Des dizaines de milliers de patients atteints de maladies incurables au Maroc souffrent de «douleurs inutiles», selon Human Rights Watch (HRW). Dans un rapport fraichement publié, l'ONG internationale appelle le gouvernement à prendre des mesures pour soulager ces malades, afin de leur permettre de finir leurs jours dans des conditions moins éprouvantes. «Il est urgent que le gouvernement marocain développe davantage les services de soins palliatifs. À l'heure actuelle, des milliers de personnes atteintes de cancer et d'autres maladies graves au Maroc souffrent inutilement de symptômes pouvant pourtant être traités», a déclaré Diederik Lohman, directeur adjoint de la division Santé et droits humains à Human Rights Watch (HRW). Il commentait ainsi le nouveau rapport de l'ONG sur l'état des soins attribués aux malades en fin de vie au royaume. Intitulé : «Douleurs déchirantes : Défis et progrès dans les efforts pour garantir le droit aux soins palliatifs au Maroc», le document -neuvième d'une série d'études menées par HRW sur la façon dont les pays fournissent des soins de santé aux personnes atteintes de maladies incurables- a été publié ce jeudi à New York. 2 CHU équipés pour les malades de tout le royaume Dans cette étude, l'ONG pointe plusieurs insuffisances, notamment concernant les infrastructures. Chaque année, indique le rapport, plus de 62 000 Marocains ont besoin de soins palliatifs, qui visent à améliorer la qualité de vie de personnes atteintes de maladies limitant leur espérance de vie, en traitant la douleur et d'autres symptômes. Or, seuls les CHU de Casablanca et Rabat disposent d'unités spécifiques proposant ce service de santé essentiel, et seulement aux malades atteints d'un cancer. Ainsi, les malades cancéreux des autres villes du royaume doivent parfois faire de longs voyages pour bénéficier des soins, tandis que les malades atteints d'autres maladies incurables continuent de souffrir. Le HRW évalue leur nombre à environ 40 000 personnes chaque année. Et, l'ONG prévoit un accroissement des maladies incurables à l'avenir, estimant que le pourcentage des personnes âgées de plus de 65 ans devrait presque doubler et l'incidence du cancer devrait presque tripler au cours des 15 prochaines années. HRW reconnait que des efforts ont été fait au Maroc avec notamment la réforme du programme des études de médecine de premier cycle qui inclut désormais un module sur la douleur et les soins palliatifs, ainsi que l'amélioration de l'accès aux analgésiques opioïdes. 1 malade du cancer ou du sida sur 5 ou peut vraiment être soulagé de ses douleurs Cependant, le rapport note également des insuffisances au niveau du personnel soignant des hôpitaux marocains. Les auteurs déplorent en effet que la plupart des établissements ne disposent pas d'un personnel formé à la pratique des soins palliatifs ou n'ont pas accès à des analgésiques essentiels tels que la morphine. De plus, estiment-ils, «d'importantes lacunes» subsistent dans le traitement de la douleur modérée à intense. «La quantité d'opioïdes utilisée au Maroc suffit à soulager les douleurs de seulement un malade du cancer ou du sida sur cinq, sans même prendre en considération les besoins en opioïdes de personnes atteintes d'affections comme les maladies cardiaques et pulmonaires ou le diabète», fait remarquer l'ONG. Conséquence de cette situation : «des dizaines de milliers de Marocains atteints de maladies incurables passent les dernières semaines ou mois de leur vie dans de grandes souffrances qui pourraient leur être épargnées», ajoute-t-elle. HRW recommande, entre autres, au gouvernement de créer des unités de soins palliatifs généraux dans chacun des cinq CHU du pays, estimant qu'il s'agit d'une «mesure essentielle» dans les efforts du Maroc pour intégrer les soins palliatifs à son système de santé. Rabat est également appelé à lever les obstacles structurels restants à l'accès aux soins palliatifs et à intégrer le traitement de la douleur ainsi qu'à assurer la disponibilité des analgésiques opiacés administrés par voie buccale dans les établissements de soins secondaires.