Le Maroc avance, à l'allure d'un escargot, mais il avance quand même… Cela pourrait être bien, sauf que quand on ne progresse pas assez vite, on se fait doubler par les autres, puis on en paie les conséquences. C'est l'inquiétude même pas dissimulée d'Ahmed Lahlimi, le Haut-commissaire au Plan qui a été plutôt acerbe contre les politiques, prônant une approche plutôt keynésienne pour la relance et un véritable décollage économique. Mais ces mesures préconisées par l'ancien ministre d'Abderrahmane el Youssoufi et actuel patron du HCP sont également inopérantes au mieux, dangereuses au pire, tel que vient de le souligner le mouvement Maan. Que propose M. Lahlimi ? Pas que du mauvais, dirions-nous… En effet, s'en prenant assez rudement aux politiques, il défend la remise en état de l'industrie textile, une meilleure vision de l'industrie agroalimentaire et une véritable politique, une réelle stratégie de Recherche & Développement. Le Haut-commissaire accorde toute son importance au facteur humain, qu'il faut former, notamment en informatique, afin de ne pas laisser la main aux investisseurs étrangers pour venir et s'en aller en fonction de la conjoncture… Ahmed Lahlimi appelle également à une cohérence des politiques publiques et à une véritable cohésion nationale, en plus d'une vision claire pour le futur. Jusque-là, ce que dit M. Lahlimi est juste et emporte l'adhésion de tout le monde, ou presque… Là où le bât blesse, et c'est ce qui est relevé par le mouvement Maan, nouvellement créé et agissant (pour l'instant encore…) comme un think tank, c'est la dangerosité de mesures financières et publiques que propose le chef du HCP. Ainsi, celui-ci propose de laisser augmenter l'inflation et le déficit public, et aussi de réduire le taux directeur de Bank al-Maghrib. Cela dans un objectif de pousser la demande par la demande, en général, et le crédit en particulier. En gros, « ouvrons les crédits, endettons l'Etat, que l'inflation grimpe un peu, et tout ira comme dans le meilleur des mondes », semble préconiser M. Lahlimi. Certes, sauf que… Dans un communiqué, le mouvement Maan exprime nettement son désaccord, indiquant calmement mais fermement que « les pistes de solutions proposées par le HCP se résumeraient à ouvrir les vannes du crédit, à laisser filer l'inflation et à accroître les déficits publics. Cette politique est non seulement irresponsable, mais inefficace comme l'a montré l'expérience de son application dans notre pays ». En effet, il ne s'agit pas d'ouvrir les vannes du crédit pour relancer l'économie, mais surtout de trouver des entreprises aptes à le faire en créant de la richesse. « La croissance dans notre pays demeure freinée par les faiblesses structurelles de l'entreprise marocaine. Ainsi, l'atonie du crédit n'est pas due à son coût (historiquement très faible), mais à l'absence de perspectives et de carnet de commandes pour les entreprises au Maroc », expliquent les membres du Mouvement, tous juristes, économistes, entrepreneurs et financiers, universitaires, qui savent donc de quoi ils parlent… en attendant de trouver à qui parler ! De plus, et il fallait tout simplement le relever, la demande des ménages et des entreprises est satisfaite par l'importation. Donner des crédits n'aurait donc comme conséquence que d'aggraver les déficits commercial et budgétaire. Concernant l'inflation, M. Lahlimi, dûment auto-benchmarké, hurle au scandale ; il est favorable à une inflation de 5, 6 ou même 7%, pour relancer la machine. Faux, rétorquent les gens de Maan qui constatent qu'une inflation forte ruinerait le pouvoir d'achat des plus pauvres et affecterait les créanciers de l'Etat ; « historiquement, il n'y a aucun lien évident au Maroc entre le niveau d'inflation, la croissance économique et le taux de chômage », martèle le mouvement ! Maan et le HCP se rejoignent cependant pour dénoncer l'absence, ou la faiblesse, du tissu entrepreneurial marocain face aux grands groupes étrangers qui s'installent sur nos terres. Mais le mouvement appelle, préconise et insiste sur une relance par l'offre, représentée par l'entreprise. Or, rien n'est vraiment fait pour promouvoir l'entreprise, l'esprit d'entreprise et la réussite entrepreneuriale. Le Mouvement porte l'estocade dans sa conclusion : « La croissance dans notre pays demeure freinée par les faiblesses structurelles de l'entreprise marocaine. Ainsi, l'atonie du crédit n'est pas due à son coût (qui est historiquement très faible), mais à l'absence de perspectives et de carnet de commandes pour les entreprises au Maroc ». Si M. Lahlimi est un théoricien expérimenté, il reste justement… un théoricien. M. Abdellatif Jouahri, lui, est un financier, en charge des grands équilibres. Les deux ont sévèrement tancé le gouvernement, de même que le mouvement Maan. Les enjeux se situent aujourd'hui sur le plan économique et entrepreneurial, et c'est là que le gouvernement pêche par ignorance et/ou par manque de vision, de réflexion et de plans d'action. C'est dans la discussion, et le débat, que les choses pourraient s'améliorer, et non par des politiques de l'offre, de la demande, et à la demande. Le mouvement Maan, par exemple, est là et en débat…