Casablanca Finance City : BANK OF AFRICA renforce sa présence avec une nouvelle succursale    Glovo Maroc : dans les coulisses de l'innovation    Participations de l'Etat : les grands comptes rapportent 111 MMDH en dix ans    Clinique Internationale de Dakhla : Akdital inaugure un nouveau centre de santé dans le Sud    Michaël Gregorio présente « L'Odyssée de la Voix » au Théâtre Mohammed V de Rabat    Le Royaume s'emploie avec succès à consacrer l'évidence d'une réalité tangible et d'une vérité irrévocable    Séisme d'Al-Haouz : 63.766 familles bénéficiaires de l'aide financière mensuelle jusqu'au 25 octobre dernier (M. Baitas)    Une nouvelle ère pour l'Afrique    Salmane Belayachi reconduit à la tête du CRI Casablanca-Settat    L'Iran à l'heure de la contestation féminine    Anniversaire de la Marche Verte Le PPS exprime sa haute appréciation pour les contenus forts du discours Royal    Le PSG et Hakimi s'inclinent devant l'Atlético    Au musée des Légendes à Madrid, Yassine Bounou dans la cour des grands    Aménagement du territoire et justice spatiale au Maroc    Abdellatif Hammouchi préside la délégation du Maroc à la 92e session de l'Assemblée générale d'Interpol à Glasgow    Des shows de drones illuminent la place Al-Mechouar à Laâyoune    Des festivités empreintes de liesse    Présidentielle américaine : une élection à 15 Md$    La CNOPS et la CNSS fusionnent officiellement, les syndicats dubitatifs    British pedophile dies in Moroccan Prison    EU seeks migration pact with Morocco after CJEU rulings    Morocco elected vice president of Interpol for Africa    Lancement de la campagne nationale de prévention contre la grippe et les infections respiratoires aigües 2024-2025    Maroc : approbation des chiffres officiels de la population marocaine    Réélection de Trump : les partenariats marocains à l'épreuve de la guerre économique sino-américaine    Diaz et Masina de retour, l'heure de Ziyech a-t-elle sonné ?    Davies et Trent Arnold dans le viseur, ça se complique pour Hakimi !    FIFM 2024 : Luca Guadagnino remplace Thomas Vinterberg à la tête du jury    A vélo, Khalid Aboubi met en lumière l'Histoire des rues de Marrakech    Le mastodonte financier AFD va désormais investir au Sahara, affirme son DG    Le groupe AFD va désormais investir au Sahara marocain    Présidentielle américaine: Kamala Harris concède la défaite face à Trump    Bilan Semestriel des OPCI 2024 : Analyse et Perspectives du Marché Immobilier au Maroc    Cours des devises du jeudi 7 novembre 2024    Casablanca : Exposition photographique célébrant la Marche Verte    Incendie sur l'avenue des FAR à Casablanca : un étage d'un immeuble ravagé par les flammes [Vidéo]    Premier Atelier Régional de Soins Palliatifs Pédiatriques : Un Rendez-vous Inédit à Rabat    Sahara : L'Algérie impose des sanctions économiques à la France    Anniversaire de Hakimi: Respect...Ssi Achraf !    FIBA Afro Basket 2025 : La FIBA offre une seconde chance au Maroc, déjà éliminé !    LDC. J4 (fin): Le PSG provisoirement éliminé !    Liga: le match Valence-Espanyol Barcelone reporté en raison des inondations    21e Festival international du film de Marrakech : 70 films de 32 pays en compétition    Emirats arabes unis : Le Maroc, invité d'honneur au Salon international du livre de Sharjah    Présidentielle américaine: Trump promet un «âge d'or» pour son pays    Présidentielle américaine : SM le Roi adresse un message de félicitations à Donald Trump    Donald Trump remercie les Américains de l'avoir élu 47e président des Etats-Unis    IFM : Les Rendez-vous de la Philosophie célèbrent 10 ans d'existence    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'expression de la violence à l'encontre des femmes dans la littérature marocaine de langue française
Publié dans Maroc Diplomatique le 14 - 12 - 2021

Les écrivains marocains, porte-paroles des lèvres muettes
« Qu'était-elle, sinon une femme dont le seigneur pouvait cadenasser les cuisses et sur laquelle il avait droit de vie et de mort ? Elle avait toujours habité des maisons à portes barricadées et fenêtres grillagées. »[1] Dénonçait Driss Chraïbi, dans le premier roman, Le Passé simple, publié sous le protectorat, en 1954,récit qui va lever le voile sur une société hautement patriarcale, gangrénée par les tabous et où la femme subissait diverses formes de violence. De la violence symbolique à la violence physique en passant la violence sexuelle qui n'était pas considérée comme telle, car devenue pratique « légale » dans les coutumes et l'imaginaire collectif.
