Par Hassan Alaoui Quelle signification l'accord maroco-russe sur l'industrie nucléaire, annoncé jeudi 13 octobre, et le déploiement par le gouvernement de Moscou de la carte complète du Maroc comprenant son Sahara , prennent-ils ? Pourquoi, une telle nouvelle approche dans le contexte régional, alors que le Maroc a pris part au vote de l'Assemblée générale des Nations unies condamnant l'annexion par la Russie des quatre territoires du Dombas ? C'est une partie de poker singulier qui est en train de se jouer sous nos yeux et dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle relève de la Reapolitik. Voici donc dans le jeu la Russie, la France, l'Algérie et indirectement mais sûrement le Maroc. L'accord nucléaire annoncé par l'agence officielle russe TASS jeudi 13 octobre sur un accord pour le développement par le Maroc de l'industrie nucléaire civile ne nous a pas seulement étonnés, du coup mais pris de court. Encore que son existence formelle remonte à 2017, lorsque les premières discussions entre Moscou et Rabat avaient été lancées et la feuille de route programmée. Qu'annonce de sa concrétisation soit rendue officielle à présent par le gouvernement russe lui-même nous donne la mesure que ce dernier accorde à la coopération avec le Maroc et, au-delà, à un changement de perspective, même timide de sa diplomatie. Jusqu'à nouvel ordre, la Russie est toujours l'alliée privilégiée du régime algérien, politique, idéologique, stratégique, militaire et économique. Les deux pays sont d'autant plus liés que pas même, comme on dit « un mince papier à cigarette » ne peut les séparer. Alger, dans sa volonté maladive de détruire le Royaume du Maroc, achète des armes à la Russie en très grandes quantités depuis les années soixante, chaque fois plus puissantes et redoutables. Cette année, elle a payé la bagatelle de pas moins de 7 Milliards de dollars pour acquérir les dernières nouveautés et bombant le torse les exposer au défilé du 1er novembre dernier. L'argent faramineux que le gouvernement algérien dépense est, bien entendu, tiré des recettes des ventes du pétrole et du gaz, au détriment des besoins chaque jour plus urgents et élevés du peuple algérien, soumis quant à lui à des pénuries démentielles en sucre, en huile de table, en lait, en légumes et autres produits de première nécessité. Le choix aveugle de privilégier l'acquisition d'armes au lieu de financer les produits qui manquent aux ménages et aux familles, nous dit l'aberration d'un régime obsédé par la puissance et nourri d'arrogance. Jusqu'à nouvel ordre la junte d'Alger n'a pas réagi au contrat annoncé entre la Russie et le Maroc pour développer l'industrie nucléaire. Il n'a pipé mot, et l'on comprend qu'elle est tétanisée et prisonnière à la fois du principe dévoyé de fidélité – la sienne – à son alliée, la Russie qui ne s'encombre d'aucun complexe... Sauf que, mis à mal, en plein désarroi le gouvernement algérien préfère déplacer le débat, comme à son habitude, pour « dénoncer » l'autre proposition d'accord sur le même volet du Maroc avec Israël. Une incroyable hypocrisie, une imposture faite de mensonges que tout le monde dénonce. Oui, Alger se croit autorisée à dénoncer avec quelle vigueur l'accord entre Israël et le Maroc, puis met une sourdine à celui annoncé entre le Maroc et la Russie... La Russie a-t-elle expliqué pourquoi elle a ainsi subitement choisi de coopérer avec le Royaume du Maroc ? Si aucune explication n'a été donnée à ce sujet, on peut avancer, en revanche, deux ou trois hypothèses de travail pour nous éclairer. Le gouvernement algérien s'est rapproché ces derniers mois de la France au point de se sacrifier dans un exercice inverse de repentance, autrement dit c'est Alger qui se résigne et finit par se conformer au refus de Paris de le faire. Abdelmajid Tebboune accueille à bras ouverts en juillet le président Emmanuel Macron , lequel envoie quelques semaines plus tard sa Première ministre, Mme Borne à la tête d'une délégation de 17 ministres et conseillers. Cette visite concrétise un marché de troc , autrement dit de dupes, de gaz algérien contre des visas français. Tout le monde l'aura compris, et il n'est pas jusqu'au peuple français lui-même qui n'ait saisi cette crapuleuse marchandisation. Il convient de souligner que le rapprochement de la France avec l'Algérie n'est pas, semble-t-il, du goût de la Russie de Poutine. Pourquoi ? Tout simplement parce ce dernier, qui est en plein escalade en Ukraine, trouve en face de lui un « adversaire » acharné en la personne d'Emmanuel Macron, constamment en première ligne et qui, de surcroît, se prévaut de fournir armes et diplomatie de soutien à l'Ukraine, notamment les fameux canons de dernière génération Caeser ayant servi récemment à l'armée ukrainienne contre les troupes russes. Le président Poutine a coupé net les livraisons de gaz à l'Europe. Mais voilà que Tebboune, dans son avidité, prend sur lui de fournir le gaz algérien à cette même France que le président russe se jure de punir et qui n'apprécie guère cette hypocrisie, disons cette entorse à la règle commune « de solidarité » russo-algérienne. Tebboune qui veut jouer dans la Cour des grands n'a pas compris qu'en promettant à Macron de lui livrer le gaz dont la France a fortement besoin, il s'expose à une colère de la Russie qui se voit pour ainsi dire trahie, elle qui fournit armes et soutien à l'Algérie. Le Maroc a pris part au vote de l'Assemblée générale des Nations unies pour dénoncer l'annexion par la Russie des quatre provinces du Dombas, tout cela en dépit de ce qu'on peut considérer comme un assouplissement russe à son égard du et à quelques jours de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU qui devrait nous fixer sur le dossier du Sahara marocain. Et qui suscite non pas des inquiétudes mais des interrogations...