Notre article "Le solaire dans nos mosquées : un marché de dupes ?" du lundi 11 mai 2015, n'a pas laissé indifférent, loin de là. La Société d'Investissements Energétiques (SIE), partie prenante au projet d'efficacité énergétique dans les mosquées, donc concernée, a réagi par un long texte dans lequel elle répond point par point à la tribune de Dr. Said Guemra, Expert Conseil à Gemtech Monitoring, paru dans la revue «Chantiers du Maroc» et sur lequel avait travaillé notre journaliste Yasser Ayoubi. Le travail de M. Ayoubi, qui n'a pas "repris quasi intégralement" le texte contesté de M. Guemra, s'est voulu une lecture dans cet article en vue d'attirer l'attention sur un sujet d'importance certaine. De ce fait, la contribution (appelons-la ainsi) de la SIE comprend des réponses à de nombreux points que notre article n'avait pas mentionnés. N'empêche, nous la publions dans son intégralité au regard de son importance et compte tenu de l'insécabilité du sujet. Nous aurions juste aimé que la SIE ne sort pas de la rigueur du propos et de l'argumentaire scientifiques, qu'elle maîtrise par ailleurs parfaitement, et ne succombe pas à la tentation de faire parfois dans le jugement de valeur. Le fait par exemple d'user péjorativement et de façon récurrente du terme "expert" dégage, en effet, une impression pas très confortable alors qu'en réalité, le débat ne porte pas sur la qualité des personnes mais met en confrontation des connaissances techniques et statistiques. Nous avons tenu à émettre cette petite remarque pour ne pas avoir à cautionner quoi que ce soit. En définitive, la contribution de la SIE apporte un éclairage sur le projet d'efficacité énergétique dans les mosquées et sur ses motivations, ce qui contribuera sûrement à une meilleur compréhension du sujet par nos lecteurs. Ci-après le texte de la réaction de la SIE : « Alors qu'il en est à peine dans ses débuts, le projet d'efficacité énergétique dans nos mosquées fait décidément beaucoup parler de lui, y compris les personnes non/mal informées qui vont jusqu'à se donner des titres d'expert. L'initiative de la mise en œuvre de l'efficacité énergétique dans les mosquées du Royaume est une action claire qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie énergétique nationale du pays ; elle a fait l'objet d'une convention signée par le Ministère de l'Energie des Mines de l'Eau et de l'Environnement, le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques, l'Agence de Développement des Energies Renouvelables et de l'Efficacité Energétique (ADEREE) et la Société d'Investissements Energétiques (SIE). Le projet est une initiative des plus novatrices en termes de promotion de l'Efficacité Energétique, novatrice pour trois raisons essentielles : Il s'agit d'un projet ayant un modèle d'investissement qui ne coute rien au contribuable. L'ensemble des mesures ont un retour sur investissement court, exclusivement basé sur les économies d'énergie réalisées. Ce projet est structuré pour assurer un retour social direct, notamment à travers la formation des jeunes à travers tout le territoire, la création d'emploi dans le secteur énergétique et le développement d'une offre de services énergétiques. Les mosquées sont les meilleures plates-formes de sensibilisation et d'éducation dans notre pays. Elles contribueront naturellement à sensibiliser les trente-trois millions d'habitants que nous sommes à rationaliser notre consommation d'énergie en évitant le gaspillage. Ce projet a fait l'objet d'un article en première page du journal L'Opinion le lundi 11 Mai 2015, signé du journaliste Yasser Ayoubi. Ce dernier a repris quasi intégralement l'article publié la semaine précédente par M. Said Guemra dans la revue « Chantiers du Maroc ». L'objet de cet article est d'apporter les éclaircissements véritables sur le projet d'efficacité énergétique dans les mosquées afin que cessent toutes spéculations intéressées. En premier lieu, et comme tout un chacun le sait, la coopération allemande apporte son soutien aux projets structurants du Maroc depuis de nombreuses années. Cette coopération est régie par des règles parfois complexes et contraignantes, mais des règles qui garantissent clarté, indépendance et transparence pour tous. Ces mêmes règles sont strictement appliquées dans