Pour Abdelhak Serhane, le père est juste un tyran, un despote. Dans son récit autobiographique : L'Homme qui descend des montagnes, paru en 2009, chez seuil, décrit dans son agressivité, sa discrimination, il incarne la domination masculine et le patriarcat dans son expression la plus humiliante : « Ma mère disait entre deux sanglots ou deux soupirs que son bassin était écrasé, son ventre corrodé, ses hanches laminées, et qu'elle cherche à avoir la paix (...) L'abstinence ? »[2]
La nouvelle génération des écrivains marocains de langue française continuent à rapporter le calvaire quotidien des femmes et raconter une violence qui s'exerce dans la société marocaine et même, hors frontières, dans la communauté marocaine immigrée de la diaspora. L'Insoumise de la rue de Flandre, est le roman de Fouad Laroui dont l'intrigue se déroule en Belgique. Un roman féministe et militant où la femme auparavant écrasée, soumise aux dictats de la société finit par s'insurger pour réclamer sa liberté et son émancipation. Tout comme le roman de Mahi Binebine : la rue de pardon, qui est un manifeste féministe de réhabilitation des femmes artistes, déshonorées, humiliées, privées du statut de femme respectable à cause d'un métier jugé illégal, prohibé, tout en étant... fréquentées ! Hypocrisie et schizophrénie !
En 2019, Ahmed Boukous est le lauréat du prix Grand Atlas pour son roman : Rhapsodies de Tanit la captive. Un roman plaidoyer pour la liberté des femmes et réquisitoire des idées rétrogrades qui inhibent et discriminent la femme.
Les écrivaines marocaines, la prise de parole
Dans une poussée de rage, la militante Fatima Mernissi fustigeait dans son premier essai, Le Maroc raconté par ses femmes publié en 1984, le conservatisme qui sclérose la société et l'empêche de décoller, en s'attaquant à un des piliers de l'ossature de la famille marocaine, à savoir le code du statut de la famille : « je suis née exactement à 500 mètres de l'université Quaraouiyne. On ne peut pas être mieux placé pour bénéficier du patrimoine et de ses avantages. Et bien, je suis née là et j'ai été élevée par des femmes analphabètes, enfermées, non seulement physiquement, mais mutilées intellectuellement au nom de l'honneur et du modèle de l'idéal féminin qui animait la bourgeoisie masculine qui, elle, baignait dans ce patrimoine jusqu'à s'y noyer. »[3]
La polygamie figure parmi les formes de violences très présentes dans la littérature marocaine de langue française. Sous prétexte que la religion autorisait à l'homme de se marier à quatre femmes, le mari usait d'une autorité absolue, dans une totale indifférence des sentiments, des émotions ou des répercussions psychiques, physiques et autres sur la première épouse.
→ Lire aussi : La Sûreté nationale résolument engagée contre les violences faites aux femmes
Dans Rêves de femmes : une enfance au harem, premier récit autobiographique de Fatima Mernissi, la sociologue et écrivaine met en exergue une héroïne, brisée par la répudiation, un autre fléau de la société marocaine, à l'époque. Son récit de vie est l'occasion pour elle de dénoncer des injustices envers les femmes. Tante Habiba est une épouse répudiée, un peu comme ces condamnés aux motifs secrets. Sur un coup de tête, elle est répudiée. Et du jour au lendemain, l'épouse se trouve dans une totale précarité, une autre forme de violence à son encontre : « Tante Habiba qui a été répudiée et renvoyée sans aucune raison par son mari (...) Tante Habiba a pleuré pendant des années. »[4] Dénonçait la pionnière et féministe marocaine Fatima Mernissi, dès l'incipit de son récit
Siham Benchekroun nous présentait dans son recueil de nouvelles : Amoureuses, publié 2012 le type de femmes marocaines qui ont inhalé la supériorité de l'homme comme Etat indiscutable. Analphabètes, superstitieuses, barricadées, ces femmes ont la soumission comme seconde peau. « Vassale » est une Nouvelle qui met en exergue ce type de violence qui place le mari comme le chef suprême qui a droit de vie ou de mort sur son épouse.
En 2000, le roman : Ni Fleurs ni couronnes, écrit par Souad Bahéchar relate une des violences les plus insoutenables à travers la condamnation, le rejet et la maltraitance d'un bébé, née de sexe féminin. Ce livre primé en 2001 du prix littéraire Grand Atlas traduit la misogynie et la barbarie d'une société qui privilégie avec orgueil et légalité la suprématie du sexe masculin.
