A l'instar des crises majeures avec leur lot de défis et d'opportunités à saisir, la pandémie du nouveau coronavirus a chamboulé l'économie mondiale, entrainant, selon l'ONU, un effet « dévastateur » sur le marché du travail et perturbant les perspectives d'emploi, tout en précipitant la transition vers ce qu'appelle le Forum économique mondial (WEF) comme une «quatrième révolution industrielle» nécessitant d'importants efforts de reconversion pour préserver les emplois. Dans son dernier état des lieux des effets de la pandémie sur le monde du travail, l'Organisation internationale du Travail (OIT) fait état d'une baisse massive des revenus du travail et des « fossés » en matière de relance budgétaire qui menacent d'accroître l'inégalité entre les pays riches et les pays pauvres. Dans des déclarations adressées la semaine dernière aux assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, le directeur général de l'OIT, Guy Ryder, a mis en garde contre les effets profonds et durables de la crise de Covid-19 sur l'économie mondiale et les conditions de vie dans le contexte des transformations globales déjà en cours en raison de l'automatisation, de la géopolitique, du vieillissement de la population, de la migration et du changement climatique. «Dans la prochaine décennie et dans de nombreux pays, la conjonction des pressions à la fois d'ordre structurel et de celles liées à la crise pourrait engendrer une véritable tempête constituée de défis en matière d'emploi, de revenus des ménages et d'autres éléments liés à la sécurité des personnes. Il s'agit là des facteurs déterminants ultimes pour la confiance des consommateurs et des investisseurs en matière de demande, de croissance économique et de développement», poursuit M. Ryder. Pour l'OIT, «l'économie mondiale a besoin de trouver un nouveau moteur, ou au moins un moteur supplémentaire de reprise économique», faisant référence « aux fondements essentiels du progrès économique et social: des emplois largement disponibles pour tous, la possibilité de développer ses compétences, des conditions décentes de travail, des entreprises durables, une protection sociale adéquate et une plus grande égalité entre les genres ». Dans une étude publié mercredi, le Forum économique mondial relève que le tournant numérique a été accentué par le coronavirus. Le Forum estime que la révolution numérique va nécessiter d'importants efforts de reconversion pour préserver l'emploi, notant que près de la moitié des salariés vont devoir mettre à niveau leurs compétences. La pandémie de Covid-19 a accéléré les mutations du monde du travail déjà à l'œuvre, selon ce rapport, précisant que près de 50% des travailleurs qui conserveront leur poste au cours des cinq prochaines années auront besoin d'une reconversion. «Ce qui était considéré comme ‹l›avenir du travail' est déjà arrivé», affirment les auteurs de ce rapport dans un communiqué, soulignant que la récession déclenchée par la crise sanitaire «a provoqué un changement du marché du travail plus rapide que prévu». D'ici 2025, l'automatisation et la nouvelle répartition du travail entre les humains et les machines risque de perturber quelque 85 millions d'emplois au niveau mondial, touchant en particulier les tâches appelées à évoluer avec les changements technologiques, telles que la saisie de données, la comptabilité et le soutien administratif. Mais les nouvelles technologies vont également faire émerger quelque 97 millions de nouveaux postes, entre autres dans des secteurs tels que les soins à la personne, les entreprises liées à cette quatrième révolution industrielle, notamment dans des domaines tels que l'intelligence artificielle, ou encore dans la création de contenus. Selon ce rapport, 43% des entreprises interrogées s'attendent à réduire leurs effectifs en raison de ces nouvelles technologies, 41% prévoient de recourir à davantage de sous-traitants tandis que 34% prévoient au contraire de recruter avec ces mutations technologiques. Cette tendance vers la reconversion repose déjà sur un socle fragilisé. Pour Saadia Zahidi, directrice générale au Forum économique mondial, « l'accélération de l'automatisation et les retombées de la récession entraînée par le Covid-19 ont aggravé les inégalités existantes sur les marchés du travail et annulé les progrès en matière d'emploi réalisés depuis la crise financière mondiale de 2007-2008″. « C'est un scénario de double perturbation qui présente un autre obstacle pour les travailleurs en cette période difficile », écrit-elle en ouverture de son rapport. Le rapport indique que plus de 80 % des hauts dirigeants d'entreprise mondiale disent accélérer la numérisation des processus de travail et le déploiement de nouvelles technologies. Et 50 % prévoient d'accroître le rythme d'automatisation de certains rôles ou fonctions. «À l'avenir, nous verrons que les entreprises les plus compétitives seront celles ayant investi massivement dans leur capital humain, les qualifications et les compétences de leurs employés», a affirmé Mme Zahidi. ( Avec MAP )