Pour les Marocains résidant en Belgique, de quelque génération soient-ils, l'année 2014 n'aura pas été une année comme les autres. Elle marque en effet les 50 ans d'immigration marocaine en Belgique, en référence au 17 février 1964, date à laquelle Bruxelles et Rabat signaient une convention de recrutement de main d'œuvre marocaine appelée à la rescousse d'une Belgique en pénurie de bras. Comme toute année-anniversaire, 2014 aura été à la fois une scène festive, une tribune d'hommage et de reconnaissance aux efforts consentis par les premières générations et un questionnement de la réalité du vivre-ensemble dans une société belge métissée. Théâtre, danse, musique, littérature, audiovisuel, multimédia: Toutes les formes d'art ont été mises à contribution pour retracer le long parcours arpenté par les uns et les autres pour se faire une place au sein de la société belge. Dans l'ensemble, deux moments ont constitué le fil conducteur de ce 50-ème anniversaire. Le premier se rapportait à la reconnaissance de cette mémoire des parents pour que leurs enfants sachent que leur installation en Belgique n'était pas le fruit du hasard, mais bien celle de la volonté de la Belgique. Car, selon les mots du Premier ministre sortant, Elio Di Rupo, ‘la Belgique doit une partie de sa prospérité aux milliers de travailleurs venus du Maroc qui ont mis leurs bras et leur talent au service des entreprises belges, dans les chantiers, les mines et les usines'', contribuant à bâtir la richesse actuelle du pays. A ces bâtisseurs de l'ombre, la parole a pour une fois été donnée pour dérouler le fil des souvenirs, retracer des fragments de leur vie. Des acteurs culturels actifs en Belgique se sont chargés de rendre hommage, par la création artistique, à cette première génération, qui a affronté les affres de l'expatriation, défié les écueils linguistiques, culturels et naturels et vaillamment supporté la pénibilité du travail pour contribuer, à la force des bras, à l'essor de la Belgique. Mais, un travail de mémoire ne serait suffisant sans se projeter sur la réalité du présent et les perspectives de l'avenir. Il s'agissait bien de cette réflexion sur le ‘vivre ensemble'' à la belge, qui était le deuxième moment-phare de cet anniversaire, dans une société belge où la culture du Belge, Bruxellois, Wallons ou Flamand soit-il, s'irrigue par celle de l'Italien, du Grec, du Turc, de l'Espagnol, du Polonais, de l'Indien et du Marocain. Une avalanche de questionnements, de reproches parfois, ont été émis par des intellectuels, des politiques, des artistes, ou des fils d'immigrés, qui ont réussi à se distinguer. Deux positions résument tout le débat. Ceux qui voient que les réussites de certains fils d'immigrés portent à l'optimisme et offrent de réels motifs de satisfaction, que les Marocains de Belgique ont contribué à affirmer publiquement et à inscrire dans les politiques publiques le refus de toute forme de racisme et de xénophobie, la promotion de l'égalité des droits et de l'égalité des chances, le respect égal envers toutes les religions, l'ouverture culturelle et ses développements au travers de rencontres avec les cultures du Sud. Et puis, d'autres, moins enthousiastes, énumèrent les difficultés, les obstacles, les discriminations à l'emploi et au logement ou encore les affres du racisme auxquels fait face de manière générale la population d'origine étrangère, notamment en temps de crise. Etudes et chiffres à l'appui, ils en ont profité pour lancer un appel à une politique d'insertion à long terme, menant vers l'égalité des droits, la citoyenneté tout court. Lors d'un colloque à Bruxelles, le ministre chargé des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration, Anis Birou, avait assuré, à juste titre, que les réussites des jeunes générations des Marocains de Belgique ne doivent pas nous faire perdre de vue la réalité de ceux qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas eu le même succès. ‘Il est de notre devoir, les pouvoirs belges comme les Marocains, séparément ou en commun, de trouver des solutions viables et efficaces aux problèmes qui privent ces jeunes, qui sont les plus vulnérables, de leur chance de s'épanouir'', avait-il lancé.(MAP).