Le chef du Hamas est sur nos terres depuis la semaine dernière. Ismaël Haniyeh a été reçu en grande pompe par Saâdeddine Elotmani, agissant alternativement en chef du gouvernement et en chef du PJD. Le responsable du Hamas devait avoir d'autres entretiens avec d'autres personnalités de la scène politique marocaine, officiels et/ou officieux. Des questions, voire questionnements, se posent en marge de cette visite. Qui est ce Monsieur ? Pourquoi est-il là ? Pourquoi cet accueil de grande star ? Et quelle est sa position et celle de son mouvement au sujet du Sahara et de l'intégrité territoriale du royaume ? Qui est Ismaël Haniyeh ? Le chef du Hamas, successeur de Khaled Mechaal, fut premier ministre un temps et depuis peu, chef à plein temps du Hamas. Pas d'autres faits d'armes héroïques à son actif, plutôt passif. Pourquoi est-il là ? A défaut de communication officielle, contentons-nous de réflexions… et gageons que sa venue n'aurait pu se faire sans l'aval des hautes autorités du royaume, ainsi que M. Haniyeh l'a reconnu lui-même. Sa venue assure et confirme cet art de l'équilibre, propre à la grande diplomatie marocaine, le roi ayant félicité le nouveau premier ministre israélien pour sa prise de fonctions, alors que le chef du Hamas se trouvait au Maroc. Le royaume entretient donc simultanément des relations officielles avec Israël et les Palestiniens d'une part et, d'autre part, préserve des liens à égalité entre les différentes factions palestiniennes, même celles, comme le Hamas, qui ont vertement critiqué la reprise des relations entre Rabat et Tel Aviv. Quelle est sa position et celle de son mouvement au sujet du Sahara et de l'intégrité territoriale du royaume ? Cela est la grande inconnue… Dans son allocution de bienvenue, le chef du gouvernement a rappelé à Ismaël Haniyeh que « le Maroc place la question palestinienne au même rang que celle du Sahara, et vous savez l'importance du Sahara pour le Maroc ». Qu'a répondu le Palestinien à ce sujet : Rien. Question : Puisque ce Monsieur a été invité par le PJD et que le PJD est, avant même de « diriger » le gouvernement, un parti marocain, a-t-il posé clairement la question de la reconnaissance de la marocanité du Sahara à son « invité » ? Si non, c'est problématique, car le soutien du Maroc à la cause palestinienne doit avoir comme contrepartie le soutien des Palestiniens à la cause marocaine. Si oui, quelle a été la réponse du Hamas ? Le PJD devrait communiquer autour de cela. Par ailleurs, plusieurs chefs de partis ont pris la pose devant M. Haniyeh, sans pour autant prendre le temps de l'interroger sur sa position concernant le Sahara, du moins semblerait-il car personne d'entre eux n'a communiqué sur la chose. MM. Baraka, Benabdallah, Akhchichène et les deux présidents de Chambres aussi… tous ont papoté avec le chef du Hamas. Quelqu'un a-t-il osé lui parler du Sahara ? Le verbe « oser » s'explique par l'attitude de tous ces gens face à quelqu'un qui n'a jamais, il faut le mentionner, brillé par son soutien à notre cause nationale, et face auquel ils avaient vaguement l'air de fans émerveillés devant leur idole… Oui certes, la Palestine est notre priorité mais le Sahara l'est aussi, et plus même. Oui certes, des soldats marocains ont péri pour les Palestiniens, mais plus encore ont perdu la vie, la liberté, leur jeunesse, pour leur pays, son intégrité et sa grandeur. Et la grande responsabilité incombe au PJD qui a « invité » le Hamas et son chef à couler des jours paisibles au bord du Bou Regreg. Il devrait être sérieusement questionné sur cette affaire et il devrait sérieusement songer à y répondre… car comment et pourquoi voter pour un parti qui placerait sa priorité nationale après celle des autres, fussent-ils Palestiniens !! Il est décidément heureux que la diplomatie marocaine se pense au palais… En effet, redisons-le, avec cet accueil de M. Haniyeh, le royaume adresse des messages à Washington et Tel Aviv, peut-être aussi à Moscou et même Ankara (l'UE importe peu…) sur sa volonté de devenir un élément incontournable, ou du moins difficilement évitable, dans la solution de la question palestinienne. Le Maroc entretient des relations avec le Fatah, le Hamas, le gouvernement israélien et il peut être désormais un facilitateur de paix à travers des négociations directes entre protagonistes. Le dîner offert par le roi à M. Haniyeh et sa délégation, présidé par M. Elotmani, est à cet effet très significatif. Cela relève aussi de la souveraineté diplomatique du Maroc, comme on l'a vu avec le retrait précipité du tweet tout aussi précipité de David Govrin, chef du Bureau de liaison israélien à Rabat, qui avait pris la liberté de critiquer vertement les mots (il est vrai abusifs) de M. Elotmani en faveur du Hamas. Le bon Docteur a dû être sévèrement recadré. Rabat est désormais une capitale qui compte sur le plan diplomatique, agissant en permanence, se déployant de plus en plus loin, surprenant amis et adversaires, s'énervant au besoin et manœuvrant à dessein.