Fin avril dernier, on apprenait que le Marocain Abdelhak Eddouk, qui officiait depuis 2004 comme aumônier musulman à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, la plus grande d'Europe, quittait brusquement son poste, en raison d'un conflit avec l'aumônerie nationale. Aujourd'hui, celle-ci sort de son silence pour apporter, à son tour, sa version des faits. Dans une interview qu'on lui a accordée, le 30 avril dernier, Abdelhak Eddouk, ex-aumônier musulman à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, dans l'Essonne, expliquait sa démission par un conflit de longue date avec l'aumônier national Moulay El Hassan El Alaoui Talib, également Marocain. Eddouk l'accusait, entre autres, de mauvaise gestion et de manque de soutien envers les actions qu'il entreprenait lorsqu'il officiait encore à son poste. Mais surtout, celui-ci dénonçait le «mutisme» de l'aumônier national face aux interrogations des médias lors de l'affaire Mohamed Merah. Aujourd'hui, l'institution sort de son silence pour livrer sa version des faits. «C'est un choix qu'il fallait respecter» «Ce n'est parce que nous n'apparaissons pas dans les médias qu'on ne travaille pas», martèle d'emblée Samia Ben Achouba, secrétaire générale de l'Aumônerie nationale musulmane des prisons, également épouse de l'aumônier national, contactée ce mercredi matin, par Yabilaldi.com. «C'est un choix que l'aumônier national a fait. Vous savez les aumôniers catholiques, ou chrétiens de manière plus générale, ces gens-là qui étaient bien avant nous, on ne les voie jamais dans les médias, ce n'est pas qu'ils n'ont pas de langues», poursuit-elle. «Si l'aumônier national a pris la décision de se retirer de l'espace médiatique, c'est justement pour mieux travailler sur le terrain. Etre aumônier, ce n'est pas être sur un plateau de télé et ce n'est pas parce que les détenus sont enfermés que tu dois prendre la parole en leur nom», explique Samia Ben Achouba, en allusion aux sorties médiatiques d'Abdelhak Eddouk en France. Et d'ajouter : «L'aumônier national a fait le choix de ne pas répondre à l'acharnement médiatique qui a suivi l'affaire Merah, il n'était pas question pour l'aumônerie nationale musulmane de répondre à ce fantasme». «Ce n'était pas un bénévole, mais un salarié» Pour la responsable de l'Aumônerie musulmane des prisons, cette décision devait, dans tous les cas, être respectée par d'Abdelhak Eddouk. «Qu'il soit d'accord ou pas avec cette démarche, à partir du moment où il dépend d'un groupe, il doit respecter la décision de ce dernier», estime-t-elle. Mais ce n'est pas tout. Samia Ben Achouba nous a assuré que, contrairement à ce qu'il nous a déclaré lors de notre interview, Eddouk n'était pas bénévole au sein de l'aumônerie, mais plutôt salarié avec une fiche de paie mensuelle. «Il est salarié de l'administration pénitentiaire, il est rémunéré et a une fiche de paie. Ce qu'il perçoit, c'est un peu l'équivalent du RSA (ndlr : Revenu de solidarité active, allocation versée à ses bénéficiaires «en contrepartie d'une obligation de chercher un travail ou de suivre un projet professionnel visant à améliorer sa situation financière») je vous le dis parce que moi-même je suis aumônier régional et je suis dans la même situation. La différence avec un salarié normal est qu'on n'a ni couverture médicale, ni retraite, ni minimum vieillesse», assure-t-elle. Pour ce qui est du fait qu'elle occupe plusieurs fonctions à la fois, tel que relevé par Eddouk, la responsable assure qu'elle en a la capacité et le mérite pour y arriver. «Je suis aumônier depuis 12 ans. J'ai la responsabilité de 22 établissements, j'interviens sur cinq. Je travaille auprès des femmes, enfants et mineurs. Donc…». 152 aumôniers musulmans de prison en France «Moi, je faisais mon travail, je constatais les lacunes comme tout le monde mais je ne m'en occupais pas. Je suis bénévole, j'ai d'autres tâches à faire, d'autres responsabilités. Je ne suis pas là pour prendre la place de qui que ce soit», nous avait confié Abdelhak Eddouk. «Ma démission, je l'ai envoyé le 28 février, j'ai dû prendre une dizaine de jours de réflexion avant. Vers la mi-février, l'aumônier national m'envoie un mail pour me dire que je ne valais rien, que je ne savais rien faire, sachant que ça fait neuf ans que je fais ça et que si les médias me sollicitent, ce n'est pas pour rien», regrettait-il. En France, ils sont actuellement 152 aumôniers musulmans au service des prisonniers. Ce chiffre devrait bientôt être revu à la hausse avec 30 postes supplémentaires prévus d'ici fin 2014.