Sauvegarder et valoriser les archives de l'immigration ne peut être qu'une meilleure contribution à la connaissance profonde des phénomènes migratoires et une reconnaissance de l'apport des étrangers à l'histoire culturelle, politique, économique et sociale de leur pays d'accueil. -Par Mahjouba Agouzal- Animé d'une volonté de construire une mémoire partagée et d'enrichir la diversité culturelle, de lier histoire et société, patrimoine et citoyenneté, le Centre d'archives et de recherche sur l'histoire de l'immigration maghrébine et arabe (Carihma) en Belgique se propose d'inventorier, de préserver et de valoriser les fonds archivistiques afin de les rendre accessibles aux chercheurs et au public. "En 2004, les commémorations des quarante ans d'immigration marocaine en Belgique ont démontré l'importance de sauvegarder les sources indéniables à cette histoire. L'objectif du centre, crée en 2008, est de contribuer à développer la connaissance de l'histoire de l'immigration notamment marocaine en Belgique et en dresser un bilan objectif", affirme Mme Catherine Jacques, chargée de projets, dans un entretien à la MAP.
+La communauté marocaine, un facteur d'enrichissement de la société belge
Il y'a une forte communauté marocaine en Belgique. Cette diaspora s'est investie dans les syndicats, les associations et la politique. Elle a joué un rôle crucial contribuant largement au développement économique et social du pays, a-t-elle souligné. "Un travail de mémoire fera prendre la mesure de l'apport culturel et économique des migrants mais aussi de faire prendre conscience au pays d'accueil de ses devoirs et obligations en matière de citoyenneté à l'égard de ces immigrés", a-t-elle ajouté . De façon générale, les archives sont une source de richesse pour la connaissance des sociétés. Celles de l'immigration témoigneront de l'extrême diversité quant à leurs origines, à leurs supports et à leurs apports. Il y a les archives publiques, produites par l'état, constituées pour l'essentiel de documents administratifs, et les archives privées (archives de particuliers, associations, syndicats, entreprises). Le centre Carihma veut repérer, collecter et sauvegarder ces archives éparpillées dans différents lieux de conservation. Ce travail laborieux d'inventaire sera entrepris dans le but de veiller à la conservation du patrimoine archivistique pour offrir des outils qui en seront un moyen de valorisation et d'exploitation pour les chercheurs mais aussi les jeunes générations en quête de leur histoire et de leurs racines. Cette action sera concrétisée par la confection et la publication de guides qui identifieront les archives disponibles, leurs lieux de conservation et leurs accessibilités. Les archives apportent un éclairage à l'histoire des populations immigrées. Elles sont des sources précieuses d'information. L'histoire minière entre le Maroc et la Belgique a été l'élément catalyseur de l'immigration marocaine, par conséquent les archives du secteur minier peuvent fournir des données importantes quand on sait que ce secteur a attiré beaucoup de travailleurs marocains, indique Catherine Jacques. On peut citer aussi les archives de la société des transports en commun à Bruxelles, qui emploie beaucoup de travailleurs d'origine marocaine, ou encore les archives des maternités. A ce titre, explique Mme Jacques, les registres de naissance permettent de retracer les métamorphoses sociales d'un quartier et l'arrivée des diverses vagues d'immigrants. Les archives des syndicats, des associations et des partis politiques sont très intéressantes dans la mesure, où dit-elle, elles permettent d'évaluer l'implication des immigrés dans la vie sociale et politique en Belgique. Les journaux publiés par les migrants sont aussi des sources incontournables pour retracer leur histoire et leur profil, ajoute-t-elle. Le centre Carihma, tient-elle à souligner, cherche à recenser les sources écrites mais aussi orales. Interroger les premières générations sur leur expérience, recueillir des témoignages sur les itinéraires et les parcours personnels, reconstituer des trajectoires et des biographies individuelles et familiales, l'objectif étant de rassembler et de valoriser un ensemble significatif de témoignages écrits et oraux, émanant tant des particuliers que des institutions ou du milieu associatif. Le centre organise dans cet objectif des événements culturels et des expositions, des conférences et des journées d'études pour sensibiliser les détenteurs potentiels d'archives (documents, photos, lettres, manuscrits) afin d'enrichir les fonds disponibles des services publics d'archives. Ce travail mémorial pluriel permettra l'analyse et la compréhension du phénomène migratoire dans toutes ses richesses et complexités, loin des clichés et des idées reçues, pour une plus grande cohésion sociale et pour un "vivre ensemble" dans la pluralité des cultures, a-t-elle ajouté.