Une catégorie de médicaments largement utilisés pour traiter l'hypertension depuis plus de 70 ans, à savoir les inhibiteurs calciques de type L (LCCB), peuvent nuire au cœur, soutient Mohamed Trebak, professeur de physiologie cellulaire et moléculaire à l'université américaine de Penn State et co-auteur d'une étude scientifique sur le sujet. En effet, l'équipe dirigée par le professeur Trebak au niveau du laboratoire de recherche de Penn State a découvert que chez les rats et les cellules humaines in vitro, les médicaments LCCB provoquent des modifications des vaisseaux sanguins – appelées remodelage vasculaire – qui réduisent le flux du sang et augmentent la pression. En examinant les données épidémiologiques, l'équipe de recherche a également constaté que les LCCB sont associés à un risque plus élevé d'insuffisance cardiaque. Par conséquent, leurs conclusions suggèrent que des précautions doivent être prises lors de la prescription de ces médicaments aux patients, en particulier aux personnes âgées et aux personnes souffrant d'hypertension avancée. Le professeur Trebak explique, dans un entretien à la MAP, que les LCCB sont utilisés pour bloquer l'entrée du calcium dans les cellules musculaires lisses et permettre aux vaisseaux sanguins de se relaxer, stoppant ainsi l'hypertension artérielle. « Notre équipe a découvert que durant la phase chronique de l'hypertension artérielle, il y a une nouvelle famille de canaux calciques (de type: STIM/ORAI) qui apparaissent sur la surface des cellules musculaires lisses. De surcroit, on a découvert que les LCCB activent ces nouveaux canaux STIM/ORAI causant une augmentation des flux calciques dans les cellules musculaires lisses, et menant ainsi à une exacerbation de la pression artérielle par un nouvel mécanisme moléculaire, jusqu'à présent inconnu », relève-t-il. Par conséquent, les LCCB qui sont sensés réduire la pression artérielle en bloquant les canaux calciques de type L, activent de nouveaux canaux calciques de type STIM/ORAI et exacerbent l'hypertension, note l'expert marocain. De ce fait, l'étude réalisée sous la direction du professeur Mohamed Trebak suggère que les patients qui sont âgés ou déjà souffrant d'un remodelage cardiovasculaire ont intérêt à éviter les LCCB, car « ces médicaments peuvent causer plus de mal que de bien chez cette catégorie ». M. Trebak estime, par conséquent, que les médecins devront aborder le traitement de l'hypertension en tenant compte des résultats de cette étude sponsorisée notamment par l'Institut national américain des sciences médicales générales, l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses, et le département américain de la Défense, et dont les résultats ont été publiés récemment dans les registres de l'Académie nationale américaine des sciences. En outre, l'équipe de recherche dirigée par le professeur Trebak a examiné les données épidémiologiques de la base de données clinique de Penn State et a constaté que les incidences d'insuffisance cardiaque étaient significativement plus élevées chez les patients souffrant d'hypertension traités avec des LCCB que chez les patients traités avec d'autres types de médicaments contre l'hypertension artérielle. L'expert marocain rappelle également que les maladies cardiovasculaires représentent une cause majeure de mortalité dans le monde et leur prévalence continue d'augmenter, surtout dans les pays en voie développement. Ceci concerne particulièrement l'hypertension artérielle, qui, si elle n'est pas traitée, peut conduire dans la majorité des cas à des maladies cardiovasculaires comme l'insuffisance cardiaque, la rupture d'aneurisme et les accidents vasculaires cérébraux. Et de relever à cet égard que dans les milieux spécialisés, l'hypertension est surnommée « le tueur silencieux », en allusion à la fois à son aspect dangereux et méconnu du grand public, précisant que l'hypertension est définie par l'« American Heart Association » comme des pressions systolique/diastolique qui se présentent de façon consistante au-dessus de 130/80 millimètre de mercure (mm Hg). Le professeur Mohamed Trebak note aussi que malgré l'arsenal impressionnant de médicaments contre l'hypertension dont nous disposons en ce moment, il y a un nombre significatif de patients qui ne réagissent pas bien à ces médicaments, nécessitant parfois l'administration d'une dose élevée ou l'administration de deux ou plusieurs classes de médicaments pour contrôler l'hypertension, avec bien évidement l'augmentation d'effets indésirables, en autres. Ainsi, de grands efforts de recherche sont actuellement investis pour développer de nouveaux médicaments plus performants, fait-il observer, précisant dans ce cadre que si des inhibiteurs efficaces contre les nouveaux canaux calciques STIM/ORAI sont découverts, ils pourraient représenter une nouvelle classe prometteuse de médicaments contre l'hypertension. « Et c'est sur cette voie que nous avons orienté les recherches au niveau de notre laboratoire pour les prochaines années », a affirmé le professeur Trebak.