le cadre de ce projet des mosquées. C'est ainsi que d'une part le processus de « procurement » pour le pilote Assouna a été appliqué, et d'autre part, il n'a jamais été question pour la coopération allemande d'aller au-delà de deux ou trois mosquées au titre d'actions pilotes de validation du modèle global, malgré la grande diversité de nos mosquées. Quelques éléments de contexte sur le projet d'efficacité énergétique : Le Maroc compte plus de 50 000 mosquées dont près de 15 000 directement gérées par le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques (MHAI). La facture électrique annuelle du MHAI s'élève à 70 millions de Dirhams pour ces 15 000 Mosquées. Le MHAI est aussi devant les réalités suivantes : Des bâtiments et des équipements ayant une performance énergétique moyenne, donc coûteux en énergie. Bien que pouvant disposer des moyens financiers pour investir dans l'économie d'énergie, le MHAI ne peut facilement disposer de garantie de performance. Les factures énergétiques sont réellement élevées et ne sont appelées qu'à augmenter. La majorité des bâtiments publics du pays rencontre le même problème pour l'entretien de leurs bâtiments. C'est là un gisement d'emploi considérable, réparti sur tout le territoire national. De surcroît, il concerne essentiellement les PME marocaines. Il y a une nécessité impérative à former les compétences dans toutes les régions du Royaume. Quoi de mieux comme contexte de lancement que les mosquées disponibles en nombre partout sur le territoire, et ou les risques techniques et financiers sont réduits ? Malgré sa simplicité apparente aux yeux des néophytes, la mise en œuvre de ce projet d'efficacité énergétique dans les mosquées est complexe car devant répondre à de nombreuses contraintes techniques, financières et réglementaires qu'il s'agit d'aligner préalablement au démarrage opérationnel du projet. Ne voyant aucun intérêt à reprendre l'intégralité de l'article publié par M. Said Guemra, voici les corrections des principaux points erronés et malgré tout publiés sans vérification préalable. La facture électrique maximale dans une mosquée et de 3 000 DH Faux ! La ville de Casablanca compte 170 mosquées dépassants ce seuil, Rabat en compte 69. La mosquée Assouna a couté 500 000 DH en réhabilitation Faux ! Il en a coûté 300 000 DH apportant une réduction sur la consommation énergétique de 70%, soit un ROI de 5,5 ans et non 38 ans comme publié. 500 000 DH est le montant total de la subvention de soutien. 90% des besoins d'eaux chaudes se produisent en dehors du soleil Faux ! Les relevés de consommation indiquent tout le contraire, pour info, il est possible de nos jours de stocker l'eau chaude dans ce que nous appelons communément des « ballons de stockages ». Dans la mosquée Assouna le stockage est de plus 900 litres d'eau chaude. La superficie de la mosquée Assouna est de 400 m2 Faux ! L' « expert » n'y a pas passé beaucoup de temps apparemment. La superficie réelle de la mosquée est de 5000 m2, dont les 2 tiers sont couverts. Photovoltaïque et injection dans le réseau : Les plaques photovoltaïques installées sur le toit de la mosquée Assouna à Rabat. La visite ayant été effectuée vers 14h, l'onduleur montre que toute l'énergie produite par les plaques photovoltaïques est renvoyée au réseau électrique, au grand bonheur de REDAL, qui la revend tout simplement. C'est une confirmation irrévocable de la non utilité des plaques photovoltaïques dans les mosquées. Indépendamment que l' « expert » n'avance strictement aucune preuve de ses allégations et du fait que le système dans la moquées soit d'office conçu pour ne rien injecter dans le réseau, voici une petite analyse qui illustre la véracité de la théorie de l' « expert ». Figure 1 : l'appel de puissance à la mosquée Assona Durant l'étude du pilote, un analyseur de réseau électrique a été installé au niveau du départ général de la mosquée Assouna. On peut clairement remarquer que durant la journée (entre 8h et 17h), le site appelle en continu une puissance de 4KW soit une consommation en période diurne et hors heures de prières de 36 KWh. L'installation PV au niveau de la mosquée Assona est de 8KWc, soit une production journalière de 38 KWh/jour (1 KWc produit 1734 KWh/an). L'installation est de ce fait bien