Peu connu en France parce qu'il a occupé plusieurs fonctions diplomatiques, Michel Barnier, un cacique de la droite, a été nommé, jeudi, en fin de matinée, nouveau Premier ministre. « Le Président de la République a nommé Monsieur Michel Barnier Premier ministre. Il l'a chargé de constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français », lit-on dans un communiqué de l'Elysée. Tant attendue en France puisque le pays est expédié aux affaires courantes depuis presque 60 jours après la démission du gouvernement Attal, cette nomination, précise l'Elysée, « intervient après un cycle inédit de consultations au cours duquel, conformément à son devoir constitutionnel, le Président s'est assuré que le Premier ministre et le gouvernement à venir réuniraient les conditions pour être les plus stables possibles et se donner les chances de rassembler le plus largement ». En effet, le palais de l'Elysée a vécu un véritable marathon depuis le 23 août dernier. Entre les jeux olympiques et paralympiques, les commémorations du 80ème anniversaire des débarquements et l'agenda international, le président Emmanuel Macron a multiplié les consultations auprès du camp de la gauche, comme celui de la droite et pris le pouls des pontes du régime comme d'anciens présidents de la République, des chefs d'entreprises ou des commis de l'Etat pour trouver la perle rare à Matignon. L'exercice était une gageure, puisque pour la première fois dans la vie de la Vème République, des élections législatives n'ont donné lieu à aucune majorité à l'Assemblée nationale. Rappelons au passage que la France a vécu cet épisode inédit de son histoire politique après que le président Macron a convoqué des législatives anticipées suite à la victoire du parti de l'extrême droite (le Rassemblement national) aux élections européennes de juin dernier. Le chef de l'Etat voulait, selon ses dires, mettre les Français devant leurs responsabilités face à la montée de l'extrême droite. Résultat des courses, les urnes ont été capricieuses et donné lieu à un paysage politique hétéroclite rendant difficile la nomination d'un gouvernement dans des délais raisonnables. Lire aussi : La France franchit le cap des cinquante jours sans Premier ministre L'ancien négociateur de l'Union européenne pour le Brexit nommé aujourd'hui à la tête de l'exécutif français aura pour première tâche de former un gouvernement homogène qui résisterait à une tempête immédiate à l'Assemblée nationale. Son premier crash test sera le budget 2025 qui doit être présenté aux députés le 1er octobre et qui devra refléter les espoirs des Français quant au coût de la vie, le système de santé, la fiscalité etc... Paris est également attendue de pied ferme par la Commission Européenne pour son déficit public excessif. La France devra présenter dans les semaines qui viennent son plan de redressement pour baisser son déficit public à moins de 3 % contre 5,5 % atteint en 2023. Agé de 73 ans, Michel Barnier est un vieux routier de la politique qu'il a commencé à 22 ans comme le plus jeune conseiller général de France. Il a été président du Conseil départemental de Savoie. Quatre fois ministre (environnement, affaires européennes, affaires étrangères, puis agriculture 2007), Barnier connaît bien les arcanes de Bruxelles pour avoir été deux fois commissaire européen, puis eurodéputé. Il s'est rendu célèbre en 2016 en négociant pour l'Union européenne son divorce avec la Grande Bretagne (Brexit). Sa nomination, ce jeudi, a suscité des réactions mitigées auprès de la classe politique. Alors qu'elle a été bien accueillie à droite, l'arrivée de M. Barnier à Matignon a provoqué l'ire de la coalition de gauche qui continue à revendiquer le poste en clamant sa position de première force politique du pays. Quant à l'extrême droite, elle adopte la posture du wait and see et préfère, selon les propos de son président Jordan Bardella, "juger sur pièces son discours de politique générale, ses arbitrages budgétaires et son action".