Les présidents des groupes de l'opposition à la Chambre des représentants ont critiqué, ce mercredi, le programme gouvernemental présenté, lundi, par le chef du gouvernement Aziz Akhannouch. Si certains ont soulevé plusieurs questions auxquelles le programme ne répond pas, d'autres ont reproché au nouveau cabinet de s'être «inspiré» du Nouveau modèle de développement. Ce mercredi, les élus de la nation ont présenté leurs remarques sur le programme gouvernemental présenté, lundi, par le chef du gouvernement Aziz Akhannouch. Après l'intervention des groupes du RNI, du PAM et du parti de l'Istiqlal à la Chambre basse, les présidents des groupes de l'opposition se sont succédé pour fustiger le programme du nouvel exécutif. Ainsi, Abderrahim Chahid, président du Groupe socialiste (USFP) à la Chambre des représentants a dénoncé des entraves empêchant d'accorder à l'opposition de bénéficier du temps approprié pour formuler ses remarques sur le programme gouvernemental en y voyant un «un signe inquiétant». L'élu a dénoncé «les circonstances de la formation du nouveau gouvernement et du bureau de la Chambre». «La majorité s'est accaparée des postes, ce qui rend la surveillance et le contrôle dans les mains de ses élus», critique-t-il. Un programme «sans priorités» selon l'USFP L'élu a dénoncé des mesures «en contradiction» avec la mise en œuvre de la régionalisation avancée. Revenant au contenu du programme, Abderrahim Chahid a estimé que la structure du nouveau gouvernement «n'a pas été à la hauteur des attentes pour le contexte actuel, surtout s'agissant de la mise en œuvre du modèle de développement». «Vous avez opté pour la division des secteurs stratégiques homogènes, ce qui impacte le travail et la bonne gouvernance», accuse-t-il. «Le gouvernement doit présenter ses priorités pour la mise en œuvre du modèle de développement, car son programme évoque les axes de ce modèle d'un seul coup sans les classifier en termes de priorités et sans définir de mesures ou un délai clairs», a-t-il estimé. «Les promesses ne seront réalisées qu'à travers des actions réalistes que nous n'avons pas trouvé dans le programme», a-t-il enchaîné en fustigeant «la dominance du capitalisme qui laisse l'économie gérée par la logique du bénéfice et du marché». «Des mesures proposées par le gouvernement constitue, d'une façon ou d'une autre, une continuité des étapes précédentes. Allons-nous continuer à travailler selon la logique de l'aide sociale au lieu d'instaurer un régime étatique de justice sociale basé sur la protection généralisée comme annoncée par le Roi ?», s'interroge-t-il. Lors de son intervention, le président du groupe socialiste n'a pas oublié le dossier des enseignants contractuels ainsi que le dossier des droits humains avant d'annoncer que l'USFP votera contre le programme gouvernemental. Un programme qui «manque d'identité» pour le MP Pour sa part, Driss Sentissi, président du groupe haraki (Mouvement populaire) a annoncé que le parti se positionne dans l'opposition, qualifiant le programme gouvernemental de «déclaration d'intention». L'élu fustige l'absence de mesures et de dates de mise en œuvre des promesses fournies par le gouvernement, estimant que le programme «s'inspire de la précédente expérience gouvernementale sans la mentionner et paraphrase les programmes des partis de la majorité», le tout «sans fil conducteur». «Le programme manque, selon nous, d'identité, d'idéologie encadrantes et d'innovation et se limite à des priorités qui ne sont pas nouvelles (…)», a-t-il déclaré, avant de s'interroger sur le financement pour réaliser certaines promesses. L'élu du parti de l'Epi a soulevé la hausse récente des prix de certaines denrées, interrogeant le chef du gouvernement sur un grand nombre de question, notamment sa politique pour protéger le pouvoir d'achat des Marocains, contrôler l'inflation et le recours à l'endettement. «Nous avons tenté d'énumérer le nombre d'engagements du nouveau gouvernement mais nous avons été surpris de constater qu'il s'agit de promesses et de souhaits limités. Le programme ne comprend pas d'indicateurs ou de chiffres clairs pour les sources de financement ou les stratégies de réalisation mais copie des paragraphes du nouveau modèle du développement sans les mécanismes de mises en œuvre.» Driss Sentissi Le président du groupe haraki a estimé que le gouvernement s'engage à employer un million de chômeurs sur cinq ans, ce qui constitue «un nombre faible compte tenu du nombre surprenant des chômeurs au Maroc» et un «chiffre irréel». «De plus, la croissance annoncée par le gouvernement de 4% ne permettra pas de gagner le pari de réduire le chômage», conclut-il. Des tirs du PPS et du PJD Rachid Hammouni, président du groupe du Progrès et du socialisme (PPS) a pointé, de son côté, des pratiques «portant atteinte à la démocratie» lors des dernières élections, réitérant sa «condamnation de l'usage de l'argent pour l'achat des voix». Revenant au programme gouvernemental, le PPS a félicité l'exécutif pour la traduction des orientations royales et les grands axes du nouveau modèle du développement. Mais son élu a toutefois considéré qu'«on ne peut pas résoudre la problématique urgente de la pénurie des cadres dans la santé à travers un titre» dans le programme gouvernemental. Pour le secteur de l'Education, Rachid Hammouni insiste à «redonner sa place à l'école publique» et reproche au gouvernement d'avoir omis d'évoquer le secteur de l'enseignement privé. «Aujourd'hui, certaines écoles exploitent le besoin et la pauvreté de certains parents», critique-t-il. «Il est temps de rompre la logique de réduire les problématiques du monde rural en une question d'agriculture», enchaîne-t-il. Le président du groupe du Progrès et du Socialisme a également pointé l'absence, dans le programme gouvernemental, de plusieurs problématiques, comme la caisse de compensation ou encore les retraites. Abdellah Bouanou, du groupement du PJD, a reproché au gouvernement d'Akhannouch d'avoir «omis» la mention des positions constantes du Maroc sur plusieurs questions, dont la question palestinienne et les droits du peuple palestinien. Mettant en doute la mention du «choix démocratique» dans le programme gouvernemental, l'élu du parti de la Lampe a affirmé que les dernières élections ont «entériné un recul démocratique et été marquées par d'anciennes pratiques» que les Marocains ont cru disparaître avec la Constitution de 2011. L'élu a également critiqué l'achat de voix de citoyens, de médias et d'influenceurs et la formation d'un gouvernement de «technocrates avec des couleurs politiques», tout en soulevant plusieurs interrogations, dont la libération des détenus des mouvements sociaux et des journalistes arrêtés au Maroc.