Le débat sur l'avenir du cinéma se relance à chaque fois que le Maroc accueille un événement du 7ème art à l'instar du Festival international du film de Marrakech (2-10 décembre), un carrefour de rencontres et d'échange entre critiques et professionnels aux avis divergents entre partisans d'une vision ouverte et audacieuse et ceux qui dénoncent l'absence d'une culture d'investissement dans ce domaine. Nul ne peut nier que le cinéma national a su accompagner les mutations qu'a connues la société marocaine durant les dernières années à la faveur d'infrastructures permettant la création de sociétés de production et la formations de techniciens et de professionnels de haut niveau. Une évolution qu'illustre la nouvelle vague du 7ème art marocain portée par des réalisateurs parfois très audacieux, parfois moins. Pour la comédienne Fatima Harrandi "Raouia", membre du jury de la 16ème édition du Festival de Marrakech, le cinéma marocain a connu une évolution qualitative qui lui a permis de rayonner au-delà des frontières et de s'arroger une place sur la scène cinématographique mondiale. Le réalisateur Kamal Kamal estime, de son côté, que l'évolution ne concerne en fait que la forme, à savoir l'image, le son et les couleurs, grâce à la formation de jeunes professionnels et techniciens du cinéma, notant en revanche qu'un film ne se limite pas à l'image ou au cadre, mais, loin de là, il donne vie à un monde chargé d'émotions forçant l'interaction avec le spectateur. Le cinéaste marocain attribue la qualité modeste de films marocains à la sous-estimation, par certains cinéastes, de la difficulté de réaliser des œuvres cinématographiques, outre la "mauvaise gestion" des subventions. D'où l'importance, à ses yeux, d'un système d'audit de la production cinématographique et du contrôle des dépenses, la réforme du régime de subvention et la mise à niveau du volet créatif et intellectuel de l'œuvre cinématographique. Évoquant l'absence de la logique d'investissement dans les domaines de la culture et l'art au Maroc, Kamal explique le manque d'investissement par l'absence du concept de consommation cultuelle. Commentant l'absence de films marocains en compétition officielle au festival de Marrakech, le réalisateur de "Sotto Voce" estime que "personne ne cherche à exclure un film", précisant que la valeur artistique de douze long-métrages a été jugée par la commission de sélection en-deçà du niveau de la compétition, "une décision qui doit être respectée". De l'avis de l'acteur Aziz Koubibi, les productions nationales ne doivent pas focaliser trop sur les seuls aspects architecturaux (riads, mosaïque) quand il s'agit de faire des films sur l'histoire du Maroc pour refléter la réalité de l'époque et accompagner les mutations qui s'opèrent désormais à l'échelle de la société marocaine. Il se dit convaincu qu'un manque de moyens ne saurait justifier un faible niveau des films marocains, insistant sur l'importance d'inciter les réalisateurs et les producteurs à faire preuve d'une gestion rationalisée de la subvention à la production et de chercher d'autres sources de financement et partenaires. De son côté, le réalisateur Noureddine Lakhmari met l'accent sur la nécessité d'associer le secteur privé à la production cinématographique et de mettre en place une stratégie de commercialisation des films, outre l'ouverture de salles de projection pour promouvoir le marché local du cinéma. Le cinéaste appelle, en outre, à accorder davantage d'importance aux domaines de la culture et des arts, une bouffée d'oxygène pour les Marocains et un moyen pour lutter contre la pensée rétrograde dangereuse et la haine.