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Forum du Réseau des femmes arabes parlementaires : Favoriser l'accés au parlement pour influencer sur les politiques publiques
Publié dans L'opinion le 14 - 02 - 2016

Les femmes parlementaires des États arabes s'unissent pour apporter leur contribution au développement durable. Plus de 150 femmes parlementaires et représentantes d'organisations internationales originaires de vingt pays se sont réunis les 9 et 10 février 2016 à Rabat (Maroc) dans le cadre d'un n forum régional en vue de débattre de l'exigence de mettre en œuvre des politiques qui tiennent compte de l'égalité des sexes et de l'intégration des femmes en politique.
Ce Forum est organisé par le Réseau des femmes parlementaires arabes pour l'égalité, « Ra'edat » (Pionnières), avec la participation de l'Union Européenne et d'ONU Femmes dans le cadre du Programme « Un bond en avant pour les femmes ».
La participation des femmes a un impact important et renforce la qualité des politiques élaborées. Les études internationales ont montré que les prises de décision politiques sont plus inclusives quand les femmes sont représentées dans le parlement. Et que, l'intégration des femmes aux processus de prise de décision a un effet nettement positif dans les domaines de l'éducation, des infrastructures et de la santé à l'échelon national, tout en étant lié au progrès économique et à l'amélioration du niveau de vie.
L'analyse des accords de paix récemment conclus montre que la participation des femmes locales dans les pourparlers de paix a augmenté d'environ 24 % la probabilité de mettre fin à la violence en moins d'un an.
Des études universitaires menées en Russie et en Ouganda ont également démontré que les femmes étaient plus susceptibles de mettre de côté leurs différences idéologiques sur des questions qui sont importantes pour la société, la paix et la stabilité.
Pour avoir une idée sur l'accès des femmes au parlement, on a essayé de faire le pourtour, avec d'imminentes parlementaires,d'ici et d'ailleurs, dans d'autres pays arabes. La question de l'égalité et de la parité, le Code électoral, les réformes au niveau des programmes gouvernementaux sont autant de questions relevées, à même de permettre aux femmes d'investir le champ politique pour influencer sur les politiques publiques.
Dr Rula Al Farra Alhroub de Jordanie,
Présidente du Réseau "Ra'edat"
Les pays arabes commencent à se rendre compte que la femme joue un rôle important dans les prises de décision politique mais on est encore loin des aspirations de la moyenne mondiale qui est de 25, 14% et de la réalisation de l'équité et de la justice pour tous et toutes. Certains pays arabes ont accompli des sauts importants comme l'Algérie, la Tunisie et le Soudan, d'autres pays arabes, tels que : Oman, Qatar, Koweït et Yémen n'ont aucune parlementaire femme. En Arabie saoudite, alors que les femmes ont été autorisées à voter et à se présenter pour la première fois dans l'histoire du pays, elles sont parvenues à percer sur la scène politique avec 17 élues aux élections municipales. Les Emirats Arabes Unis est le seul pays arabe où les femmes participent dans tous les postes de prise de décision.
L'objectif de ce réseau Ra'edat, c'est de renforcer les capacités des femmes et de hausser leur représentativité politique. Mais aussi, d'influencer sur la prise de décision à l'intérieur des parlements et des gouvernements, que ce soit en matière de politiques, de programmes ou de législations. Et ce, afin de promouvoir l'accès des femmes aux postes de prise de décision, politiquement, économiquement, et socialement, mais aussi, de permettre la concrétisation d'un monde plus juste et un meilleur développement humain de nos sociétés. On se rend tous compte de ce qui arrive à nos peuples, en l'absence de femmes dans des postes de décisions et l'impartialité d'un seul sexe. La présence des femmes aux côtés des hommes, ce sont des points de vue complémentaires qui ont pour finalité des décisions plus sages.
On peut arriver à l'égalité des sexes à travers les législations et les constitutions, et par la suite, l'innovation des pratiques et la réforme des programmes gouvernementaux. Cela produit de nouvelles idées et opinions, une autre culture et des valeurs nouvelles qui poussent nos sociétés à réfléchir autrement. Il est vrai que nos sociétés ont commencé à s'ouvrir et sont favorables à plus d'échanges, ces 10 dernières années. C'est une réelle révolution au niveau des parlements et l'on assiste, de plus en plus, à des hommes et à des femmes qui votent pour des femmes. Les entraves majeures sont d'ordre financier, sécuritaire, politique, social, mais aussi judiciaire et législatif. Le réseau ambitionne d'analyser ces obstacles et de faire des propositions pour compenser et équilibrer les obstacles, et, réformer les législations. Notre rôle en tant que parlementaires, c'est d'influencer sur toute politique gouvernementale et sur le contrôle de ses programmes de façon à ce qu'ils appuient la femme dans son intégration dans toutes les sphères.
