Si la majorité des émigrés marocains de première génération a longtemps cultivé le mythe du retour sans jamais oser franchir le pas, leurs enfants nés ou ayant grandis en France, en Belgique ou aux Pays-Bas, ... sont en train de montrer l'exemple. De plus en plus de binationaux, à l'aise avec leur double identité et leur double culture, riches d'une formation et d'expériences convoitées, viennent tenter l'aventure dans le royaume chérifien, terre de leurs ancêtres. Certains repartent déçus, n'ayant pu s'intégrer, d'autres ont su tirer leur épingle du jeu et trouver dans cette «expatriation-rapatriement» un nouvel élan pour leur carrière et pour leur vie. Pour initier une série d'entretiens avec ces marocaines et marocains (re-)venus au Maroc, nous avons choisie Nawal El Kahlaoui, une jeune femme au caractère bien trempé, et qui se dit à l'aise dans ses baskets qu'elle soit à Casablanca, Paris ou Mantes la Jolie. - Yabiladi.com : Comment est venue l'idée de tenter une aventure professionnelle au Maroc ? - Nawal El Kahlaoui : Ce n'était pas forcément une idée, c'est plus une continuité logique dans ma vie, née en France de parents Marocains, j'ai trouvé naturel d'aller vivre au Maroc, pour mieux connaître mon pays d'origine, étant aussi marocaine. En plus, il est clair que j'ai eu plus de facilités à trouver un emploi au Maroc qu'en France à l'époque où je l'ai quittée. - Avez-vous eu des difficultés pour vous intégrer à l'environnement professionnel marocain ? - Au début ce n'est pas évident d'intégrer les mécanismes et les rouages du milieu professionnel où se mêlent relationnel et compétences. Mais je pense que comme partout travail et rigueur sont les maîtres mots pour pouvoir faire son «trou», avec en plus une bonne connaissance du marché et enfin…du relationnel… - Comment votre famille a vécu votre choix de «retour» dans votre pays d'origine ? - Très bien vécue, le Maroc est ma deuxième patrie, donc il a été naturel pour eux que je m'installe ici, même si eux-mêmes n'avaient pas percuté par rapport aux difficultés que j'allais rencontrer avec certaines mentalités. - Pouvez-vous nous faire part de ces mentalités qui vous ont posé problème ? - Les gens ne savent pas dire non, car il existe une certaine gêne à refuser. Donc souvent on répond par «inchallah», ce qui est certes vrai quel que soit le cas, on s'en remet toujours à Dieu. Donc j'insistais toujours à obtenir un oui ou un non… De mon côté, je disais non, je ne peux pas, ou non je ne sais pas faire, sans aucun complexe, les gens pensaient que ce n'était pas correct, mais après ils se rendent compte que c'était ma façon de penser et de fonctionner. Au final, on a appris à se connaître et à fonctionner de manière efficace en se respectant et en respectant la façon de faire… L'autre mentalité touche plus du domaine du régionalisme…Mes parents m'ont appris à être Marocaine et aussi zaëria, à aimer ma région (Zaërs), son terroir, sa culture et son histoire. Mais aussi j'ai pu voyager avec eux dans tous le Maroc et apprécier chaque particularité de chaque région… Grande était ma surprise de voir une telle rivalité entre certaines personnes de certaines régions… Lors d'un entretien d'embauche, on m'a demandé si j'étais d'origine fassie, j'ai répondu que j'étais Marocaine… - Presque 8 ans déjà de vie professionnelle au Maroc, relatez-nous vos différentes expériences ? - J'ai une formation de chimiste complétée par un mastère en marketing à l'ESSEC, donc j'ai fait mes dents dans le secteur de la parachimie et pharmaceutique. Une expérience en marketing chez MAPHAR, pour Pierre Fabre, ensuite chez BEIERSDORF, qui commercialise entre autre la marque NIVEA, et enfin en agence d'événementiel, qui m'a permis d'asseoir une connaissance plus approfondie en communication étant donné que j'avais toujours été marketeur. - Depuis Août 2007, vous avez rejoint l'entreprise Shop com & the City en tant que associée. Présentez-nous l'activité de votre entreprise basée à Casablanca... - SHOP com & the CITY (www.shopcomandthecity.com) est la première agence conseil en marketing spécialiste du point de vente créée en septembre 2006. Notre mission consiste à présenter une solution marcom (marketing stratégique et opérationnel et communication media et hors média) à notre clientèle mais toujours orientée vers le consommateur final. La stratégie que nous proposons permet d'optimiser les outils à l'attention des consommateurs mais aussi l'espace où ce jouera l'acte d'achat (agencement, merchandising, et architecture commerciale). Nous intervenons entre autre sur la formation de l'équipe de vente. - Qui sont vos plus gros clients ? - Groupe ONAPAR pour Twin Center à Casablanca, BEIERSDORF pour l'ensemble de leur PLV, et ILV sur leurs différents canaux de distribution (grande distribution, parfumeries, pharmacies…), CFG pour Dar Tawfir (Club Carré Latitudes), Groupe ATLANTIC FOODS, pour SENSEO, et DRINKS, LG mobile et quelques grandes enseignes de la place… - Vous avez également importé un concept novateur dans la décoration murale par le biais de votre partenaire basée à Hong Kong. En quoi consistent ces stickers muraux décoratifs ? - Notre partenaire Design, MARGUERITE ET GRIBOULLI, crée aussi des stickers muraux décoratifs dont nous avons l'exclusivité au Maroc sur la distribution. Nous avons trouvé l'idée très originale et nos voyages fréquents en France nous ont permis de voir le succès de ce produit. Nous avons une stratégie de distribution sélective, et nous commençons à investir dans la promotion de ce produit qui reste une alternative simple et peu chère pour une décoration originale. L'offre produit aujourd'hui est adaptée au marché marocain, en fonction des goûts et des tendances. Appellation d'origine immigrée Beaucoup de sigles ou des noms sont utilisés pour nommer les personnes d'origine marocaine et qui vivent ou qui ont vécus à l'étranger. TME (Travailleurs Marocains à l'Etranger), MRE (Marocains Résidant à l'Etranger), RME (Ressortissants Marocains à l'Etranger), Beurs, Marocains du Monde, Zmagris, Fakanssi, ... Vous sentez-vous offusquée par une ou plusieurs de ces appellations d'origine ? Avec le temps, j'ai appris différentes appellations dont on nous targue : depuis les institutions publiques ou privées au commun des mortels….TME, RME, MRE… MDM ….bref au gré des tendances… mais j'avoue que je préfère zmagria, pour beaucoup ce mot semble péjoratif, comme il vient d'une déformation de : «les immigrés», les zimigris, puis zmagria pour devenir enfin zmègues…et surtout qu'il vient de la rue… donc populaire, donc classé péjoratif ou familier… Je pense que nous sommes des Marocains différents, d'ailleurs, des sortes de métissés culturellement parlant, à cheval entre 2 pays, alors il me semble normal, d'avoir une appellation «hybride», mais c'est mon avis personnel ajouté à cela la culture urbaine dont je suis fortement imprégnée et la déformation professionnelle… Quel est le terme qui vous convient le mieux ? Je dirais que je suis Maroco-française, le sang prime sur le cœur…