En dépit de sa suspension partielle par la justice, la loi controversée sur l'immigration de l'Arizona continue de nourrir un débat enfiévré sur la question migratoire aux Etats-Unis, déchirés entre le souci de garantir la sécurité de leurs villes et frontières et celui de la protection des libertés civiles et individuelles. -Par Naoufal Enhari- Une juge fédérale a, en effet, suspendu cette semaine l'entrée en vigueur des principales dispositions contestées de cette législation, adoptée en avril dernier par l'Etat de l'Arizona et décriée depuis lors par les organisations de défense des immigrés comme une loi "raciste", consacrant le profilage racial et banalisant le délit de faciès. La juge fédérale Susan Bolton a approuvé les arguments avancés par le Département de la justice, qui s'est joint à six autres plaignants dans cette affaire, selon lesquels certaines dispositions de cette loi devront être suspendues en attendant une décision de justice sur la légalité de cette législation. "Il existe une probabilité substantielle que les officiers de police vont arrêter illégalement des étrangers résidant légalement (aux Etats-Unis)" en vertu de cette nouvelle loi, entrée en vigueur jeudi, a estimé la magistrate dans son jugement. Ces dispositions, qui autorisent la police à contrôler la nationalité des personnes arrêtées sur la base d'une infraction, ont inspiré les législateurs et candidats aux postes de gouverneurs dans d'autres Etats qui veulent emboiter le pas à l'Arizona en vue de faire face aux problèmes de l'immigration illégale. Et c'est justement cette situation qui inquiète les organisations de défense des immigrés et des libertés publiques, qui y voient une consécration du profilage racial, les immigrés latino-américains étant particulièrement ciblés par ces contrôles d'identité. Les dispositions controversées de la loi de l'Arizona autorisent également les policiers à procéder à des arrestations, sans mandats d'arrêt, de personnes suspectées d'être des clandestins. Elles prévoient également de criminaliser, dans certains cas, le fait pour les immigrés de ne pas avoir des papiers d'identité en permanence sur eux.
Mais la décision de la justice de suspendre les dispositions contestées de cette loi n'a fait, en fait, que raviver le débat public et politique sur la réforme de l'immigration, un sujet sensible qui devra ponctuer la campagne électorale menant aux élections de mi-mandat de novembre prochain, dont l'issue sera décisive pour l'actuelle majorité démocrate au Congrès. Réagissant à cette décision, des milliers de personnes ont manifesté jeudi à Phoenix, en Arizona, ainsi que dans d'autres villes des Etats-Unis, contre cette loi et appelé à une réforme de l'immigration, l'une des promesses de la campagne électorale du président Barack Obama. Cette décision de justice "constitue un premier pas important", a réagi, de son côté, l'influente Association américaine de défense des libertés publiques (ACLU), estimant qu'il "reste encore un long chemin à parcours" avant de crier victoire. Et pour cause, la gouverneure républicaine de l'Arizona, Jan Brewer, qui a signé cette loi en avril dernier, a, en effet, annoncé son intention de contester la décision de la juge en interjetant appel. "Ce combat est loin d'aboutir à sa fin. Nous n'en sommes qu'au début d'une longue bataille juridique qui finira par reconnaitre le droit de l'Arizona à protéger ses citoyens", a réagi la gouverneure. Ces déclarations ainsi que le climat d'inquiétude que vivent les immigrés depuis l'adoption de cette loi, ont amené une partie des quelque 500.000 clandestins que compte l'Arizona à commencer à quitter cet Etat limitrophe du Mexique, dont le tiers de la population est né en dehors des Etats-Unis. Les autorités de l'Arizona, qui se disent dépassées par le problème de l'immigration illégale et le trafic de drogue, estiment que seule une loi sévère est à même de faire sortir leur Etat de ces problèmes, chose qui n'est pas de l'avis des associations de défense des libertés publiques. "La nouvelle loi adoptée par l'Arizona sacrifie les libertés civiles de millions de personnes vivant et travaillant dans cet Etat, et n'apporte rien de concret pour résoudre les problèmes réels que vit l'Arizona", affirme ACLU. "Le profilage racial est un grand affront aux valeurs américaines de justice et d'équité", souligne encore l'Association américaine de défense des libertés publiques, pour qui "demander leurs papiers à des personnes sur la base de leur origine raciale constitue une approche digne des Etats policiers et est de ce fait complètement inacceptable aux Etats-Unis".