dimensionnée et répond parfaitement au besoin de la mosquée sans aucune injection au réseau. A noter que le PV ne sera pas automatiquement installé au niveau de toutes les mosquées, cela dépendra des besoins journaliers de chaque site comme c'est le cas pour le pilote Assouna. Par ailleurs, la généralisation du PV se fera en accord avec la réglementation, après l'ouverture de la basse tension. Enfin la coopération allemande n'exige en aucun cas l'utilisation de matériaux « Made in Germany » comme sous-entendu dans l'article de M. Said Guemra. Prix du KWh à 1 DH Pour tous les calculs de temps de retour sur investissement, l' « expert » s'est basé sur un prix unitaire du KWh de 1Dh/KWh. Or la consommation électrique de la mosquée Assona est facturée suivant la tarification Eclairage Administratif comme la grande majorité des mosquées marocaines, soit 1.93 DH/kWh hors taxe et hors redevance. Ce qui revient à 2.25 DH TTC. La figure suivante montre clairement la tarification appliquée : Figure 2 : facture d'électricité de la mosquée Assona Les hypothèses de calculs utilisées sont loin de toute réalité, à titre d'exemple le prix unitaire du KWh utilisé dans l'article est 48% moins élevé que les prix réellement exercés. En utilisant des données réelles, le temps de retour sur investissement baisse de 84,21% et passe donc de 38 ans à 5,2 ans pour le cas de la mosquée Assouna. La rentabilité du projet est liée au potentiel d'économie de chaque action d'efficacité énergétique et d'énergie renouvelable. La consommation énergétique d'une grande mosquée est de l'ordre de 100 kWh/ jour. La surface n'est pas un critère et ne donne pas une idée de la consommation d'un site. Les grandes mosquées (en termes de consommation électrique) dépassent largement les 100 kWh/jour annoncé. A titre d'exemple : La mosquée Saidouna Youssef qui se trouve à Ain Chock à Casablanca consomme 277 kWh/J La mosquée Karaouine de Fès consomme : 354 kWh/J La mosquée Mohamed VI à Oujda consomme 242 kWh/J La consommation électrique d'une mosquée se produit principalement durant la prière d'Alfajr, et les prières d'Almaghrib et Aliichae pour l'éclairage. Ce qui veut dire que l'appel de l'énergie se produit à des moments où le soleil est couché. On en déduit que la consommation électrique d'une mosquée est quasi nulle durant le jour. Comme on peut le remarquer sur la figure 1 (voir ci-dessus), et d'après l'enregistrement en temps réel de la puissance appelée sur 24h réalisé au niveau de la mosquée Assouna, il en ressort clairement que contrairement à ce qui est avancé par l' « expert », la consommation électrique d'une mosquée durant la journée n'est pas nulle. La mosquée Assouna par exemple appelle une puissance de 4kW le jour en continu et en dehors des heures de prières. Une mosquée n'est pas qu'un lieu de prière, c'est aussi un lieu de vie, une école, ou plusieurs activités sont organisées notamment des cours d'alphabétisation. De plus, il est important de prendre en compte la consommation des logements annexés aux mosquées comme ce fut le cas pour Assouna (logements des imams), elle représente 25% de la consommation électrique totale du site. L'ensemble des lampes de la mosquée ont été changées, et même celles qu'on n'allume jamais. L'amélioration a pris en compte le remplacement, non seulement des lampes les plus utilisées, mais aussi celles dont la durée de fonctionnement n'est pas très importante, et même celles des lampes défectueuses car le but du projet n'est pas seulement de réaliser des économies d'énergie mais aussi et surtout d'améliorer le niveau d'éclairage des mosquées. Les deux recommandations phares de ces études sont, primo, l'installation de lampes LED qui ont la capacité de réduire de 70 à 80% la consommation électrique des lampes utilisées pour l'éclairage, et secundo, l'installation de panneaux photovoltaïques. Pour le site pilote comme pour les autres, trois recommandations phares ont été préconisées et non deux. En plus du remplacement des points lumineux par des lampes plus efficaces et l'installation de panneaux photovoltaïques pour la production d'une partie de l'énergie électrique consommée le jour, la troisième action est la production de l'eau chaude sanitaire, utilisée pour les ablutions, grâce à des chauffe-eaux solaires qui