Le pr. Tariq Ramadane, docteur en islamologie, a donné, samedi soir, une conférence sur le concept de la liberté individuelle dans les pays musulmans en développant ce thème selon une démarche pédagogique interpellant l'être humain sur le sens même qu'il veut donner à son existence. Selon le conférencier, qui était l'invité de l'Association Eden Maroc des œuvres socioculturelles, l'être humain, dans sa quête de liberté, est tiraillé par les désirs et instincts que d'aucuns considèrent la satisfaction comme un accomplissement de la liberté. Or, a souligné le conférencier, la subordination de la volonté de l'être à ses désirs devient un enchaînement et une aliénation de la liberté, d'où le caractère central d'une démarche basée sur l'élévation de l'homme au dessus des instincts, d'abord par le savoir qui nourrit la raison et l'intellect, et ensuite, la purification (tazkiat) du cœur, ce qui rejoint, somme toutes, les commandements divins des religions célestes, mais aussi les enseignements de sagesse des grands courants spirituels. Dans l'exercice de sa liberté individuelle ainsi comprise et vécue, l'être humain s'impose comme impératif de se questionner sur le pourquoi de ses choix, qui doivent être raisonnés et non pas obéir aux instincts. De la sorte, il réalise le plein accomplissement de sa liberté comme l'indique la voie de l'Islam et de la sounna bénie, a-t-il poursuivi. L'autocritique et l'acceptation que les idées et opinions qu'on professe soient remises en cause doivent être le propre de l'être, dans sa quête d'épanouissement, a-t-il estimé, soulignant que cette démarche est aussi intimement liée à l'image que l'on se fait de soi et de celle qu'on veut que les autres se fassent de nous. Selon le Pr. Tariq Ramadane, le souci de l'être de se réaliser dans sa plénitude spirituelle, en harmonie avec ses convictions émanant de l'Islam ne doit pas s'embrasser de la hantise de vouloir, coûte que coûte, refléter une image plaisante à l'autre, à plus forte raison si cet autre appartient à la sphère de la civilisation occidentale dominante. Passant au registre des libertés collectives en pays musulmans, le pr. Tariq Ramadane a souligné que le propre de l'islam est d'intégrer, en son sein, la diversité d'écoles, d'interprétations et de démarches, sans pour autant se démarquer des crédos et principes fondamentaux de la religion de l'Islam, sur lesquels les différentes écoles du fiqh sont unanimes. Il a, dans ce sens, comparé la diversité dans la pratique de l'Islam à une large avenue où chacun déambule à sa guise et selon la cadence qui lui sied, pour autant qu'il ne déborde pas des limites des deux côtés. Ce faisant, l'islam s'est enrichie au cours des temps par la diversité de ses traditions, rites, confréries et écoles de pensée sans que cela ait donné lieu, durant la période faste de la civilisation islamique, à des frictions, conflits ou fractures irrémédiables. La liberté ainsi comprise et vécue renvoie à la question essentielle de la finalité et la raison d'être et d'agir de l'être humain, une question qu'il ne peut éluder, pour donner un sens à sa vie en tant que sujet et non objet de consommation, responsable de la transmission de cette ligne de conduite à ses enfants et sa famille. Docteur en islamologie (Université de Genève) et chargé de cours d'islamologie à l'Université de Fribourg (1993-2004), Tariq Ramadane est parmi la liste des 100 penseurs les plus influents dans le monde (8ème rang) en 2004 (Magazine américain Time) Il est nommé en 2008 à une chaire des études islamiques contemporaines à L'Oriental Institute de l'Université d'Oxford.