Il n'y a pas que l'Algérie avec laquelle le Maroc est prêt à en découdre pour défendre ses intérêts sur la scène continentale ou internationale. Sous le règne de Mohammed VI, Rabat a montré des qualités à entrer en conflit ouvert, et pour les mêmes raisons, avec des Etats classés pourtant dans la catégorie de ses «alliés». La crise avec la Suède n'est pas la seule que le Maroc a connue ces dernières années. L'Espagne, la France et les Etats-Unis avaient subi, auparavant, la colère de Rabat. Souvent, c'est la souveraineté du Royaume sur des territoires ou ses revendications de rétrocessions de terres appartenant au Maroc qui sont la cause directe de ses différends. En voici quelques exemples. L'ESPAGNE EN 2002 Le 11 juillet 2002, le Maroc envoyait six gendarmes occuper l'îlot Leila (ou Perejil en espagnol) en vue d'y installer «un poste de surveillance», selon une dépêche de la MAP, sur un bout de roche de 13,5 hectares habités par quelques chèvres. Une initiative qui s'inscrivait dans «le cadre d'une campagne de lutte anti-terroriste et anti-émigration clandestine dans la zone du détroit de Gibraltar», expliquait la même source. Une version qui ne partageait pas le premier ministre José Maria Aznar qui n'a pas hésité à faire usage d'une force militaire disproportionnée pour déloger les six éléments de la gendarmerie royale sur place. Aznar craignait en effet que le Maroc ne se contente pas uniquement de cet îlot mais revendique d'autres rochers ou territoires en Méditerranée occupés par l'Espagne, indique Jorge Descallar l'ancien patron du renseignement dans son autobiographie «Valió la pena» (Le jeu en vallait la chandelle). Il a fallu une intervention de Colin Powell pour remettre le compteur à zéro et revenir sur la situation qui prévalait avant l'escalade. Sous la médiation du chef de la diplomatie américaine, les deux parties signaient un accord le 22 juillet 2002. Douze ans plus tard, 32 éléments des Forces auxiliaires marocaines foulaient le sol de l'îlot Leila mais cette fois, dans le cadre d'une opération coordonnée avec l'Espagne de surcroit gouvernée par l'ancien n°2 d'Aznar, pour y déloger des migrants clandestins. L'ESPAGNE EN 2007 Cinq ans après la crise de Leila, les relations avec l'Espagne se corsent de nouveau. La visite de l'ex-roi Juan Carlos à Ceuta et Melilla est vivement dénoncée à Rabat. «Nous exprimons avec force notre condamnation et dénonçons avec autant de fermeté cette visite sans précédent», avait déclaré le conseiller royal, Mohamed Mouâtassim. Dans le sillage, le Maroc rappelait son ambassadeur en Espagne, Omar Azziman, pour consultation. Contrairement à l'affaire Leila de juillet 2002, la page du déplacement de Juan Carlos dans les deux villes réclamées par le Maroc a vite été tournée. LES ETATS-UNIS EN 2013 Neuf ans après la décision de l'ancien président George Bush d'accorder au Maroc le statut d'allié majeur de Washington en dehors des pays membres de l'OTAN, les relations entre Rabat et Washington se tendent au Conseil de sécurité. Un avant-projet de résolution préparé, comme d'habitude, par les Etats-Unis proposant d'élargir le mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'Homme au Sahara occidental, a été le déclencheur. Depuis l'arrivée de Barack Obama à la Maison blanche, le fossé séparant Rabat de Washington ne cessait de se creuser. Le Royaume se devait de répliquer et vite. Le 12 avril 2013, Mohammed VI écrivait une lettre à Obama lui expliquant «l'importance que revêt pour le Royaume et son peuple la question du Sahara marocain» et alertait des «risques qui résulteraient de tout changement du mandat de la Minurso». Une missive appuyée par une offensive diplomatique des hommes du Palais dans certains capitales et au sein même des Etats-Unis. Une démarche réussie, contraignant l'administration Obama à faire marche arrière au grand dam de l'Algérie et du Polisario. LA FRANCE EN 2014 La brouille passagère avec les Etats-Unis a permis aux officiels marocains de se rendre compte du faible engagement de la France à les défendre face à Washington. Les Russes et les Espagnols s'étaient montrés très réceptifs aux arguments de Rabat au point de s'opposer au projet de résolution américain. Le 20 février 2014, éclate l'affaire Hammouchi immédiatement suivie par la suspension par le Royaume de l'accord de coopération judiciaire. Les deux «alliés» ont frôlé la rupture. Pendant presque une année, Rabat refusait les mains tendues par François Hollande et Manuel Valls, conditionnant toute normalisation à la révision de l'accord judiciaire. Les attentats de Charlie Hebdo ont contribué à la fin de la brouille et la relance des relations sur de nouvelles bases qui profitent au Maroc. ET LA SUEDE EN 2015 La Suède a souvent adopté des positions en défaveur au Maroc au sein de l'Union européenne, notamment sur le dossier de l'accord de pêche. Rabat évitait de réagir publiquement aux positions de Stockholm. Une ligne politique, visiblement, enterrée. Sauf qu'au niveau de cette crise le Palais n'a pas voulu prendre le devant de la scène, comme c'était le cas avec les Etats-Unis ou la France, laissant aux partis et au gouvernement le soin de gérer la crise. La délégation envoyée en Suède et conduite par la secrétaire général du PSU, Nabila Mounib, a permis d'applanir le différend avec les Suédois et de surseoir la reconnaissance de la «RASD». Et des petites crises... aussi ! Outre ces crises majeures, le Maroc de Mohammed VI a connu des petites brouilles passagères avec quelques Etats. Ainsi en septembre 2006, Rabat n'avait pas hésité à rappeler son ambassadeur au Vatican pour consultations. Des propos de l'ancien pape Benoît XVI sur l'islam avaient irrité le monarque. En décembre 2007, c'est au tour du Sénégal de subir la même foudre. L'ambassadeur est rappelé pendant trois jours. En cause, la participation d'un cadre du parti socialiste (opposition aux moments des faits) au congrès du Polisario organisé à Tifarity. Mars 2015, alors qu'il se trouvait en France, le roi avait refusé de s'entretenir téléphoniquement avec le ex-président nigérian, Goodluck Jonathan. Le souverain « n'a pas jugé opportun d'accéder à cette demande du fait que la démarche est liée à des échéances électorales importantes dans ce pays », expliquait un communiqué du ministère des Affaires étrangères. « La demande des autorités nigérianes s'apparente plus à un acte de récupération de l'électorat musulman de ce pays qu'à une démarche diplomatique normale », précisait la même source. En mars dernier, le Nigéria vivait un scrutin présidentiel opposant Goodluck Jonathan à son adversaire l'ancien général Buhari. Si la cause des crises diplomatiques du royaume est d'ordre interne, il y en a une qui n'a rien avoir avec le Sahara ou Ceuta et Melilla. Ainsi, en mars 2009, Rabat annonçait la rupture de ses relations avec Téhéran en solidarité avec Bahreïn. Les Iraniens considèrent toujours Manama comme faisant partie de l'empire perse. Article modifié le 09/10/2015 à 16h35