Le réseau a élaboré un plan stratégique selon les priorités : pauvreté, analphabétisme, héritage, code de la famille... La conclusion était que la priorité est d'accéder aux postes de prise de décision. A ce niveau, la femme peut influencer et porter toutes les stratégies et les législations. C'est pour cela qu'il est primordial d'augmenter le nombre de parlementaires. Ni notre religion ni notre culture ne sont des entraves. Quand la femme progresse et a ses droits, elle influence sur toute la société. La femme est la base de développement, elle porte la cause pour une justice dans les services, pour la non violence et toutes les études ont montré qu'elles sont moins corrompues.
Mme Naima Ben Yahia, parlementaire marocaine, membre du réseau Ra'edat
Le forum, dans sa première édition, est un grand événement qui regroupe les parlementaires de la région. Ra'edat a été constitué en 2014 lors d'une réunion à Bruxelles sur le programme « Un bond en avant », dans lequel un certain nombre de parlementaires ont eu l'idée de créer un réseau. Le premier objectif était l'échange d'expériences entre les différents pays de la région. Parmi les points ciblés, c'est identifier les opportunités qui existent dans notre région mais aussi relever certains défis. L'expérience du Soudan est très intéressante, Ils ont atteint 35%. On a été également attiré, lors de l'atelier, par le réseau constitué par les femmes parlementaires soudanaises. Il s'agit d'un réseau national non institutionnel, mais appuyé par l'Etat, par le parlement et par la société.
La présentation des parlementaires marocaines, lors du forum, a mis en exergue nos opportunités, la première étant la volonté politique clairement annoncée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, lors du forum mondial des droits de l'Homme. Sa Majesté avait fait de la question des femmes un enjeu, un point très favorable pour les citoyennes marocaines. Le travail fait par les différents groupes parlementaires a été également soulevé. Afin de constituer une synergie, on a enlevé nos casquettes et décidé de travailler ensemble pour assurer l'intégration de la question de l'égalité et de la parité au sein de la chambre des représentants. Grâce aux efforts fournis par tous les groupes parlementaires, opposition et majorité, on a pu insérer dans le règlement intérieur de la première chambre, un volet dédié à l'égalité et à la parité. Le but, c'était de consolider les acquis, de faire en sorte qu'il y ait un respect total de la Constitution et des engagements nationaux et internationaux du Maroc. Et à travers le groupe thématique genre composé, on a travaillé sur la question du genre et de la parité en général et pu inclure, des dispositions très importantes dans la loi organique des finances. On a également préparé des mémorandums relatifs à l'APALD, l'autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination, et aux élections territoriales. Parmi les amendements inclus par notre groupe parlementaire, c'est l'indépendance de l'APALD, mais aussi, la question de l'expertise et de l'expérience requise pour ses membres (et non seulement appartenir à une institution), c'est-à-dire avoir des compétences particulières, pour pouvoir suivre de près la question de l'égalité et de la parité. On considère que ce sont des efforts qui ont abouti. Actuellement, on est en train de travailler pour qu'il y ait une commission permanente au niveau de la première chambre, sachant que l'expérience actuelle est très bonne. Il s'agit d'une institutionnalisation mais qui n'atteint pas le niveau d'ambition préconisé. Il nous faut une commission de l'égalité et de la parité au sein de la première chambre. C'est vrai qu'on est à la première chambre à presque 17% mais on est en deçà de la moyenne mondiale, qui est de 25%.
L'expérience du Soudan, par Safa Mahmoud Elhlo, membre du parlement soudanais
Mme Elhlo est également membre de la commission du travail, membre du « hizb al oumma »(parti du peuple) et adjoint du Secrétaire général. Mme Safa était tête d'une liste du parti de 85 membres, précédant les hommes et sans quota.
