Entre le marteau de l'enseignement privé mal structuré et l'enclume du chômage prévu, les 10 000 mille cadres des trois promotions, formés suite au projet gouvernemental 2013-2016 les concernants, effectuent un sit-in de cinq jours à Rabat du 24 au 29 août. Le chef du gouvernement a signé en 2013 un accord cadre entre le ministère de l'Economie et des Finances, le ministère de l'Enseignement Supérieur de la Formation des Cadres et de la Recherche scientifique, les présidents des universités et les représentants des établissements de l'enseignement privé au Maroc, portant sur la mise en œuvre de l'opération de formation de 10 000 cadres pédagogiques titulaires de licence fondamentale dans diverses spécialités à l'horizon de l'année 2016. Le gouvernement a alloué à ce projet une enveloppe budgétaire de 161 millions de dirhams, étalée sur trois années, y compris des bourses de mille dirhams par mois aux bénéficiaires. Aujourd'hui, le projet semble noyé dans l'échec, les porteurs des diplômes des trois promotions, manifestent depuis cinq mois dans plusieurs villes, Casablanca, Tanger et puis Rabat, où des centaines de cadres n'ayant pu ni accéder aux Centres Régionaux des Métiers de l'Education et de la Formation, ni être recrutés dans des établissements privés avec lesquels le gouvernement a signé la convention, effectuent un sit-in à la capitale devant le parlement, qui devrait prendre fin aujourd'hui. Pour sensibiliser les lecteurs aux tenants et aboutissants de cette affaire, l'Opinion a eu cet entretien-express avec M. Ouhssaine Abdessadeq, diplômé de l'ENS Tétouan, 2ème promotion, et membre de la Coordination nationale des 10 000 cadres pédagogiques. L'Opinion : Quelles sont les revendications que vous exprimez à travers vos manifestations ? M. Ouhssaine Abdessadeq : Nous sommes environ deux mille manifestants, venus des quatre coins du pays, formés et diplômés. Le gouvernement nous a promis l'insertion dans le marché de l'emploi. Nous demandons qu'il tienne sa promesse. Nous avons été réprimés par les forces de l'ordre. Une vingtaine de cadres ont été gravement blessés et transportés à l'hôpital. L'Opinion : Les professeurs stagiaires ont boycotté les cours pendant 6 mois pour abolir deux décrets séparant la formation du recrutement et baissant la bourse de presque la moitié. Quelle est votre position par rapport à cette situation ? M. Ouhssaine Abdessadeq : L'abolition des deux décrets est une affaire de tous les citoyens marocains ayant intérêt au développement de l'enseignement dans notre pays. Nous avons soutenu les professeurs stagiaires qui ont défendu des droits légitimes. Aujourd'hui, nous réclamons l'intégration de tous les cadres dans la fonction publique, au ministère de l'Education Nationale et de la Formation professionnelle, vu le manque flagrant dans les ressources humaines, ainsi que le refus des établissements privés de nous recruter à de bonnes conditions. J'ai postulé dans vingt écoles privées, à Casablanca, Agadir et à Rabat. On refuse de me recruter en tant que porteur de licence professionnelle en métiers de l'éducation parce qu'on devrait payer plus à un enseignant bien formé, alors qu'on préfère recruter des enseignants moins qualifiés et modestement payés. L'Opinion : Au moment de l'inscription à l'ENS, vous saviez qu'il s'agit bien d'une formation académique, le gouvernement a-t-il réagi à vos revendications ? M. Ouhssaine Abdessadeq : Jusqu'à présent, on n'a eu aucune réponse de la part des responsables, le gouvernement est en voie de privatiser les services publics. Lorsque ce projet a été lancé, nous avons apprécié l'initiative de former des cadres qualifiés, mais trois ans plu tard, ces diplômés sont jetés au chômage et ce n'est pas acceptable, surtout avec le budget qui lui a été alloué. Nous n'avons aucun problème à travailler dans des établissements privés, à condition de restructurer ce secteur et d'assurer aux cadres de bonnes conditions de travail.