La légalisation du cannabis fait peu à peu son chemin dans le monde, suscitant un débat politique qui dure depuis l'an dernier au Maroc. Après que l'Uruguay a carrément autorisé la commercialisation de cette drogue, plusieurs pays sont en train de légaliser sa culture à des fins thérapeutiques. Le spécialiste néerlandais qui a conseillé l'Uruguay s'attend à un effet domino dans le monde que les conventions onusiennes ne pourront empêcher. Explications. «Avec la légalisation du cannabis en Uruguay et les débats actuels ailleurs dans le monde, je suis convaincu qu'un effet domino se produira». C'est ce qu'assure Martin Jelsma, politologue néerlandais spécialisé en politique internationale des drogues, dans une interview accordée au journal espagnol La Vanguardia. «Ni les Etats-Unis, ni les conventions onusiennes ne sauraient freiner la dynamique actuelle» Pour cet expert qui a conseillé le gouvernement uruguayen dans sa démarche de dépénalisation de l'or vert, il ne serait pas étonnant de voir de nombreux pays dans le monde décider de s'aligner. «Jusqu'à récemment, il y avait toujours une pression des Etats-Unis sur les pays qui voulaient légaliser le cannabis. Mais celle-ci a disparu avec la légalisation de cette drogue par certains Etats au sein du gouvernement fédéral», explique M. Jelsma. En effet, l'Etat de Washington est – depuis le 8 juillet dernier – le deuxième Etat du pays à autoriser officiellement l'usage récréatif du cannabis, après le Colorado. En outre, plusieurs autres Etats assouplissement également leur législation afférente à cette drogue. C'est le cas de l'Etat de New York qui, début juillet, est devenu le 23ème Etat à adopter une loi autorisant l'utilisation médicale du cannabis. En Europe aussi, bien que timidement, les choses bougent. Ce mardi 22 juillet, l'Allemagne, où les prescriptions médicales de cannabis sont légales dans le pays depuis 2008, a autorisé la culture de cette drogue à des fins thérapeutiques. Bien que ce droit ne soit accordé par la justice qu'au cas par cas, la décision est considérée comme historique. Ailleurs aux Pays-Bas, le cannabis médical est vendu sur ordonnance dans les pharmacies depuis 2003. En Italie et en Finlande également, les pharmacies commercialisent un cannabis standardisé appelé Bedrocan, quand le Royaume Uni autorise le Sativex. Ce médicament sera également autorisé en France dès 2015, mais la question de la légalisation du cannabis est encore peu abordée, même si selon un récent sondage, la majorité des Français s'opposent encore à la dépénalisation de cette drogue. Outre la pression américaine, les conventions internationales signées par les pays membres de l'ONU, dans le cadre de la lutte anti-drogue sont perçues comme un frein à la généralisation de légalisation du cannabis à travers le monde. Mais l'expert néerlandais estime qu'elles ne peuvent plus être des obstacles. Des conventions qui, rappelons-le, ont poussé certains médias marocains à rapporter une fausse mise en garde de l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) contre le Maroc contre toute dépénalisation du kif, au moment où le débat battait son plein. Mais il n'en était rien. D'après Martin Jelsma, l'ONU prend en considération la transformation qui s'opère actuellement sur le plan international. «Une grande réunion est prévue en 2016 [à Washington] pour aborder la question», annonce-t-il. Les avantages économiques pourraient l'emporter Selon M. Jelsma, les avantages économiques de la légalisation du cannabis pourraient bien séduire les gouvernements, surtout en ce moment où les fondamentaux sont parfois fragilisés par la conjoncture, quand le trafic de drogue draine d'énormes revenus sous le contrôle des narcotrafiquants. «Il y a plusieurs propositions de loi sur la table [dans les pays] d'Amérique latine et tout le monde peut voir que le ciel ne tombe pas sur l'Uruguay, il y a des avantages comme la hausse de l'impôt sur le revenu collecté par l'Etat», explique l'expert. Au Maroc aussi, le débat suit son cours avec notamment la proposition de loi de l'Istiqlal. Même si le parti au pouvoir, le PJD d'Abdelilah Benkirane tente, d'y mettre un frein, les avantages économiques de la légalisation du cannabis ne cessent d'être mis en avant par ceux qui la défendent. Et avec l'introduction des revenus du trafic de drogue dans les statistiques économiques des Etats de l'Union européennes pour atténuer de leur déficit, une telle orientation n'est pas à écarter au Maroc. D'autant plus que le royaume reste depuis plus de treize ans, le premier producteur de cannabis au monde et le chiffre d'affaires de ce commerce illicite (114 milliards de dirhams, soit 14% du PIB en 2003 selon l'ONUDC) ne profitent pas aux caisses de l'Etat.