La femme soudanaise a réalisé beaucoup de progrès depuis la création de l'institution parlementaire le 4 avril 2007, présidée par Samia Sid Ahmed Hassan, membre du Bureau exécutif du réseau Ra'edat. Il y avait 106 parlementaires en 2010. En 2015, ce nombre a augmenté suite à une certaine conscientisation au niveau des partis politiques, en matière de représentativité des femmes, il a atteint 150 femmes parmi 426 parlementaires. Il y a une diversité de partis et des parlementaires de différents âges, la plus jeune ayant 20 ans.
Pour Mme Safa, le président du parti a un rôle principal dans la présentation des femmes, c'est lui qui devrait croire en leurs compétences et capacités. A savoir aussi que le Président de la république du Soudan appuie réellement la femme dans toutes ses actions. D'ailleurs, ce sont elles qui dirigeaient la campagne présidentielle, c'était plutôt une campagne populaire. En plus, il y a une solidarité et une synergie, particulière et exceptionnelle, entre les partis. C'est ce qui donne de la puissance à l'institution parlementaire.
Mme Laila Rhiwi, représentante du Bureau
multipays pour le Maghreb de l'ONU-femmes
Il s'agit d'une conférence qui rassemble, pendant deux jours, plus de 130 femmes députées de toute la région MENA. Ce sont des femmes engagées dans les parlements de leurs pays qui sont réunies pour échanger sur le rôle et l'influence des femmes, au sein du parlement, sur la mise en place effective des politiques publiques. Le moment est propice, il arrive après quelques années des transitions, qu'a connues toute la région arabe. Vu les expériences passées de toutes ces députées dans les parlements déjà établis, elles pourront s'imbiber des pratiques des unes et des autres, de leurs expériences, des leçons tirées et des influences qu'elles peuvent avoir au parlement. Elles ont également un rôle à jouer dans le renforcement, au niveau des parlements, de la question du suivi des politiques publiques ou en matière de genre et d'égalité entre les sexes.
Mme Amal Deroua, députée à l'Assemblée
nationale algérienne
On a milité pendant de longues années et à chaque fois qu'on se retrouve, c'est avec beaucoup de plaisir parce que, au fait, on voit qu'on avance, peut-être pas au rythme qu'on voudrait, mais tout doucement. Le forum est un espace d'échange de bonnes pratiques, d'exemples à suivre de pays qui ont réussi à aller plus loin et qui peuvent donc servir de modèle.
Un 1er mandat de 2002 à 2007, elle est à son deuxième mandat 2012-2017, grâce à une loi qui préconise le quota. L'Algérie, avec cette nouvelle disposition électorale, est passée du 120ème rang mondial au 28ème rang mondial. Il y a eu un certain nombre de réformes qui ont été adoptées en Algérie, dans la Constitution de 2008, particulièrement l'article 31 bis qui oblige l'Etat à renforcer la participation des femmes dans le domaine politique. Et en janvier 2012, la fameuse loi organique votée et qui instaure le système des quotas, a été mise en application 5 mois après. On est passé de 7,5% de femmes au parlement aux élections 2007 à 31, 6 % en 2012, ce qui nous a propulsés au premier rang dans le monde arabe et en Afrique du Nord.
Pour ce qui est des bonnes pratiques, il n'y a pas de modèle particulier. En Algérie, le système de quota a été très difficile à faire passer, il y avait des réticences et dans les plus grands partis qui considéraient avoir des femmes militantes au sein des partis. Mais il y avait toujours des verrous, on avait du mal à percer.
C'est cette loi qui nous a permis justement d'être mises en avant.
La particularité de cette disposition, c'est qu'elle oblige, entre autres, les partis, lors du dépôt de listes des candidatures, à présenter des listes avec 30% de femmes, quel que soit le classement, ce que les partis n'avaient pas saisi à l'époque. Il y avait une petite ambigüité ou subtilité, qui faisait, qu'en fait, ils n'avaient pas saisi « quelque soit le classement des femmes lors de la distribution des sièges ». Par la suite, si on avait 5 sièges, automatiquement, il y avait deux femmes qu'en bien même la femme était classée dixième sur la liste électorale. C'est ce qui a permis de contourner, d'obliger et de renforcer la présence des femmes. Chaque pays a sa façon de faire. Cet espace permet de s'imbiber des expériences des autres. On connait la loi, on sait qu'il y a un quota, on ne sait pas comment, subtilement, éviter ou contourner certains obstacles de façon à arriver à ce résultat. Il n'a pas que les lois, il y a aussi les mentalités.
