Sabah Ahmed Mohamed fait partie des personnes qui se sont engagées dans l'aide aux Marocains arrivés à Ceuta. Elle-même Marocaine, elle ne s'est pas limitée à la distribution de repas et de vêtements. Elle a ouvert les portes de sa maison à des centaines de personnes. Tous les jours à onze heures du matin, la maison de l'Espagnole d'origine marocaine, Sabah Ahmed Mohamed, s'ouvre aux Marocains entrés à Ceuta depuis mai. C'est l'heure à laquelle elle a déjà préparé à manger, avec ses amis et voisins, et apporté des vêtements. Un travail éreintant. D'ailleurs, Sabah avait du mal à parler lorsque Yabiladi l'a contactée, sa voix étant enrouée par le stress et l'épuisement de ces derniers jours. Son domicile est le point de passage de 200 à 300 personnes quotidien. «Je leur donne de la nourriture et des vêtements, ils prennent une douche et peuvent repartir. Vendredi, leur nombre est passé à 1 000, et ils sont dans une situation très difficile», nous a-t-elle confié. A 19 heures, tous les bénéficiaires de l'initiative de Sabah étaient déjà partis. Elle commence alors à nettoyer la maison, à laver les serviettes et les draps, pour se préparer le lendemain à recevoir à nouveau ces personnes, comme une journée sans fin. Aider son prochain, une valeur familliale ancrée dans le quotidien La Marocaine, qui est née et a grandi dans la ville de Ceuta, est d'un père d'origine du Rif et d'une mère issue de Souss. «J'ai grandi dans une famille philanthrope et j'ai hérité cela. Je n'hésite pas à apporter de l'aide. Mes enfants me critiquent toujours, car même lorsque je voyage quelque part pour faire du tourisme, je reste liée à l'action caritative et je reviens chargée de vêtements que je distribue aux nécessiteux», a déclaré la bénévole égaleent commerçante. Par son récit, Sabah Ahmed Mohamed a tenté de nous faire vivre les événements qui se sont déroulés dans la ville de Ceuta, depuis le 17 mai, avec l'exode de près de 10 000 Marocains vers l'enclave. «Je n'oublierai jamais ces scènes. Nous avons été pris de court. Nous avons vu un nombre de personnes qui couraient dans tous les sens, nous ne savions pas ce qui se passait. L'atmosphère était effrayante, jusqu'à comprendre qu'il s'agissait de Marocains venus à la nage», se rappelle-t-elle. Au début, Sabah a décidé de sortir avec ses amies pour distribuer des vêtements aux personnes arrivées en mer. A la tombée de la nuit, elles ont décidé de préparer à manger et de faire des maraudes pour remettre les repas aux arrivants. «Nous avons préparé 28 kilos de pâtes. Nous pensions que nous avions exagéré et que la quantité était conséquente, mais nous avons été surpris de constater que la nourriture n'a même pas suffit à nourrir les migrants présents dans notre quartier. Nous avons alors apporté des sandwichs pour les distribuer aux autres restés le ventre vide», se souvient encore la ceutie, décrivant des ressortissants à différents endroits de la ville et se réfugiant même dans les forêts. «J'ai essayé de me rapprocher de certains d'entre eux. J'ai découvert qu'ils étudiaient et excellaient dans leur parcours. Ils sont venus ici de manière imprudente et voulaient retourner au Maroc, mais ils avaient peur d'être battus par la police. Je me suis déplacée avec eux jusqu'au poste-frontière et ils sont retournés volontairement, avec l'accord des autorités.» Sabah Ahmed Mohamed Sabah est une mère courage avec quatre enfants. Elle aide non seulement les adultes, mais aussi les mineurs qui ont été hébergés dans des espaces temporaires ou des entrepôts à Ceuta. «Je ne sais pas comment certaines mères peuvent négliger leurs enfants», dit-elle en pleurant d'amertume. «Certains mineurs dans les camps provisoirement installés vivent dans des conditions difficiles. Quand ils se douchent, ils restent drapés dans des serviettes toute la journée, jusqu'à ce que leurs vêtements soient secs. Mon amie et moi avons décidé de récolter des habits et de les distribuer», nous confie-t-elle. A plusieurs occasions, Sabah n'a pas hésité à ouvrir les portes de sa maison à ses compatriotes. Elle l'avait déjà fait lors des récents événements ou de la fermeture des frontières avec l'enclave, en mars 2020 avec l'entrée en vigueur de l'état d'urgence sanitaire. «Je me souviens du jour où les frontières ont été fermées. C'était un vendredi. Mon mari est venu à la maison et m'a dit que les familles et leurs enfants étaient coincés et qu'ils ne pouvaient pas rentrer au Maroc». Sabah sort prêter main forte aux Marocains bloqués, après avoir contacté des connaissances. Elle s'est rendue auprès des concernés pour leur fournir à manger. Une solidarité à toute épreuve Durant cette épreuve du confinement, Sabah a également décidé de prendre avec elle des mères et leurs enfants, qu'elle a accueillis à domicile. Elle a également lancé un appel aux habitants de la ville, à travers les réseaux sociaux, pour l'aider à collecter des couvertures et de la nourriture afin de soutenir les personnes bloquées à la frontière. «Nous avons reçu de l'aide, que ce soit des Espagnols ou des Marocains résidant ici, mais le nombre de personnes bloquées a augmenté», a-t-elle déclaré. Au cours de cette période difficile, la notoriété de Sabah dans la ville de Ceuta l'a devancée. De nombreuses personnes bloquées ont commencé à se tourner vers elle pour avoir de l'aide. «Par une nuit pluvieuse, des femmes ont frappé à la porte de ma maison et je les ai accueillies au sein de ma famille, mais comme leur nombre augmentait, j'ai dû chercher une solution alternative et j'ai mis à la disposition la maison de ses parents décédés, une maison dont les portes sont encore ouvertes aux immigrants qui sont venus à Ceuta», nous dit-elle. «Puisque c'est une maison d'héritiers, j'ai appelé mes frères et leur ai proposé l'idée. Ils n'ont pas hésité un instant à accepter, même que l'un d'eux m'a encouragé, en me rappelant que c'est ce que nos parents auraient fait de leur vivant. J'ai reçu 35 adultes et deux enfants. J'ai encore 8 personnes avec moi. Les autres sont rentrés au Maroc pendant les opérations de rapatriement organisées ces derniers mois.» Sabah Ahmed Mohamed L'initiative de Sabah pour aider les Marocains bloqués a eu un large écho à Ceuta, où elle a été distinguée à l'occasion de la Journée mondiale de lutte pour les droits des femmes, le 8 mars dernier. Cela dit, elle ne pense pas à créer une association : «Je n'ai pas besoin de travailler au nom d'une organisation. Quiconque frappe à ma porte, je l'aiderai sans hésiter.» Elle a exprimé son espoir que les relations reprennent leur cours entre le Maroc et l'Espagne et que les frontières soient rouvertes, afin qu'elle puisse retrouver son pays qu'elle n'a pas vu depuis presque deux ans, en raison de la pandémie du nouveau coronavirus.