Par Souad Mekkaoui Dans un courrier datant du 6 février 2014, adressé aux directeurs au sein du ministère des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à l'époque Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, annonçait que la reprise des relations diplomatiques avec l'Iran « ne s'est pas faite, et ne se fera pas aux dépens des relations du Maroc avec les pays arabes frères, ni avec les pays partenaires, ou au détriment des prises de position du Maroc sur les affaires régionales et internationales ». Ce fut on ne peut plus clair. C'est dire que les relations entre les deux pays ont toujours connu une évolution en dents de scie et que la décision annoncée mardi 1er mai dernier par le ministre des Affaires étrangères de couper tout lien avec l'Iran ne doit nous étonner que par sa mise en œuvre à la vitesse de la lumière. C'est loin d'être une première Déjà en 2009, les relations diplomatiques entre le Maroc et la République islamique avaient été rompues, à l'initiative du Royaume, au nom de la solidarité arabe avec le Bahreïn qu'un haut responsable iranien avait qualifié de « quatorzième province iranienne ». En plus de l'ingérence de l'Iran dans les affaires religieuses du pays et de son activisme de prosélytisme chiite sur le territoire ou auprès de la communauté marocaine à l'étranger. En effet, Téhéran a toujours affiché son mépris et son aversion à l'égard du Maroc et le volet religieux y est pour beaucoup. Si d'un côté, l'Iran ambitionne de conduire le train de l'islam, de l'autre, le Maroc le dérange dans sa stratégie avec son sunnisme et sa modération. D'ailleurs, les relations bilatérales entre les deux pays se sont fortement dégradées, depuis la révolution de 1979, à la destitution du Shah, allié du Maroc et ami du Roi Hassan II. En conséquence, les relations diplomatiques entre la république islamique et le Royaume ont été gelées, de mars 2009 jusqu'au 16 décembre 2014, à la normalisation des relations. Le 18 juin, Mohamed Taghi Moayed présentait ses lettres de créances à SM le Roi et la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays s'est faite de manière progressive. Le 13 octobre 2016, le Roi Mohammed VI nommait Hassan Hami ambassadeur du Royaume à Téhéran. On croyait dès lors qu'un nouveau chapitre diplomatique allait s'ouvrir balayant pour ainsi dire plusieurs années de brouille. Mais finalement, ce n'aura été qu'un déjeuner de soleil. De facto, si la décision du Maroc rappelle celle prise en 2009 pour soutenir l'intégrité territoriale d'un pays frère arabe, aujourd'hui, elle est plus que légitime puisqu'elle le concerne directement et le touche dans sa plus grande cause nationale. Tout sauf l'intégrité territoriale Si le le Maroc a décidé ipso facto de fermer son ambassade à Téhéran c'est parce qu'il a toujours fait de son intégrité territoriale sa priorité. C'est pourquoi Nasser Bourita a donné l'ordre à l'ambassadeur de l'Iran au Maroc de quitter le Royaume, sans délais après avoir longtemps observé les manœuvres et transmis des preuves irréfutables au régime iranien de l'implication flagrante des éléments du mouvement libanais, Hizbollah, auprès du polisario, dans les camps de Tindouf. Autrement, comment fallait-il réagir au contrecoup de la république islamique dans la livraison d'armes au polisario par le biais de son allié libanais et protégé Hezbollah, via un « élément » à l'ambassade iranienne à Alger – comme l'a annoncé le ministre des Affaires étrangères ? Le Royaume devait-il rester passif face au Hezbollah qui, prenant la balle à la vollée , formait et entraînait des commandos de l'ennemi N°1 du Maroc en leur livrant des armes sophistiquées dont les derniers sont des batteries de missiles sol-air SAM 9 et SAM 11 à la demande du Front et de l'Algérie, qui ont sollicité un soutien logistique et financier, durant les dernières tensions pour attaquer des villes au Sahara marocain? Cette aide aurait été transmise, au lendemain, du crash de l'avion algérien