Dans La Domination masculine, Pierre Bourdieu explique que : « rappeler que ce qui dans l'histoire apparait comme éternel n'est que le produit d'un travail d'éternisation qui incombe à des institutions (interconnectées) telles que la famille, l'Eglise, « La mosquée » l'Etat, l'école.» (Pierre Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Seuil, 1998).
Dans le jardin de l'ogre, 2014, premier roman de la romancière franco-marocaine Leila Slimani est la relation d'une pathologie, la nymphomanie, séquelle d'oppression millénaire et brutale sur la sexualité des femmes.
Primé par le prix Orange pour livre africain en 2021, le roman de Loubna Serraj : Pour vu qu'il soit de bonne humeur, brosse le tableau d'une violence entêtée qui traverse les générations, héritage funeste d'une discrimination aux racines tentaculaires et solidement ancrées. La violence qui est dans le couple de la grand –mère se voit se perpétuer chez la petite-fille. Réquisitoire d'une situation qui semble sans issue.
En 2021, Une Femme au pays des fouqaha, l'appel du houdhoud, essai et récit autobiographique écrit par Nouzha Guessous nous plonge dans les moments décisifs de l'élaboration du nouveau statut de la famille, la Moudawana de 2004. Des débats houleux entre les tenants du courant réformiste et les gardiens du temple, agrippés à garder la femme sous tutelle permanente et criant à la débauche et à la décadence au moindre demande de droit.
Dans le Monde arabe au féminin, en 1985, Ghita El Khayat, psychiatre et écrivaine marocaine écrivait : « Le rapport des femmes à l'écriture est le problème frontal de leurs luttes. Et les femmes, peuple sans écriture sont absentes de l'Histoire à cause de cela, et sont entrées dans la lutte, diminuées par cette infirmité à manier la langue, l'écrit et la pensée (...) Il y a nécessité historique, tactique et politique à ce que les femmes lisent et soient lues. »[5] La prise de parole des femmes se fait dorénavant à travers l'écriture qui est à la fois espace de création et tribune de lutte pour les droits et contre la violence.
Le combat contre les violences faites aux femmes devrait mobiliser toutes les forces, et la littérature est un des espaces susceptibles d'initier des changements dans les mentalités et les comportements. La lutte est rude et se fait à travers l'univers fictionnel comme relai majeur dans la société en vue de sensibiliser, mobiliser et créer de nouvelles visions et une nouvelle culture d'égalité, de droit et de justice.
La violence psychologique est : « Toute agression verbale, contrainte, menace, négligence ou privation, soit pour porter atteinte à la dignité de la femme, sa liberté et sa tranquillité, soit pour l'intimider ou la terroriser. »[6] Elle a une grande prévalence dans société marocaine avec le taux le plus élevé (47,9%), selon La Fédération des ligues des droits des femmes, chiffre révélés lors d'une conférence en 2020, suivie par les violences économiques (26,9%) et les violences physiques (15,2%).
En 2018, la loi 103- 13 est votée. C'est une avancée majeure en matière des droits des femmes au Maroc. Elle vise à assurer une protection juridique aux femmes victimes de violences de toutes sortes en vue d'assurer la prévention, la protection, la lutte contre l'impunité et à une prise en charge de qualité. La loi 103-13 contre la violence à l'égard des femmes est entrée en vigueur en 2018 et son application en 2019.
« La violence psychologique est sanctionnée par la loi, porter plainte est donc un droit ! »
Telle est la thématique portée par ONU femme Maroc à l'occasion de la campagne mondiale des 16 jours d ́activisme contre la violence basée sur le genre du 25 novembre et le 10 décembre 2021.
[1] Driss Chraïbi, Le passé simple, Paris, Seuil, 1954, p.43.
[2] Abdelhak Serhane, L'Homme qui descend des montagnes, Paris, Seuil, 2009, p. 130.
[3] Fatma Mernissi, Le Maroc raconté par ses femmes, Rabat, SMER, 1984, p. 25.
[4] Fatima Mernissi, Rêves de femmes, une enfance au harem, Paris, Albin Michel, 1996, p. 7.
[5] Ghita El Khayat, Le monde Arabe au féminin, Casablanca, EDDIF, 1985, pp. 306- 307
[6]Dahir n° 1-18-19 du 5 joumada II 1439 (22 février 2018) portant promulgation de la loi n° 103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes, Chapitre premier : Définitions Article premier, p. 3.
Dr. langue et littérature française*


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.