Une étude scientifique dirigée au cours de ces dix dernières années par deux chercheurs, marocain et américain, au niveau de la Grotte des pigeons au Maroc, vient de révéler que l'état de dentition des hommes préhistoriques était «catastrophique». Effectuée sur des ossements datant de 13 700 à 15 000 années avant J.C, l'étude, qui s'est aussi penchée sur les habitudes alimentaires de ces hommes, contredit l'hypothèse avancée jusque-là et selon laquelle les caries dentaires étaient apparues avec l'agriculture il y a environ 11 000 ans. Détails. Qu'en est-il de l'hygiène dentaire des hommes préhistoriques ? Vraisemblablement, elle laissait à désirer. C'est en tout cas ce que conclut une étude publiée aux Etats-Unis dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Selon cette étude, co-dirigée par Abdeljalil Bouzouggar de l'Institut National des Sciences de l'Archéologie et du Patrimoine (INSAP) de Rabat, et Nick Barton de l'Université d'Oxford au Royaume-Uni, sur des ossements datant entre 13 000 et 15 000 années avant J.C, les hommes préhistoriques ne prenaient pas le soin de s'occuper de leurs dents. Conséquence : une mauvaise haleine et des caries qui entrainaient des maux de dents. Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs se sont servis pendant dix ans d'ossements retrouvés à Tafoughalt, dans la Grotte des pigeons. Les analyses réalisées sur ces squelettes des hommes de l'âge de pierre, qui étaient des chasseurs et cueilleurs, ont permis d'en savoir un peu plus sur l'état de leurs dents ainsi que leur alimentation. L'examen dentaire de 52 squelettes déterrés révèle qu'ils se nourrissaient beaucoup de noix et autres aliments riches en glucides. Même si les boissons, gâteaux et autres aliments sucrés étaient encore inconnus, leur habitude alimentaire provoquait plusieurs complications buccales. En effet, 51% des dents d'adultes retrouvées avaient des caries, comme le dénote Atlantico. Alimentation très sucrée Les causes des problèmes dentaires de ces hommes sont à chercher dans leurs habitudes alimentaires. Selon l'étude, ces chasseurs-cueilleurs se nourrissaient avec des aliments riches en glucides fermentables : glands, pignons de pin…Des restes de plantes sauvages à Tafoughalt font également penser qu'ils ingurgitaient souvent des glands doux, des noix de pin, des pistaches, des escargots ainsi que des avoines sauvages. «Les glands doux sont propres mais stockent facilement des glucides. Nous pensons qu'ils les faisaient cuire et cela les aurait faits coller. Le processus de cuisson aurait pu décomposer les glucides, mais la viscosité de la nourriture l'aurait littéralement coincé autour des dents. Et si vous avez déjà des cavités, cela devient un peu un cercle vicieux», a souligné Louise Humphrey, du musée d'histoire naturelle de Londres sur BBC. «À un certain moment, le nerf de la dent meurt mais jusqu'à ce moment-là, la douleur est très forte et si vous avez un abcès, la douleur devient atroce à cause de la pression sur la mâchoire», a-t-elle ajouté. «Bien sûr, l'os perfore finalement et l'abcès s'écoule. Nous avons vu cela dans beaucoup de restes de mâchoire que nous avons étudiés», précise-t-elle. «Dents horribles» Le nombre de dents affectées était également très élevé. En effet, 49 des 52 squelettes étudiés, indiquent que 94 %, des cavités étaient affectées, soit plus de la moitié des dents. Beaucoup avaient aussi des abcès dentaires, qui provoquaient des douleurs insupportables. Certains avaient complètement perdu leurs couronnes et étaient obligés à mâcher les aliments avec la racine de la dent. «Ils avaient vraiment des dents horribles», assure Humphrey sur Usa Today. «La seule population avec qui j'ai remarqué cette décrépitude est celle qui a vécu à Londres il y a environ 200 ans et qui aurait eu du sucre dans son régime alimentaire», a-t-elle signalé. Aussi, peu de preuves montrent que ces hommes préhistoriques utilisaient des cure-dents. Et même s'ils le faisaient, à en croire l'étude, cela n'aurait pas eu beaucoup d'effet sur leur hygiène buccale. Ces hommes enlevaient les dents «pourries», car 90% des squelettes démontrent que les incisives centrales, c'est-à-dire les deux dents de devant, ont été enlevées. De vrais sédentaires Selon les chercheurs, ces groupes de chasseurs-cueilleurs se servaient quasiment que de cueillette pour s'alimenter. Ils auraient en effet mis en place un mode de vie plus sédentaire qu'on ne le supposait en dépendant pour leur survie beaucoup plus sur la cueillette de fruits à coque. Toutefois, l'autre indication intéressante de l'étude est le taux élevé de caries qui existait plusieurs milliers d'années avant l'adoption à grande échelle des pratiques agricoles. Un constat qui permet aux scientifiques de remettre en question les hypothèses émises jusque-là et selon lesquelles les caries dentaires seraient apparues avec l'agriculture il y a environ 11 000 ans. Même si les caries auraient été présentes auparavant, la vraie bataille contre ces infections dentaires a commencé sérieusement à être menée avec l'apparition de l'agriculture. Aujourd'hui, Humphrey semble même se réjouir de la grande disponibilité des aliments sucrés. Car, sans les traitements modernes que ces alitements entrainent, «nos dents seraient beaucoup plus mauvaises que celles des hommes préhistoriques».