qui avait fait 257 morts transportant des éléments armés du Polisario et des soldats de l'armée algérienne qui étaient en route vers les frontières du Royaume. Rappelons aussi que le 20 septembre 2016, un « comité palestinien de solidarité avec le peuple sahraoui » a été créé dans la bande de Gaza comprenant des activistes du Front populaire de libération de la Palestine( FPLP de Georges Habache), basé à Damas et soutenu par le régime syrien et les mollahs iraniens. Un comité né pour servir la guerre menée par l'Algérie, l'Iran et la Syrie contre les intérêts du Maroc en tissant l'amalgame entre la cause palestinienne et celle -soi-disant- du « peuple sahraoui ». Nasser Bourita soulignera, preuves à l'appui qu' « une commission de soutien aux sahraouis a été formée au Liban avec le soutien du Hezbollah, et lors de cette même année (2016) un responsable du mouvement chiite a visité Tindouf » en ajoutant que le Maroc a auparavant « arrêté un certain nombre de personnes » impliquées dans « cette relation qui menace le pays ». Parmi les preuves invoquées aussi par le ministre, des informations selon lesquelles un diplomate à l'ambassade d'Iran en Algérie a facilité des rencontres entre des responsables du Polisario et du Hezbollah. «Le Maroc dispose de preuves irréfutables, de noms et de faits précis qui attestent du soutien du Hezbollah au Polisario afin de porter atteinte aux intérêts suprêmes du Royaume» annonce le ministre des Affaires étrangères. D'autant plus que des « informations » selon lesquelles le polisario creusait des tunnels à proximité du dispositif de défense marocain, sous l'égide d'experts du Hezbollah. La décision du Maroc n'est donc qu'une réponse appropriée aux agissements iraniens en faveur du Polisario à travers le Hezbollah A-t-on besoin d'un « ami » qu'on ne doit pas quitter de l'œil ? Embarqué dans une succession de « montagnes russes » avec l'Iran, le Maroc a toujours été vigilant quant à l'axe Algérie-Iran-Liban, terreau du Hezbollah. Les preuves des mauvaises intentions ne tardent pas à pointer à l'horizon , sur la circulation d'armes entre les trois pays. Force est de rappeler que l'élément déclencheur d'une ultime crise remonte au 12 mars 2017 à l'arrestation du dénommé Qassem Mohamed Tajeddine, haut dirigeant et argentier du Hezbollah en Afrique, à son arrivée à l'aéroport Mohammed V de Casablanca. Celui-ci était recherché par les Etats-Unis pour blanchiment d'argent et terrorisme. Depuis, le Hezbollah menaçait de laver l'outrage. Par ailleurs, à la décision du Maroc de rompre tout rapport, l'organisation chiite de Hassan Nasrallah n'a pas trouvé de meilleure réponse que cette entourloupette : «Il est regrettable que le Maroc, suite aux pressions des Etats-Unis, d'Israël et de l'Arabie saoudite, porte ces accusations sans fondements», a-t-il déclaré . Or le ministère des Affaires étrangères brandit des preuves, des noms et des dates à la face de ceux qui peuvent prétendre que la main de l'Arabie saoudite est derrière la résolution prise par le Maroc. Faut-il rappeler que malgré le rétablissement des relations diplomatiques avec l'Iran en 2016, cela n'a pas empêché le Royaume de contribuer à la sécurité et la stabilité des pays du Golfe Arabe qu'il considère comme indissociables de sa sécurité ? C'est un secret de polichinelle que le Hezbollah constitue l'instrument et l'agent principal de l'Iran dans le monde arabe et qu'il exécute, à la lettre, la stratégie du pouvoir iranien dont le jeu de puissance – nucléaire notamment – constitue une menace réelle pour les Etats et les peuples arabes de la région. Sans parler des ambitions affichées des Mollahs iraniens de semer le chaos dans l'Afrique du Nord. Pour ce faire, tous les moyens sont bons pour importer ou nourrir la déstabilisation dans la région, oubliant paradoxalement que le Maroc reste ferme et catégorique, et surtout prêt à sortir ses crocs dès qu'on touche à son intégrité territoriale qu'il défendra contre vents et marées.