Au milieu des années 90, le Maroc avait mené une politique incitant les paysans du Rif à substituer la culture du kif par d'autres plantes légales, en vain. Maintenant, le PAM s'empare du sujet et entend faire du cannabis la locomotive d'une économie alternative. Un pari audacieux. Le kif est en vogue. Au point que les groupes du PAM dans les deux Chambres du parlement lui ont dédié, hier, une journée d'étude sur «le rôle de l'exploitation positive de la plante du kif dans la création d'une économie alternative», avec la participation de politiques et d'experts internationaux. Les PAMistes se targuent d'avoir brisé un «tabou» en organisant cette rencontre au siège de la Chambre des représentants. Des propos tempérés, implicitement, par l'intervention du député Mohamed Touhami. Il a expliqué que le législateur marocain avait pour la première fois parlé de l'«usage positif», en médecine et pharmacie, du cannabis dans le Dahir du 21 mai 1974. Le PAM veut un organisme public chargé de la commercialisation du kif L'ancien secrétaire général du PAM s'est interrogé sur les moyens à même de garantir un usage alternatif de la feuille du kif qui ne soit pas automatiquement de la drogue illicite. Mohamed Cheikh Biadillah a cité les exemples du chanvre utilisé dans certaines tenues militaires, dans l'équipement de certaines voitures de marques et dans des opérations de lifting. Le Sahraoui sait de quoi il parle, il est médecin et ex-ministre de la Santé sous le gouvernement Jettou (2002-2007). A en croire les propos de Biadillah, il y a apparemment, une niche que le Maroc doit exploiter pour en tirer bénéfice. A cet effet, les deux groupes du parti au Tracteur présenteront un projet de loi pour la création d'une instance publique chargée de la commercialisation du kif. Un pari bien audacieux. La France autorise l'usage thérapeutique du cannabis Mais le Maroc n'est pas le seul sur la voie de la légalisation de l'usage du cannabis à des fins thérapeutiques. En juin 2013, le gouvernement français donnait son feu vert à la mise sur le marché de médicaments contenant du cannabis ou ses dérivés. Un décret portant la signature du Premier ministre et de la ministre de la Santé, autorisait l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de santé (ANSM) à examiner les demandes des laboratoires souhaitant commercialiser des produits dont la composition contient du cannabis. Par cette initiative un peu tardive, la France rejoint le club des pays ayant légalisé l'usage thérapeutique du kif, tels le Canada, l'Australie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Allemagne. En phase avec la décision du gouvernement Ayrault, le 19 novembre dernier, le tribunal correctionnel d'Avignon remettait en liberté un homme alors qu'il consommait du cannabis pour se soigner de la maladie de Horton, la maladie dite «du suicide». Un laboratoire britannique commercialise un médicament dérivé du cannabis Un tour sur le net nous apprend que le GW Pharmaceuticals, un laboratoire britannique, produit le médicament Sativex, conçu pour soulager les malades souffrants de sclérose en plaques. Ce médicament est approuvé dans 22 pays dont 17 européens (Autriche, Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Slovaquie et Suède). En 2015, la France commercialisera également ce produit. Alors quel rôle jouera le Maroc dans cette ruée vers l'usage légal du cannabis ? Les zones montagneuses du Rif seront-elles la nouvelle destination des laboratoires européens à la recherche des vertus de la plante verte ? Il y a-t-il un risque pour que la culture du cannabis en Europe (Espagne, France, Angleterre) ne truste le marché légal, ne laissant que des miettes pour le Maroc ?