Si les changements climatiques que les scientifiques ont prédit il y a longtemps sont devenus aujourd'hui une réalité dans la plus grande partie du globe, le devenir de la planète quant à lui reste imprévisible vu l'absence d'informations exactes sur les quantités de gaz à effet de serre qui vont être émises dans les prochaines décennies, estime le physicien et climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele. (Propos recueillis par Fatima Rafouk) On peut projeter l'avenir du globe terrestre, mais on ne peut pas le prédire, car pour cela il faudrait connaître tout les facteurs susceptibles d'influencer le climat au cours des cinquante à cent prochaines années, a confié à la MAP le physicien, qui est vice-président du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), groupe ayant obtenu le prix Nobel de la paix en 2007. Le physicien qui se trouvait au Maroc pour prendre part à la "rencontre régionale: Adaptation aux changements climatiques au Maghreb : Bilan et perspectives", tenue à Casablanca les 16 et 17 mars, a expliqué que l'évolution des quantités des émissions des gaz à effet de serre, comme le CO2 et le méthane, est liée aux choix humain, politique, technique et économique qui seront faits dans les décennies à venir. Toutefois, a-t-il affirmé, malgré les incertitudes, les changements climatiques vont provoquer un réchauffement du climat à l'échelle globale, et l'ensemble du bassin méditerranéen et l'Afrique du nord vont malheureusement devenir, en moyenne, encore plus secs qu'actuellement. Cette nouvelle situation va poser des problèmes en termes de ressource en eau, d'agriculture et de sécurité alimentaire, et risque de constituer une source supplémentaire de difficultés pour la région, a poursuivi le climatologue. D'après le vice-président du GIEC, deux stratégies sont néanmoins possibles pour contrer cette situation : participer aux négociations internationales visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, dont les pays développés détiennent la part du lion, et préparer, d'autre part, les mesures d'adaptation aux changements climatiques qui se produisent et qu'on ne pourra pas limiter. Parmi ces mesures, le climatologue Belge préconise de gérer l'eau en tenant compte de la pluviométrie qui est variable selon les années, d'éviter le développement d'une agriculture dépendant exclusivement de l'irrigation dans des régions où les populations manquent déjà d'eau aujourd'hui et de préparer les infrastructures portuaires et l'ensemble des bâtiments qui longent les côtes à l'évolution progressive de l'élévation du niveau de la mer suite au réchauffement climatique. A ce propos, le professeur Jean-Pascal Van met en garde contre le danger de construire des bâtiments dans les zones inondables. "Il faut interdire de bâtir trop près de la mer et dans les zones inondables, c'est un risque à prendre en considération. Il est fort probable que des dégâts très importants se produisent en cas de fortes tempêtes ou de pluies violentes, mais il est impossible de prévoir le moment exact ou les conséquences iniques d'une éventuelle catastrophe", a-t-il averti. M. Jean-Pascal a, par la même occasion plaidé pour le renforcement de la coopération internationale en matière écologique puisque le climat ne connaît pas de frontières. "Une tonne de CO2 émise à Bruxelles, à New York, à Pékin ou à Casablanca a le même effet sur le climat mondial, d'où la nécessité d'une collaboration internationale pour que tous les pays de la planète se dégagent progressivement des combustibles fossiles dont l'usage conduit à ces émissions", a-t-il préconisé. Interrogé sur les résultats du sommet de Copenhague (Déc 2009) qualifiés d'insatisfaisants par la plupart des écologistes, le climatologue estime qu'on ne peut pas parler d'un échec complet de Copenhague puisque les chefs d'Etats et gouvernements ont conclu un accord politique affichant leur détermination pour que l'augmentation moyenne de la température ne dépasse pas 2 degrés et pour trouver de nouvelles sources de financement pour alimenter un fond d'aide destiné aux pays en développement à raison de 100 milliards de Dollars par an à l'horizon 2020. Il s'interroge, toutefois, sur la concrétisation de ces intentions et la réalisation des objectifs fixés. Il a d'autre part exprimé le souhait de voir la communauté scientifique marocaine continuer à participer aux travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui a pour mission de fournir aux décideurs et aux citoyens la meilleure information possible sur l'état des connaissances à propos des changements climatiques.