Douze ans après les faits, c'est aujourd'hui, lundi, que s'ouvre le procès de Khaled Ben Saïd devant la cour d'Assises du Bas-Rhin. L'ancien vice-consul de Tunisie, en poste à Strasbourg entre 2000 et 2001, est accusé d'« actes de torture ou de barbarie » commis en 1996 à l'encontre de Zoulaikha Gharbi. Cette tunisienne, âgée de 44 ans et mère de cinq enfants, a déposé plainte le 9 mai 2001 mais le diplomate n'a jamais répondu aux convocations de la justice française. Depuis février 2002, il fait l'objet d'un mandat d'arrêt international qui n'a toujours pas abouti. Il est jugé en France par « défaut criminel » (ex-contumace) en vertu de la « compétence universelle ». [1] « On m'a déshabillée et ensuite on m'a suspendue à une barre de fer » En octobre 1996, Khaled Ben Saïd est commissaire de police à Jendouba, au nord-ouest du pays. Le 11 octobre, Zoulaikha est arrêtée chez elle puis conduite au commissariat pour un interrogatoire qui ne doit durer quelques minutes seulement. Elle y passera 22 heures. « On m'a déshabillée et ensuite on m'a suspendue à une barre de fer. C'est dans cette position qu'on m'a frappée, pincée, griffée », a expliqué la tunisienne. Le but des manœuvres : extorquer à Zoulaikha des informations sur son mari. Mouldi Gharbi, opposant au régime du président Ben Ali et appartenant au mouvement islamiste en-Nahda est en France depuis mai 1996. Il a obtenu un statut de réfugié politique et attend que sa femme et ses enfants le rejoignent. Ce qu'elle fait en 1997 mais sans oser ni faire constater ses blessures ni porter plainte dans son pays. « Quel médecin aurait accepté de témoigner contre la police ? », a-t-elle déclaré lors du procès. C'est finalement en 2001 qu'elle osera parler, soutenue par la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) et l'organisation Victimes de la torture en Tunisie. Des pratiques courantes en Tunisie Même si Khaled Ben Saïd court toujours, sa condamnation « serait un symbole fort envoyé à tous ceux qui, comme moi, craignent la police tunisienne », a déclaré Zoulaikha Gharbi. Les innombrables rapports des associations de défense des droits de l'Homme confirment les propos de la plaignante. « Il est fréquent que l'on maltraite ou torture des détenus afin d'obtenir des « aveux » ou d'autres types de déclarations, ou pour punir ou intimider », écrit ainsi Amnesty International dans un rapport de mai 2008. « Dans un contexte d'impunité qui prévaut en Tunisie, ce sera aussi le procès de la torture dans ce pays », a déclaré Me Clémence Bectarte, avocate de la FIDH et partie civile. L'avocat de Zoulaikha Gharbi, Me Plouvier, a, quant à lui, déclaré que le premier jugement d'un diplomate étranger sur le sol français constituera « un signal donné aux tortionnaires du monde entier », dénonçant à mots couverts le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali. La réaction de Tunis ne s'est pas fait attendre. Les autorités ont dénoncé une « affaire montée de toutes pièces et instrumentalisée par les milieux intégristes à des fins de propagande ». L'absence de preuve matérielle des tortures subies serait par ailleurs suffisante pour « établir le caractère fallacieux de ses déclarations purement imaginaires ». Le verdict du procès est attendu ce lundi soir. [1] Prévu par la Convention des Nations unies sur la torture et entré en vigueur dans le code pénal français en 1994, ce mécanisme permet aux juridictions nationales de poursuivre les auteurs présumés des crimes les plus graves, quel que soit le lieu où ils ont été commis, indépendamment de la nationalité des auteurs ou des victimes.