L'alliance "historique" nouée par la France et la Grande-Bretagne par la signature de traités de défense, mardi à Londres, est une réécriture de l'histoire militaire des deux plus grandes puissances européennes dans le domaine. -Hanane Berrai- Les "ex-ennemis" de la guerre des cent ans et de la guerre d'indépendance des Etats-Unis ont inauguré aujourd'hui un "nouveau chapitre dans leurs relations", une ère de coopération renforcée dans le domaine de la défense pour contrer conjointement toute menace. Le Président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron ont signé deux traités portant sur la mise en place d'un laboratoire d'essais nucléaires commun et d'une force militaire conjointe. En vertu de ces deux traités, les deux plus grandes puissances militaires de l'Europe créeront une "force expéditionnaire commune interarmées" forte de 7.000 soldats. Cette force interviendra dans des opérations extérieures bilatérales ou sous la houlette de l'OTAN, de l'ONU ou de l'Union européenne. L'Hexagone et le Royaume-Uni vont également créer un laboratoire commun à Bourgogne (France) où sera modélisée la performance de têtes nucléaires et des équipements associés. Cette structure commencera à fonctionner dès 2014 et sera totalement opérationnelle en 2022. Les traités signés stipulent également un partage entre Paris et Londres, à partir de 2020, de leurs deux porte-avions pour permettre aux avions de l'un des pays d'opérer à partir du navire de son voisin. Dictée par l'ère d'austérité, l'idée de ce rapprochement franco-britannique remonte pourtant à bien longtemps. Winston Churchill, ancien premier ministre britannique, avait proposé en 1940, que le Royaume-Uni et la France fusionnent en un seul et même pays doté d'une armée unique pour combattre les nazis, rappelle The Times. En revanche, ce partenariat historique susceptible de permettre l'épargne de centaines de millions de livres, selon M. Cameron, n'a pas que des partisans. Les Eurosceptiques, dont des membres du parti conservateur, craignent que ce partenariat ne porte atteinte à la souveraineté du Royaume-Uni. Selon un sondage publié mardi par le quotidien Financial Times, les Britanniques s'avèrent être beaucoup moins enthousiastes, que tous les pays de l'Europe, à l'idée du partage de leurs ressources militaires avec d'autres pays. Ils estiment qu'il est important pour le Royaume-Uni de conserver une forte emprise sur ses actifs nationaux de défense, indique le sondage d'opinion. Plus d'un tiers des Britanniques s'opposent au partage des ressources militaires avec un autre pays, contre seulement 13 pc des Français. Dans une tentative d'apaiser ces craintes, Cameron a souligné qu'il ne s'agira pas d'une armée européenne, et qu'il n'est nullement question de partager le pouvoir de dissuasion nucléaire du Royaume-Uni. "La Grande-Bretagne et la France sont et seront toujours des nations souveraines capables de déployer leurs forces armées de manière indépendante et dans nos intérêts nationaux quand nous décidons de le faire", a-t-il déclaré. En somme, la raison a finalement pris le dessus sur la rivalité affirmée de la France et de la Grande-Bretagne pour le leadership européen, poussant les ennemis d'hier à devenir des alliés aujourd'hui.