Le chef du groupe islamiste nigérian Boko Haram, Aboubakar Shekau, a prêté allégeance à Da'ech, qui contrôle une large part de l'Irak et de la Syrie, dans un message audio diffusé samedi 7 mars. Il s'agit d'un simple enregistrement audio accompagné d'une image représentant un micro, alors qu'habituellement Shekau est visible dans les messages qu'il diffuse, la plupart du temps en gros plan. « Nous annonçons notre allégeance au calife (Abou Bakr al-Baghdadi, chef de Da'ech) que nous écouterons et auquel nous obéirons dans les difficultés comme dans la prospérité » déclare la voix prononçant ce message, identifiée comme étant celle d'Aboubakar Shekau. L'enregistrement a été diffusé sur le compte Twitter de Boko Haram. L'authenticité du message n'a pas pu être vérifiée pour l'heure, mais le chef de Boko Haram s'identifie clairement sur la bande audio. Autre signe de la crédibilité de cette allégeance, plusieurs signes de rapprochement entre les deux groupes avaient été observés ces derniers mois, notamment dans les modes de communication, les vidéos de Boko Haram se mettant à ressembler de plus en plus à celles de Da'ech. Les militants de Da'ech appellent, en effet, depuis plusieurs mois, tous les musulmans à se joindre à eux et à prêter allégeance à leur calife Abou Bakr al Baghdadi. Des analystes ont longuement débattu pour savoir à quel point Boko Haram avait noué des liens avec d'autres groupes jihadistes, mais sans jamais disposer de preuve flagrante. Cette annonce intervient alors que Boko Haram semble avoir été mis en difficulté par l'armée nigériane qui, appuyée par ses alliés tchadien, nigérien et camerounais, a repris aux islamistes plusieurs villes stratégiques. Menacé, le groupe islamiste rassemblait, cette semaine, des troupes dans son fief de Gwoza, tandis que les massacres de civils se poursuivaient. D'autre part, la ville de Maiduguri, ancien fief du groupe islamiste armé Boko Haram, a été secouée, samedi 7 mars, par trois attaques successives attribuées aux islamistes, qui ont fait 58 morts et 139 blessés. Un précédent bilan faisait état de 47 morts et 50 blessés. «Il y a des femmes et des enfants parmi les morts», a déclaré Abubakar Gamandi, responsable du syndicat des pêcheurs de l'État de Borno, qui se trouvait sur les lieux de la première explosion au marché de Baga. Son bilan a été confirmé par une source médicale et le chef d'une milice locale d'autodéfense, Danlami Ajaokuta. Une kamikaze s'est d'abord fait exploser sur un marché aux poissons, tuant 18 personnes. «La bombe a fait des ravages car elle a explosé dans un lieu peuplé», a déclaré un commerçant. Une autre attaque a eu lieu une heure plus tard et a fait 15 morts sur un autre marché, le «Monday Market». Un responsable de la justice de l'Etat de Borno, Kaka Shehu, a confirmé ces deux attentats, et ajouté qu'une troisième explosion avait frappé une station de bus bondée. Certains témoins des deux dernières explosions ont également évoqué des kamikazes, mais l'information n'a pu être confirmée Après avoir confirmé les trois explosions, le commissaire à la Justice pour l'État de Borno, Kaka Shehu, a accusé Boko Haram de ces tueries, jugeant qu'il s'agissait de représailles après les défaites subies ces dernières semaines par les insurgés. «Les terroristes sont furieux de la façon dont ils ont été repoussés des villes et villages» qu'ils contrôlaient et «ils expriment leur colère», a-t-il affirmé. Maiduguri est au cœur de nombreux combats entre Boko Haram et l'armée nigérianne depuis plusieurs semaines. Dans cette ville vivent des centaines de milliers de Nigérians déplacés par le conflit, faisant exploser la population de la cité, qui comptait initialement deux millions d'habitants. Le groupe islamiste armé Boko Haram, dont l'insurrection ensanglante le nord du Nigeria depuis 2009, a déjà eu recours à plusieurs reprises à des kamikazes ces derniers mois pour mener des attaques. Selon le milicien Danlami Ajaokuta, les autorités ont ordonné la fermeture de tous les commerces de la ville, à cause de la nature apparemment coordonnée des attaques, qui en fait craindre d'autres. L'armée nigériane, très critiquée pour n'avoir pas su juguler l'insurrection islamiste dans le nord-est du Nigeria, a annoncé avoir repris un certain nombre de villes aux terroristes ces dernières semaines, aidée par l'intervention de soldats des pays voisins, en particulier tchadiens. Ces combats se déroulent à trois semaines des élections présidentielles et législatives du 28 mars, qui ont déjà été reportées une première fois pour des raisons sécuritaires. Boko Haram a juré d'en empêcher la tenue. Les habitants du Nord miséreux, à majorité musulmane, soutiennent largement Muhammadu Buhari, candidat de l'opposition à la présidentielle qui se trouve au coude-à-coude avec le chef de l'État sortant, Goodluck Jonathan, un chrétien soutenu par le Sud pétrolifère. L'insurrection islamiste et sa répression par les forces de l'ordre nigérianes ont fait plus de 13 000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria depuis 2009.