Le réalisateur franco-marocain Talal Selhami a été émerveillé par le cinéma fantastique, dès son enfance à Casablanca. C'est à Paris qu'il fera ses études universitaires, avant un nouveau retour au pays dont la mythologie locale l'inspire pour faire rayonner le cinéma marocain à travers le monde. Son nouveau film, Achoura, s'enrichit de toutes ces références, qui résonnent dans le langage universel du septième art. Né à Neuilly-Sur-Seine, le réalisateur franco-marocain Talal Selhami a vécu pendant 15 ans au Maroc, à partir de l'âge de 7 ans, lorsque ses parents ont décidé de s'installer à Casablanca. Aujourd'hui, il estime que le Maroc a grandement participé à enrichir sa culture cinématographique. Cette curiosité pour le septième art «est venue comme ça, étant de surcroît de parents journalistes, le cinéma a souvent fait partie de l'univers direct», confie-t-il à Yabiladi. Ayant eu le besoin de trouver des moyens de s'occuper et de se divertir, au vu notamment de la nature prenante du métier de ses parents, il s'intéresse au septième art, qui est devenu son «petit jardin secret» à un jeune âge. A Casablanca, Talal Selhami accède aux films, surtout grâce aux vidéoclubs de l'époque. Il s'émerveille par le cinéma de Seven Spielberg, Joe Dante, Paul Verhoven, John Carpenter, ou plus tard pour Guillermo Del Toro et Christophe Gans. «Tout cela a nourri ma cinéphilie, j'achetais aussi des magazines, je cherchais des films, je découvrais le cinéma fantastique», se souvient le réalisateur. Une inspiration par le cinéma de Casablanca à Paris Au lycée français, Talal Selhami se rappelle aussi ne pas avoir été le meilleur élève en classe, en contrast avec son don pour le théâtre, où il s'engage en amateur. C'est ainsi qu'il fait sa première immersion dans la mise en scène et l'écriture, parallèlement à ses études littéraires jusqu'au baccalauréat. Dans la suite logique de ses centres d'intérêt, le bachelier rejoint l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, où il commence des études en cinéma, jusqu'à son master en réalisation. Il est aussi derrière plusieurs courts-métrages, dont «Sinistra» en 2005 et «Partir en fumée» en 2007. L'opus reçoit le prix du meilleur clip décerné par la chaine de télévision Arte, le ministère de la Santé et La Ligue contre le cancer. Sa rencontre avec Nabil Ayouch, à la fin de ses études, lui permet d'avoir un réel tremplin vers le format long. «Il m'a donné l'opportunité de réaliser 'Mirages', mon premier long-métrage, qui n'était pas pensé à la base pour le cinéma mais pour la série Film Industry qui a permis à beaucoup d'autres réalisateurs d'émerger, comme Hicham Lasri et Brahim Chkiri», se souvient Talal Selhami. Le film a finalement été transformé en post-production, ce qui a permis d'en faire un long-métrage qui a pu sortir en salles, en 2010, et être montré dans des festivals. Thriller en huit clos dans le désert marocain et produit par Nabil Ayouch, «Mirages» a été en compétition officielle au Festival international du film de Marrakech. Il a continué sa tournée internationale en compétition officielle, dans des festivals comme Gérardmer (France), le BIFFF (Belgique), où il emporte la mention spéciale du jury, Tanger (Maroc) où la comédienne Meryam Raoui est récompensée du prix de la meilleure actrice. Un retour au fief de la première inspiration Au fur et à mesure de l'évolution de son parcours artistique, le réalisateur retourne à sa première source d'inspiration qu'est le pays d'origine. Il décide de se réinstaller au Maroc, où il crée sa boîte de production Overlook film en 2014. D'emblée, il souhaite s'inscrire dans l'ancrage cinématographique marocain, tout en créant des films d'un nouveau genre. «Si je n'avais pas vécu au Maroc, je n'aurais jamais pu faire de cinéma. Le Maroc m'a tout donné. J'ai eu cette chance d'avoir été écouté par rapport à ce que je voulais faire, d'où la création de ma structure, montée spécifiquement pour les besoins du film 'Achoura'. La boîte de production est née au départ avec l'idée de faire des films dans ce genre-là. Je ne l'ai pas perdue et je reste ouvert à l'idée de produire d'autres jeunes réalisateurs pour évoluer dans ce cinéma-là.» Talal Selhami Le 12 octobre marque ainsi la sortie nationale du nouveau film fantastique «Achoura ou la nuit des enfants», réalisé par Talal Selhami. Un des rares longs-métrages marocains dans le genre, il est basé sur la mythologie propre à la culture du pays. Il raconte l'histoire de quatre enfants qui jouent à se faire peur, à travers un scénario ancré dans l'univers des Jnoun et du paranormal. Prix du meilleur film au Festival Hardline en Allemagne et gratifié d'une mention spéciale du jury au Festival du film fantastique de Sitges en Espagne, il a déjà été distribué aux Etats-Unis, en Russie, au Japon et dans les pays scandinaves. Dans le film, l'enfant Samir disparaît lors des jeux qui mènent les enfants à se rendre à une demeure interdite d'accès, où ils rencontrent une créature inspirée de l'univers des Jnoun. Il revient 20 plus tard, incarné par Omar Lotfi, avec cette même créature. On retrouve aussi les autres enfants qui ont changé et qui doivent alors affronter leur passé à travers cette créature légendaire. Le réalisateur estime que «c'est une première et il est encore difficile de savoir si ce genre de films fantastiques, ancrés dans des éléments de la culture marocaine, suscite une appétence du public, mais il existe clairement un public très friand de plusieurs cinématographies et donc du film fantastique, qu'il soit américain, coréen ou de tous les autres pays». «De ce fait, pourquoi ne pas voir des films de chez-nous, d'autant que nous avons un terreau de légendes qu'on peut partager avec le public marocain principalement, mais aussi avec le reste du monde pour faire rayonner notre culture», plaide-t-il.