Installé en France à la fin des années 1980 pour ses études en pharmacie, Abdelrhani Azzab se rend à l'évidence : sa vocation est ailleurs. C'est alors qu'il se décide à s'orienter vers le monde de l'artisanat. A Nancy, il se spécialise dans la savonnerie, où sa marque de fabrique est désormais associée à la meilleure qualité du produit dans la région. L'histoire à succès d'Abdelrhani Azzab dans le monde de la savonnerie artisanale en France a commencé avec la rénovation de l'historique place Stanislas par la ville de Nancy. Le désormais ambassadeur de l'artisanat marocain en France a vu le jour à El Jadida, en 1968. Après son baccalauréat en 1989, il prend son envol pour l'Hexagone, où il envisage des études en pharmacie, comme l'a souhaité son père. Faute d'engouement pour cette filière, le jeune étudiant change de cap pour l'industrie laitière. Une fois diplômé, il exerce pendant sept ans au sein d'une grande entreprise de fabrication de fromages. Insatisfait par cette activité professionnelle, Abdelrhani démissionne en 2008. La même année, il crée une entreprise spécialisée dans la fabrication artisanale de savon, de manière à ce que chaque article de sa gamme raconte une histoire. Autant dire que «chaque produit est un récit à propos d'un lieu», comme le confie l'artisan à Yabiladi. Dans ce sens, il rappelle que la ville de Nancy «est connue pour sa place Stanislas». «C'est l'une des plus belles places du monde et l'un des monuments préférés des Français. En 2005, les autorités ont décidé de la rénover, en enlevant les pavés du trottoir et de les proposer à la vente, à un prix symbolique. Tous les Nancéiens se sont ruées pour en acheter une pièce, afin de conserver un souvenir du lieu», raconte-t-il. «De là est née l'idée de créer une marque sous le nom de 'Pavé de Nancy', avec un produit dérivé du citron bergamote, considéré comme le symbole de Nancy. Je voulais que ce produit raconte l'histoire de la célèbre place. Je n'ai pas mis beaucoup de temps pour me faire connaître en tant que savonnier. Je me suis bien retrouvé dans ce domaine.» Abdelrhani Azzab Abdelrhani Azzab a vu son concept très bien accueilli, sa formation dans le domaine de la fabrication de savon l'ayant considérablement aidé à prendre ses marques. Il commence alors à vendre ses articles à des hôtels de luxe et à plusieurs magasins. Outre le savon «Pavé de Nancy», l'entrepreneur a lancé d'autres produits, ayant tous en commun l'idée de raconter des histoires de lieux de la ville de Nancy. Grâce à cet investissement, Abdelrhani Azzab a été primé à plusieurs reprises, au vu de l'originalité de ce concept, ainsi que de la qualité supérieure de ses produits. En 2008, il a remporté le prix du meilleur fabricant artisanal. En 2012, il remporte le prix de l'innovation, pour avoir réussi l'extraction de l'huile de prune de mirabelle, qui fait la réputation de la ville de Nancy. En 2013, il rafle à nouveau le prix du meilleur fabricant artisanal. Les autorités nancéennes l'ont par ailleurs choisi pour représenter sa ville auprès de celles avec lesquelles cette dernière est jumelée. En 2015, Abdelrhani Azzab expose ses produits au musée du Louvre, parmi l'un des plus importants au monde. Se déclarant par ailleurs «adepte de la zaouia Boutchichiya», il se rend «chaque année à Madagh, le siège de la confrérie», où il expose également ses produits. «L'aspect soufi m'a beaucoup aidé à me concentrer sur ce que je fais», nous a-t-il confié. Au-delà de sa propre marque, l'entrepreneur a organisé des expositions pour les autres artisans. Il est également président des artisans traditionnels français. En 2017, il a fondé la «Maison des créateurs», au sein de laquelle il reçoit de nouveaux artisans, tous les trois mois. De la savonnerie à la parfumerie Sa réussite dans le domaine de la savonnerie artisanale l'a amené à réfléchir à élargir son champ d'activité. En effet, Abdelrhani Azzab nous annonce s'être «lancé dans le domaine des parfums». A leur tour, ces derniers racontent des histoires. Cette fois-ci, il s'agit de celles des villes et des régions du Maroc. Actuellement, l'entrepreneur tient une production de 14 types de parfums, dont l'un s'intitule «Une journée à Marrakech», ou encore un autre appelé «L'eau du Sahara». A l'image de son concept de savon, «chacun de ces parfums raconte l'histoire d'une région du Maroc». «Avant de fabriquer le produit, j'écris l'histoire ; le client achète donc un parfum qui raconte une histoire», nous confie le créateur. Abdelrhani Azzab entretient en effet des liens forts avec le Maroc. Il œuvre aussi pour promouvoir son pays de naissance et celui de résidence, à travers des expositions associant des artisans marocains à ses produits aux milles histoires sur mille lieux. Abdelrhani Azzab regrette en revanche l'absence de produits similaires au Maroc, qui auraient fait toute la célébrité de certaines régions en mettant en avant leurs spécificités et savoir-faire, comme Kelâat M'gouna connue pour ses roses. Dans ce sens, il déclare à Yabiladi qu'il travaille avec les coopératives nationales, afin de les pousser à valoriser le patrimoine et l'histoire du terroir à travers leurs produits. «J'ai un partenariat avec la Chambre d'artisanat de Fès-Meknès. J'accompagne des Marocains de France pour apprendre l'artisanat au Maroc, sachant qu'il y a plus de demande de la part des Français. Ces apprenants deviendront les ambassadeurs de l'artisanat marocain en France.» Abdelrhani Azzab En raison de son grand intérêt pour l'artisanat, Abdelrhani Azzab a supervisé la construction d'une «fontaine maroco-andalouse en tuiles, qui est un don du Maroc au siège du Conseil de l'Europe à Strasbourg, réalisée par des artisans de Fès», en partenariat avec la Chambre d'artisanat de Fès-Meknès. L'ouvrage de la fontaine «a duré deux ans», donnant lieu à un chef-d'œuvre qui «représente l'histoire musulmane et juive au Maroc». «Il n'y a que trois fontaines marocaines à travers le monde : une au siège des Nations unies datant de l'époque de feu le roi Mohammed V, une au siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique à Vienne, et la troisième au Conseil de l'Europe», souligne encore Abdelrhani Azzab. «La fontaine, à son tour, raconte une histoire. Elle été financée par Marocains de confession juive résidents en France, en plus du gouvernement marocain», a-t-il ajouté. Dans ce sens, l'entrepreneur lance un appel à ses concitoyens pour pérenniser l'artisanat national, «afin de préserver notre riche patrimoine, d'autant que des partis travaillent désormais à imiter cet héritage». A la suite de la pandémie de Covid-19, Abdelrhani Azzab s'est par ailleurs penché sur le changement de sa stratégie commerciale. «Je souhaite transférer une partie de mon travail et de mon expérience au Maroc, afin de fabriquer des produits «made in Morocco». Pour le moment, je me concentre sur Marrakech et El Jadida», nous a-t-il confié.