La réception du chef des séparatistes du Polisario à Tunis constitue une "violation totale" des règles du forum de coopération Japon-Afrique (TICAD), souligne, samedi, le politologue Mustapha Tossa. S'il y a une question cruciale qui s'impose à tous les Tunisiens est la suivante : que va gagner le président Kaïs Saied après avoir déroulé le tapis rouge au chef des séparatistes du Polisario à l'aéroport de Tunis ?, s'interroge le politologue dans une analyse publiée sur le site Atlasinfo. "Rien si ce n'est la gratitude sonnante et trébuchante du régime algérien qui voit dans cette instrumentalisation désespérée une manière de tenter de sortir la tête du goulot", relève-t-il, ajoutant que le "très rapide" communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères s'est avéré d'une "grande pertinence" en faisant le distinguo entre les attitudes et les agendas du chef de l'Etat tunisien et les "solides" amitiés et admirations réciproques qu'entretiennent depuis des décennies les deux peuples marocain et tunisien. Avant d'être une affaire marocaine qui nécessite une réaction ferme et un traitement sans concessions, "la réception du chef des séparatistes du Polisario à Tunis est avant tout une affaire tunisienne, et en violation totale des règles" du TICAD, soutient-il. En recevant le chef des séparatistes, le président tunisien "s'est attaqué à l'héritage diplomatique d'une Tunisie connue pour la rationalité de ses choix, la modération de ses démarches et de ses convictions", relève le politologue. Il l'a fait en toute connaissance de cause et des conséquences, fait valoir M. Tossa, soulignant qu'il s'agit d'une "provocation" dont le but manifeste est de "choquer les opinions et tenter de faire croire aux chimères des séparatistes". Et sauf ignorance des us et coutumes diplomatiques, Kaïs Saied savait qu'un tel comportement allait provoquer l'ire du Maroc, voire l'escalade vers une certaine rupture et que le Royaume n'allait pas rester les bras croisés devant une telle « agression diplomatique", renchérit le politologue. Et de poursuivre que contre la volonté du pays partenaire principal de ce sommet, le Japon, contre le principe adopté dans les anciens sommets similaires où le Polisario, non reconnu par les Nations unies comme un Etat n'était jamais invité, Kaïs Saied a préféré passer outre et réaliser "ce coup de force sur commande d'Alger". La démarche de Kaïs Saied rappelle étrangement celle d'un autre « fidèle des militaires d'Alger », l'islamiste radical Rached Ghannouchi, aujourd'hui poursuivi pour terrorisme, quand il avait proposé de construire un Maghreb uni sans le Maroc, rappelle M. Tossa. Depuis bien avant ce tournant, relève-t-on, la Tunisie de Kaïs Saied a montré quelques signes d'animosité à l'égard du Maroc. "L'intimité du président tunisien avec le régime algérien et son abstention lors du vote sur le Sahara au Conseil de sécurité de l'ONU ont déjà été perçues comme des démarches hostiles à l'égard du Maroc. Rabat espérait un retour rapide à la raison. Mais ce qui arrive est une escalade dans l'hostilité contre le Maroc", fait-il observer. Aux yeux du politologue, le président tunisien est d'autant plus perdant dans cette affaire qu'il a rejoint le cercle très restreint des soutiens du Polisario à un moment « historique où les vents de l'histoire et de la diplomatie sont favorables à l'option d'autonomie proposée par le Maroc ». M. Tossa souligne par ailleurs que le Maroc dispose de suffisamment de cartes et d'amitiés pour faire sentir au régime tunisien la « lourdeur de la faute » qu'il vient de commettre et la « gravité » de ses choix même si ces derniers n'ont aucune chance de changer quoi que ce soit dans la balance des équilibres régionaux et internationaux. « Kaïs Saied a perdu le Maroc et gagné la honte d'appartenir au club très restreint des fossoyeurs de l'unité et de la prospérité maghrébine", conclut le politologue.