Le Premier ministre désigné Youssef Chahed a dévoilé samedi la composition du gouvernement d'union tunisien qu'il a promis «efficace» pour redresser l'économie et redonner espoir à la population, cinq ans après la révolution. Ce gouvernement, qui comprend «huit femmes» et marque un rajeunissement, doit encore faire l'objet d'un vote de confiance de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Selon le règlement du Parlement, actuellement en congé, il devrait intervenir d'ici une douzaine de jours. Engagé dans une course contre la montre face aux attentes, Youssef Chahed, 40 ans, a multiplié les concertations depuis sa désignation par le président Béji Caïd Essebsi le 3 août. Le Parlement avait auparavant retiré sa confiance au gouvernement de Habib Essid, jugé déficient. «Nous avons essayé de suivre une méthode qui garantisse l'efficacité du travail gouvernemental», a affirmé devant la presse, en guise de préambule, M. Chahed. «Nous avons structuré (le gouvernement) selon les priorités que j'ai édictées lors de mon discours du 3 août», a-t-il ajouté, en référence à la lutte contre le terrorisme, la corruption et le chômage. En dépit des promesses de changement, plusieurs ministres conservent des portefeuilles majeurs, ainsi Néji Jelloul à l'Education. Profitant d'une embellie sécuritaire après une série d'attaques jihadistes sanglantes, Hédi Majdoub est reconduit à l'Intérieur, tout comme Farhat Horchani (Défense). ‘Huit femmes, 14 jeunes' Les nouveautés sont à chercher notamment au ministère de la Justice (Ghazi Jeribi), portefeuille clé pour la lutte contre la corruption, et aux Finances où une femme, Lamia Zribi, succède à Slim Chaker, dont le puissant syndicat UGTT ne voulait plus selon des médias. Abid Bikri, ancien responsable de l'UGTT, fait lui aussi son entrée à la Fonction publique et la bonne gouvernance. Si la promesse d'un cabinet resserré n'a pas été respectée, avec un total de 26 ministres et 14 secrétaires d'Etat, celles relatives à la «représentativité» «ont été tenues avec huit femmes à la tête de portefeuilles importants, comme la Santé (Samira Meraï), et 14 jeunes», a fait valoir Youssef Chahed. «Cinq ont moins de 35 ans», a renchéri celui qui deviendra lui-même le plus jeune Premier ministre de l'histoire moderne du pays si le Parlement vote la confiance. Issu du parti Nidaa Tounes fondé par le président Caïd Essebsi, M. Chahed a également insisté sur ses efforts de rassemblement, dans l'esprit de l'accord signé en juillet par «neuf partis et trois organisations nationales». Les concertations menées ces derniers jours étaient notamment très observées s'agissant du parti islamiste Ennahdha, première force au Parlement, qui voit sa présence très légèrement rehaussée avec deux ministères et un secrétariat d'Etat (contre un seul ministre jusque-là). A défaut de rallier l'ensemble du spectre politique, le nouveau gouvernement est aussi marqué par l'entrée d'un responsable du parti de gauche Al Massar (Samir Taïeb, Agriculture), entre autres. L'ancienne coalition, issue des élections de fin 2014, était composée de Nidaa Tounes, Ennahda, Afek Tounes et de l'Union patriotique libre (UPL), qui disparaît de la nouvelle liste. ‘Gouvernement de sauvetage' Le président Caïd Essebsi s'était dit le 2 juin en faveur d'un «gouvernement d'union nationale» face aux critiques persistantes contre le cabine Essid après 18 mois en fonctions. De ce fait, les défis du nouveau gouvernement seront très relevés. Unique rescapée des Printemps arabes, la Tunisie ne parvient pas, en effet, à faire redémarrer son économie. Quant à l'accalmie sécuritaire, elle reste précaire après la série d'attaques jihadistes survenues entre mars 2015 et mars 2016. Mais le gouvernement Chahed sera aussi jugé sur sa capacité à améliorer le cadre de vie des Tunisiens, sensiblement dégradé du fait des infrastructures déficientes et du manque de propreté de l'espace public. «Le pays a besoin de la conjugaison des efforts de tout le monde», a plaidé Youssef Chahed, qui ne pourra compter sur aucun état de grâce. Ces derniers jours, les médias se sont ainsi agacés de la lenteur des tractations, invoquant l'urgence de la situation. «Le gouvernement d'union nationale (...) signifie gouvernement de sauvetage. Sauvetage d'un pays qui frôle la banqueroute, d'institutions en panne, de citoyens sinistrés», a écrit le quotidien La Presse. «La Tunisie négocie un tournant essentiel de son histoire moderne, qui plus est au lendemain d'une révolution prometteuse», a-t-il jugé.