Dans cette interview accordée à Panorapost, le directeur de l'école SAP+D (School of planification and design) à l'UM6P, expert en architecture, planification et design durable, Hassan Radoine, nous dévoile les enjeux de la smart city symposium 2022 et aussi l'importance de la low tech. Panorapost : Quels enjeux portes la nouvelle édition du smart city symposium 2022 ? Hassan Radoine : En cherchant à remettre le citoyen au centre de la Smart City, cette sixième édition de Smart-City-Casablanca prend comme challenge de reconstruire ce concept en explorant le rapport entre le citoyen et la technologie dont il est à la fois producteur et consommateur. Le défi est de remettre en question les tendances actuelles vers le « solutionnisme » technologique avancé, fréquemment lié de manière presque systématique au concept de la Smart City, et d'expérimenter d'autre sortes de technologies, plus simples, efficaces, accessibles et donc plus proches de la communauté. Le challenge de l'édition n'est donc autre que d'identifier les principes d'une approche low-tech menant à bien la transition de la ville vers plus de durabilité, de résilience et de solidarité et dans laquelle le citoyen est acteur, concepteur et catalyseur de ces synergies urbaines et territoriales. Quoique la notion de Smart City avait été liée exclusivement à l'infrastructure et technologie digitale top-down, l'inclusion des pratiques low-tech du bottom-up changera, certes, le paradigme de la smartness de la ville qui doit se générer par la pratique communautaire et humaine surtout dans le contexte Marocain et Africain. Panorapost : pour cette édition, il est question de low-tech. Quelle sera sa valeur dans le volet communautaire ? Hassan Radoine : Les low-tech sont des technologies utiles, durables et surtout accessibles à tous. La démarche low-tech offre à tous et partout, les moyens de répondre à ses besoins essentiels dans le respect des Humains et de la Planète. Dans ce sens, la low-tech est principalement communautaire, émergent de et servant la communauté dans son territoire vécu. Sa valeur réside dans plusieurs volets. En premier, l'approche low-tech exige un changement de paradigme dans les modèles économiques qui prendront en compte l'utilisation optimisée des ressources, le changement intrinsèque des modes de vie, le recyclage, la chaine de réparation et la réutilisation des produits, entre autres. Ce changement donne lieu à des pistes vers la durabilité et l'innovation spatio-communautaire. Elle permet aussi le partage de connaissance, le savoir-faire local et donc la continuité et la montée en résilience communautaire qui ne peux se mesurer qu'aux périodes de crises ou d'une vraie transformation de la ville vers un territoire innovant, intelligent et inclusif. Panorapost : Le digital est toujours dans la disparité dans certaines régions. Que pourrait apporter la Smart City de Casablanca pour une démocratisation du digital ? Hassan Radoine : La fracture numérique est très présente à travers notre pays et notre continent en général. En effet, la fracture numérique s'étend au-delà de l'accès matériel et touche à la motivation, aux aptitudes et aux compétences. C'est pour cela que notre positionnement sur la smart city est pertinent. Depuis nos éditions précédentes à celle d'aujourd'hui, nous pensons la ville smart à l'image de l'intelligence humaine au centre. Dans ce sens, nous jugeons qu'une telle ville smart ne sera démocratique qu'en garantissant que les citoyens sont dotés d'un accès équitable au digital et des compétences numériques nécessaires pour contribuer au développement durable de leur ville. Casablanca-Smart-City dans sa nouvelle édition touchant à la low-tech s'inscrit ainsi dans cette vision holistique. Elle cherche à promouvoir les solutions low-tech, et les mettre en valeur. C'est une composante essentielle de ce qui constitue une smart city centrée sur le capital humain, et l'innovation de ses citoyens face à leurs enjeux quotidiens, mais aussi face au potentielles crises (COVID-19 en étant l'exemple le plus significatif) . Panorapost : Quel rôle pourrait jouer les smart city dans la politique de la Régionalisation avancée ? La Régionalisation avancée met en avant le rôle de la région dans la gouvernance locale et territoriale au Maroc. Cela permet aux régions de miser sur leurs propres ressources - naturelles et humaines - ainsi que de se désenclaver pour un développement territorial homogène du royaume. Ce processus engage aussi l'émergence d'une démocratie participative ou les citoyens sont au centre de la gouvernance au-delà de la dichotomie de l'urbain ou du rural. Hassan Radoine : Les régions sont souvent ancrées autour d'une ville principale avec plusieurs autres secondaires créant un maillage et une dynamique territoriale. Le rôle d'une smart city dans la régionalisation avancée réside dans cette intégration et collaboration entre la ville et sa région. Une ville smart permet l'utilisation de données pour une intégration des régions, la promotion de l'attractivité territoriale et le développement des politiques transversales tenant compte du territoire dans sa globalité. Cela a pour objectif principal est de promouvoir la décentralisation des services et activités économiques en faveurs des centralités rurales et urbaines-intermédiaires autour des métropoles classiques qui dominent par la concentration de richesses et opportunités. La vraie ville Smart est celle qui sera plutôt une plateforme de décentralisation des services et déconcentration équitable de richesses pour tous les territoires dans sa région. Ainsi, la régionalisation avancée doit investir dans un nouveau modèle de villes smart catalyseur de la dynamique territoriale et régionale et non pas de domination et de création d'arrière-plans pauvres et sous-développés.