Depuis fin mars, les habitants de Safi manifestent contre le projet de centrale thermique qui devrait voir le jour d'ici 2017. Ils dénoncent une source de pollution supplémentaire, au moment où la ville souffre déjà énormément de ce fléau. Détails. Le Week-end dernier, les habitants de Safi ont une nouvelle fois battu le pavé après la manifestation du 20 mars pour protester contre le projet de construction d'une centrale thermique dans la ville. Ce projet est en effet lancé depuis des années. Le contrat de construction avait été remporté par un consortium constitué du français GDF SUEZ, du marocain Nareva Holding et du japonais Mitsui & Co. La construction n'a pas encore démarré, mais les résultats de l'étude d'impact environnementale et social ont été publiés en mai 2013. Le rapport signalait qu' «aucun impact significatif n'est attendu», affirmant pouvoir «gérer efficacement» l'impact des activités de construction de la centrale sur la qualité de l'air notamment. Non à des sources de pollution supplémentaires Mais si les habitants sont descendus dans la rue ces dernières semaines pour dénoncer de toutes leurs forces ce projet. C'est qu'ils ont assez de la pollution de l'air qu'ils subissent depuis des années. En effet des études, émanent tant du ministère de l'environnement et de l'agence urbaine de Safi montrent que la ville est très touchée par le phénomène. Selon Salaheddine Abir, memebre du collectif de protestation, les manifestations étaient prévues depuis longtemps, étant donné que le projet date. Cependant la mobilisation actuelle est due au fait que «des gaz phosphoriques se sont à nouveau échappés du complexe chimique de phosphate au mois de mars, provoquant un nuage de pollution et des malaises respiratoires chez des habitants, surtout ceux qui résident dans le sud de la ville, non loin de la zone industrielle», explique-t-il sur France 24. Si ce projet voit le jour, d'après lui, les Safiots auront à subir d'une part les conséquences néfastes sur l'environnement (faune et flore marine) du reversement dans la mer de l'eau de mer utilisée pour la transformation du charbon. D'autre part, les habitants subiront l'émission supplémentaire de gaz carbonique. Car comme l'explique le militant, l'utilisation de charbon propre, comme prévu dans ce projet, réduira certes les quantités de CO2 émises, mais ne les annulera pas. «Avec cette station qui serait construite à seulement sept kilomètres de la ville, on devra supporter une charge de pollution supplémentaire, qui provoquerait davantage de maladies respiratoires et d'allergies sans parler des pluies acides et de la pollution photochimique», explique M. Abir. Pas question de revivre le malheureux incident de 2011 De plus, souligne le militant, les habitants ont peur de vivre à nouveau un malheureux incident similaire à celui de 2011, dont «le souvenir est encore trop vif». Cette année-là, en effet, d'importantes fuites de gaz toxique émanant de l'usine chimique de l'OCP avaient causé de graves problèmes de santé chez de nombreux Safiots. L'affaire avait fait la une de la presse locale pendant plusieurs jours. Par ailleurs, indique Salaheddine Abir, ces hommes et femmes ne comprennent pas pourquoi ce projet de centrale thermique qui a été rejeté, pour les mêmes raisons, d'abord par Agadir (défendant son tourisme), puis par Tiznit, leur est imposé. Y arriveront-ils? De leur côté, les autorités ont toujours venté les apports économiques de ce projet qui, outre la réduction de CO2 et grâce à l'utilisation de charbon propre, permettrait d'augmenter de 50% le volume d'électricité produite dans une région où la demande en la matière ne cesse de s'accroître. Mais il faut dire que la voix du peuple sans le support de celle des élus est parfois difficilement entendue. Car si une ville comme Agadir a pu rejeter ce projet, c'est non seulement parce qu'elle représente une source de gain pour l'économie nationale (tourisme, installation des retraités français, …), mais aussi parce que le Conseil de la ville était monté au créneau. Les habitants de Safi, tout seuls, arriveront-ils à se faire entendre au moment où le projet semble déjà très avancé, sachant que sa mise en service est prévue pour 2017 ? D'autant plus qu'interrogé par le collectif de Safi, Mohamed Karim, parlementaire et membre de l'Istiqlal, dit qu'il était parmi les premiers à avoir rejeté le projet. Il affirme que la bataille s'est soldée par un échec «à cause de quelques traitres».