L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a annoncé, mercredi, l'inscription des Ksours de Figuig au Programme des systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM). Cette initiative constitue une reconnaissance au savoir-faire ancestral des agriculteurs oasiens. Au sud-est du Maroc, le site de Figuig est connu pour perpétuer deux systèmes agricoles complémentaires, à travers le pâturage et l'activité oasienne. Le 3 novembre 2022, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a annoncé l'inscription des Ksours de Figuig au Programme des systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM), reconnaissant ainsi le savoir-faire agricole particulier et ancestral de toute une région. L'élevage et la production végétale constituent la première activité exercée dans la région, grâce à «la disponibilité des parcours et la pratique de la transhumance», rappelle la FAO. L'oasis de Figuig, constituée d'un noyau urbain de sept ksour, se situe sur des sources d'eau. Ce tissu a développé un réseau d'irrigation ancestral et «hautement sophistiqué» à la fois, avec «des foggaras qui acheminent l'eau jusqu'aux palmeraies propres à chaque village». Chaque ksar exploite ainsi sa source, «qui parvient jusqu'aux jardins par un réseau de canaux gérés par divers dispositifs sociaux ancrés dans les mœurs». C'est l'aiguadier, savant de la gestion sociale de l'eau, qui assure la répartition équitable des parts d'eau. Un exemple d'activités humaines respectueuses de l'environnement L'agence onusienne rappelle que l'oasis de Figuig «se démarque de par ses jardins étagés où sont encore cultivés de nombreux arbres fruitiers, des céréales, des plantes fourragères ainsi que des légumes». «La fine organisation spatiale pour répartir l'accès à l'eau et au soleil en fonction des besoins de chaque plante illustre une autre facette du savoir traditionnel des ksouriens de Figuig», ajoute-t-on. De plus, ce site a joué un rôle économique historiquement important, en tant que point de ravitaillement et de gîte d'étape pour les bergers nomades. Plus qu'une simple zone agricole, la région a une fonction urbaine où culture oasienne et vie pastorale nomade se complètent. Autour de ce diptyque ont évolué d'autres activités commerciales, artisanales, culturelles et religieuses. L'organisation du travail obéit aussi aux possibilités qu'offrent la nature et le climat. Ainsi, en période de sécheresse, la population nomade offre sa force de travail aux habitants des Ksour de Figuig. En période d'abondance, les ksour deviennent des points de vente et de stockage (Makhzen) des productions nomades (animaux, laine, beurre fondu, peaux, cornes). Selon la FAO, c'est cette complémentarité et cette mutualité de gestion de l'environnement qui ont «soutenu la préservation de l'oasis et son patrimoine unique», qui revêt incontestablement une importance mondiale, d'où son inscription. En effet, les agriculteurs de la région ont «mis au point des techniques ingénieuses adaptées aux conditions locales arides et aux grandes amplitudes de températures», depuis plusieurs siècles, en plus d'une organisation sociale adéquate. «La mobilisation de l'eau, l'entretien des ouvrages d'irrigation, les modalités de distribution et de répartition de la ressource, les techniques de mesure et de comptabilité des droits, le règlement des conflits relèvent d'un droit coutumier. Les savoirs, techniques et pratiques d'irrigation associées à ce droit constituent un élément majeur de son patrimoine culturel et technique.» FAO Un rôle historique dans la sécurité alimentaire de la région L'activité pastorale, dont la race bovine de Beni Guil est une référence, s'exerce sur des étendues couvertes de halfa. Les éleveurs comptent 17 races animales élevées, réparties sur 8 espèces. La production de cet élevage extensif a un rôle primordial dans la garantie de l'autosuffisance alimentaire. Une dimension qui rejoint les préoccupations actuelles de sécurité alimentaire, illustrant par ailleurs un exemple de réponse locale. Aussi, la surface agricole de Figuig se répartit en deux : des petites parcelles irriguées dans les périmètres oasiens et des zones cultivées en régime pluvial, dans la commune d'Abbou Lakhal. Cette diversité permet de varier les productions végétales dans tout le site de Figuig, dominé par les céréales, les légumineuses, les dattes, les olives et la luzerne. La production céréalière fluctue en fonction des périodes de sécheresse, mais celle des autres cultures reste régulière, particulièrement distinguée par la production de dattes, faisant l'écho international de la zone. Au total, 75 variétés sont cultivées, réparties sur 45 espèces. «La majeure partie des variétés cultivées pour chaque espèce sont locales : 100% pour le palmier dattier, à plus de 80% pour les cultures maraichères, les légumineuses et l'arboriculture et moins de 40% pour les céréales», indique la FAO. Les habitants locaux produisent de nombreuses cultures oasiennes sans avoir à recourir à une protection chimique. La diversité des écosystèmes de ce site enrichit aussi la faune et la flore sauvages. La première est constituée de «46 familles sur un minimum de 258 espèces dont 30 sont endémiques». A cela s'ajoute également une dimension culturelle et civilisationnelle d'une région qui s'est enrichie de son histoire, à travers laquelle elle a toujours été une terre d'accueil de nombreuses populations d'origines diverses, entre amazighs, arabes, juifs, musulmans, maures andalous et noirs africains. Une organisation politique ancestrale s'y est greffée, avec un système de prise de décisions collégiale, sous l'autorité de Jmâa, conseil coutumier garant de l'harmonie et de la solidarité entre les communautés.