C'était très difficile, lors des débats à l'assemblée nationale, de faire passer la loi. Certains partis étaient convaincus qu'à l'intérieur du pays, les femmes n'oseraient jamais se présenter. C'est vrai que dans le nord, les femmes sont plus émancipées, mais dans le sud, c'était peut-être plus difficile dans les endroits plus renfermés.
Cette loi était là pour prouver le contraire et que, de toute façon, qu'en bien même elles refusent, ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas mais parce qu'elles ont peur de l'inconnu. Cette disposition leur a mis le pied à l'étrier, les a libérées et sorties. Cette loi leur a fait comprendre qu'en fin de compte, elles étaient là et que l'Etat comptait sur leur participation complète et entière, en complémentarité avec les hommes. Il n'est pas question d'enlever aux hommes leur part mais de rétablir l'équilibre, parce que les femmes participent tout autant que les hommes au développement du pays.
Mme Rim Mahjoub, députée au parlement
tunisien, Présidente du groupe parlementaire
« Afaq Tunis »
Rim Mahjoub épouse Masmoudi fait partie de la coalition gouvernementale. C'est un parti social libéral. Elle est à son deuxième mandat, elle était aussi députée à l'assemblée constituante. Le forum représente, tout d'abord, une plate-forme d'échange entre les femmes députées, sur les expériences des unes et des autres, sur la meilleure façon d'augmenter les sièges de décision et pour faire un lobbying.
Dans nos sociétés, la femme, bien qu'elle ait des compétences, elle passe toujours au second plan. L'un des critères de la démocratie n'est-il pas la présence des femmes au sein du parlement, dans les postes de décision et dans les gouvernements ?
Au parlement tunisien, on est à 34% de femmes au parlement et c'est dû essentiellement au Code électoral, c'est l'alternance et la parité.
On aimerait bien que la femme soit considérée à sa juste valeur et réaliser la vraie égalité entre hommes et femmes. Il y a eu plusieurs acquis en Tunisie depuis l'indépendance, par le Président Bourguiba qui a libéré la femme, à travers le Code du statut personnel. Après la révolution, on a eu peur de perdre ces acquis avec le premier parti islamiste « Ennahda ».
La bataille a été dure pour insérer dans la Constitution le fameux article 46 qui parle des droits acquis de la femme. Mais aussi, que l'Etat doit œuvrer pour que la femme soit présente dans toutes les assemblées électives, par la parité, et dans les postes de décision, sans discrimination entre l'homme et la femme dans l'accès au travail. Il reste à matérialiser la Constitution par des lois, il y a encore du travail, ce n'est pas encore gagné.
Dans nos sociétés, il y a des problèmes communs et des différences(En Tunisie, il n'y pas de polygamie), ce qui enrichit la discussion.
Il est important d'arriver à défendre la cause de la femme, de faire des réseautages nationaux et internationaux, surtout en cette période d'instabilité politique et de transition démocratique vécues différemment par certains pays arabes.
Mme Lilia Younes Seksidi du parlement
tunisien également membre, du parti
« Afaq Tunis »
C'est un jeune parti qui a pris naissance après la révolution et qui est à majorité, constitué par des jeunes. On espère la création d'une synergie positive entre parlementaires lors de cette rencontre.
Comme dans le slogan, main dans la main, on arrivera à nous hisser pour avancer et pouvoir être leaders dans nos pays. On dit que la femme est l'avenir de l'homme, on essayera de le concrétiser par le travail. On a pris la résolution de passer à l'action et d'essayer de montrer aux jeunes que les femmes sont capables.
En Tunisie, plus de 70% des diplômés sont des femmes, or, au niveau du travail, 23% seulement sont embauchées, donc le chômage touche particulièrement les femmes. Aussi, malgré le changement, au niveau des postes de décision, les femmes sont absentes, même dans le gouvernement. Les municipales approchent, dans une année, et partis politiques et associations sont en train de travailler énormément sur les capacités politiques de la femme et pour les encourager à adhérer la voie politique. Le forum est dans le même contexte, qui est de permettre aux femmes d'être Ra'edat, sur le plan politique. Comme connu, lorsque la femme s'engage, elle s'engage corps et âme.


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