remplacent des chauffe-eaux électriques et qui se rentabilisent en 18 mois. Afin de donner l'image la plus complète possible, voici quelques éléments du projet agréés par les Ministères concernés, base sur laquelle la démarche est construite. L'exemplarité de l'Etat L'éco-responsabilité de l'Etat consiste à intégrer les préoccupations énergétiques et environnementales à ses activités. S'agissant du volet énergétique, il s'agit de promouvoir des comportements éco-responsables des agents de toute administration et d'équiper les bâtiments publics en installation énergétiquement efficaces, ainsi qu'adopter une gestion énergétique appropriée des sites publiques. Dans ce contexte, l'exemplarité des pouvoirs publics prend tout son sens dans le cadre du programme efficacité énergétique pour les mosquées du pays. Le programme joue un rôle prépondérant dans le développement de la culture « énergie durable » et dans l'affirmation de la faisabilité technique et économique de ces bonnes pratiques intégrant au minimum les chauffe-eaux solaires ainsi qu'une qualité d'éclairage performante pour des équipements peu consommant. L'implication des pouvoirs publics a vocation à impulser un comportement citoyen éco- responsable et à générer des économies de coûts de fonctionnement, en l'occurrence couplée à une aide à la création d'emploi. Contribuer au développement chez le citoyen de la culture « Energie Durable » La mosquée est visitée par des centaines de visiteurs chaque jour. Elle est un lieu de culte, de recueillement, d'apprentissage et de lutte contre l'analphabétisme. Elle peut, mieux que n'importe quel autre lieu, véhiculer des messages en faveur de la protection de l'environnement et d'un comportement citoyen éco responsable. Contribution à la politique national de l'efficacité énergétique Le programme énergétique des mosquées est un tremplin pour l'intégration des nouvelles prescriptions de l'efficacité énergétique dans le bâtiment pour les constructions de nouvelles mosquées et/ou la restauration des mosquées existantes. L'aspect sensibilisation de la population est primordial, il est accompagné d'un important volet de création d'emploi où la formation professionnelle joue un rôle déterminent dans la démarche globale : les programmes de l'OFPPT sont en cours de mise à niveau à l'échelle nationale, s'enrichissant par l'intégration de savoir-faire dans les technologies et installation d'équipements propres aux mesures d'efficacité énergétique dans le bâtiment (panneaux photovoltaïques, chauffe-eaux solaires, éclairage LED, ...). Quelques chiffres Le programme « mosquée verte » servira de catalyseur et de levier à la création de plus de 900 nouvelles entreprises et plus de 5600 emplois techniciens à l'échelle nationale. Le programme assure à ces entreprises un premier marché ainsi qu'une assistance technique juridique et financière. Le fort potentiel d'économie, le fonctionnement régulier des mosquées, leur usage constant de l'énergie ainsi que la maturité des technologies utilisées, réduisent considérablement les risques techniques ainsi que le coût d'investissement. Ces éléments rendent le projet accessible et rentable tant aux TPE qu'aux petites ESCOs dans un domaine nouveau et prometteur dans le Royaume. Financement du Programme EE dans les mosquées Le programme EE dans les mosquées sera réalisé dans une logique d'investissement et pas de subventions, il n'en coûtera donc rien à l'Etat. Le business model est en cours de validation par les différents acteurs. Les investissements sont basés sur les remboursements qui se feront par le Ministère des Habous et des affaires islamiques à travers les économies réalisées (estimée à plus de 60%) sur la facture électrique. Par ailleurs en matière d'équipements, le programme donnera la priorité aux équipements fabriqués localement chaque fois que cela est possible. Le Ministère de l'Energie des Mines de l'Eau et de l'Environnement, en concertation avec le Ministère de l'Industrie du Commerce de l'Investissement et de l'Economie Numérique, mène du reste les actions nécessaires pour anticiper les besoins nationaux en matière d'équipements pour ces secteurs nouveaux. Enfin, ce programme fait déjà des émules à l'étranger, notamment en Jordanie, aux Emirats Arabes Unis et au Qatar.»