Au Maroc, les arguments pour défendre la légalisation de la culture du cannabis sont principalement économiques. En plus de l'usage thérapeutique, le chanvre offre une multitudes de possibilités, qui pourraient permettre au pays de se doter d'une industrie performante et respectueuse de l'environnement à la fois. Alors que le Maroc vit un débat sur le projet de loi relative à la légalisation de la culture du cannabis, les potentialités économiques de ce marché sont mises en avant, mais peu visualisent concrètement les usages réglementés du chanvre dans le secteur industriel. Pourtant, cette plante a longtemps été utilisée dans le textile, tout comme dans la fabrication du papier. Son utilisation comme drogue a progressivement masqué ces usages traditionnels, la réglementation internationale la reléguant au rang de substance stupéfiante dangereuse. Ce n'est désormais plus le cas, puisqu'en décembre dernier, 27 des 53 Etats membres de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ont voté pour la suppression du cannabis du tableau IV, qui regroupe la catégorie des drogues soumises à un contrôle strict, conformément à la Convention unique de 1961. Ce vote constitue d'ailleurs la suite d'une recommandation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), pour rendre plus accessible la recherche sur les usages médicaux de cette plante. Une utilisation industrielle et agricole plus ancienne que l'interdiction Depuis février, le Maroc qui a voté en faveur de cette mesure examine un projet de loi relatif à la réglementation de la culture du cannabis. Il s'agit d'une recommandation associative de longue date, initiée par le Collectif marocain pour l'usage thérapeutique et industriel du kif. Son coordinateur, Chakib El Khayari, indique d'ailleurs à Yabiladi que le chanvre (kif industriel) «a longtemps été utilisé dans la papeterie, l'écriture de manuscrits mais aussi dans le textile». Autant de possibilités qui peuvent se rouvrir désormais, si l'exploitation à ces fins est autorisée. Au début des années 2000, des études ont en effet montré que jusqu'au XIXe siècle, le chanvre a occupé une place importante dans l'industrie. «La disparition de la marine à voile, l'apparition du coton et la mise en place de taxes conduiront progressivement vers l'arrêt de sa production», indique le mémoire d'études «Le chanvre dans l'industrie papetière», réalisé en 2003 par Xavier Mathieu et Leandro Salgueiro, publié sur le site de la Cellule de veille technologique de l'Ecole française de papeterie et des industries graphiques (EFPG). «Aujourd'hui, conscients des qualités sans égal de la fibre de de chanvre (résistance, recyclage…) et de plus en plus soucieux des problèmes écologiques, de nombreuses personnes tentent de réintroduire la culture du chanvre», note le document. Ph. Couleur Chanvre L'utilisation du chanvre remonte même à plus de 2 000 ans. En effet, les premiers papiers en Chine ont été fabriqués à partir de chanvre. Avant 1883, plus de 70% du papier était produit à partir de ses fibres. Au cours du XVIIIe siècle en France, «le chanvre était classé parmi les produits de première nécessité au même titre que le pain», fait savoir le document. Il «mûrit en trois ou quatre mois et peut produire, par acre, quatre fois plus de papier que les arbres». Dans le textile, les vêtements en jean ont également été fabriqués à base de fibres de chanvre, avant d'être remplacées par le coton. Il est d'ailleurs apprécié pour ses capacités naturelles à revitaliser le sol et à être moins gourmand en eau que le coton. De grandes marques internationales d'habillement en font désormais un label de qualité et de protectuon de l'environnement. On utilise ainsi le chanvre cotonneux, qui donne un tissu presque identique au jean à base de coton, tout en nécessitant moins d'énergie et de produits chimiques. Il y a plus d'un siècle, des pantalons étaients fabriqués ainsi. Un jean produit à base de fibres de chanvre, il y a près de 140 ans / Ph. Kate Sommers-Dawes - Mashable Un potentiel naturel pour le développement écologique des industries S'apparentant à une plante miracle pour toutes les possibilités d'industrialisation qu'il permet, le chanvre entre également dans la composition de base de «meilleures huiles et peintures que celles à base de pétrole, du carburant diesel brûlant sans résidus et des plastiques biodégradables», explique la recherche. De plus, le chanvre entre dans la fabrication de matériaux de construction «deux fois plus résistants que le bois et le ciment». Il constitue aussi un produit de base pour le développement de nouvelles variétés de vernis, d'encre d'imprimerie ou de solvants. Même l'industrie automobile se tourne désormais vers les possibilités de réduction d'impacts environnementaux, grâce à l'intégration du chanvre dans la composition des intérieurs de véhicules. En Allemagne, Mercedes-Benz recourt de plus en plus à des matières premières renouvelables, dont «le chanvre, le kénaf, la laine et le papier». DR. Dans d'autres secteurs industriels, le liquide cellulaire du chanvre permet la production de fluides abrasifs. Sa tige avec graines peut être employée dans la fabrication de sac, de différents types d'habits, mais aussi de couches, de chaussures et de tissus fins. Le chanvre s'est avéré une base naturelle de production de ficelles, de cordes, de filets, de sac en toile et de bâches plus résistants. Ses qualités ont été prouvées également dans l'agriculture, puisque le chanvre pousse sans herbicides. Dans les champs agricoles, il peut être planté pour sa résistance aux parasites, pour la suppression de mauvaises herbes, l'élimination du traitement à base de pesticides, l'isolation du pollen ou l'amélioration du sol, en rotation de culture. C'est aussi une source de développement des filières agroalimentaires de muesli, d'huile d'assaisonnement, de farines richement protéinées, de margarine, de compléments alimentaires et des graines pour les oiseaux ou encore de la nourriture pour le bétail. Connu pour ses particularités cosmétiques, le chanvre entre de plus en plus dans la composition de shampooings, de savons, de préparation de bains moussants, entre autres produits de bien-être. Ses fleurs et ses feuilles présentent quant à elles un important potentiel médical contre le glaucome ou les spasmes, en dehors de leur emploi dans les substances psychoactives.