassade pour l'accuser de favoritisme. «Pourquoi les Marocains membres de nos associations n'ont-ils pas le droit d'assister à la fête du trône qu'organise l'ambassade à Dakar, alors que les vôtres ont reçu les invitations?» Selon, M. Farsi, l'ambassade a pris en grippe l'action du CNMS, qu'elle estimerait insuffisamment «soumis», et préférait installer dans la place des associations qui lui sont affiliées. 7 associations se sont, en tout cas, exprimées dans le quotidien sénégalais le Matin, le 30 mars, pour soutenir l'action de l'ambassadeur. M. Taleb Berrada, reconnait l'existence de ces deux parties mais assure qu'il ne prend parti pour personne : «Je me place au dessus de la mêlée», affirme-t-il. Il assure même que la procédure judiciaire lancée contre l'association de M. Farsi ne relève pas de son initiative. «L'agence immobilière a seule la responsabilité de recevoir les loyers», assure-t-il. L'ambassadeur reste toutefois le donneur d'ordre comme le stipule le «commandement assignation en référé» reçu par le CNMS, le 25 mars. Selon l'ambassadeur, «M. Farsi souhaite rester le seul interlocuteur de la communauté marocaine auprès de l'ambassade et ce n'est pas acceptable.»