Si le modèle de développement marocain a atteint un seuil de maturité à même d'inciter à l'adoption de critères plus pointus pour l'évaluation de la pertinence des politiques publiques et la portée de leur impact effectif sur la vie des citoyens, comme l'indique SM le Roi dans Son discours à l'occasion de la Fête du Trône, il n'en demeure pas moins impératif, utile et légitime de s'interroger sur la consistance de la richesse ainsi produite et surtout sur le mode de répartition de cette richesse nationale, chose que le Souverain a aussitôt faite, avant de relever que «si le Maroc a connu des avancées tangibles, la réalité confirme que cette richesse ne profite pas à tous les citoyens». «La question qui reste posée est la suivante : qu'avons-nous fait des progrès que nous avons réalisés ? Ont-ils contribué uniquement à rehausser le niveau de consommation, ou ont-ils été mis au service de la prospérité commune de tous les Marocains ? Ou encore : dans quelle mesure ces avancées se sont-elles traduites par l'amélioration du niveau de vie de nos compatriotes ?». C'est dans ces termes on ne peut plus évocateurs d'un souci royal d'équité dans la répartition des richesses nationales que le Souverain pose les questions qui elles-mêmes soufflent les réponses à traduire dans la réalité dont nous devons prendre conscience et pour laquelle nous devons œuvrer sans plus tarder. Sa Majesté évoque, dans ce contexte, l'évolution imprimée par les spécialistes de l'économie et des finances aux critères de mesure des richesses des pays. Il s'agit «en l'occurrence de mesurer le capital historique et culturel de tout pays, parallèlement aux autres caractéristiques qui le distinguent, notamment son capital humain et social, la confiance, la stabilité, la qualité des institutions, l'innovation et la recherche scientifique, la création culturelle et artistique, la qualité de la vie et de l'environnement, et d'autres éléments encore». L'on apprend par ailleurs que la Banque Mondiale a estimé et montré que la valeur globale du Maroc a connu, ces dernières années, une hausse sensible, surtout grâce au développement majeur de son capital immatériel. Ce dernier s'affirme désormais comme un des paramètres les plus récents qui ont été retenus au niveau international pour mesurer la valeur globale des Etats et des entreprises. S'écartant des sentiers battus, la Banque Mondiale qui retenait seulement les ressources naturelles en fonction desquelles la valeur globale en question était calculée par le biais des données liées au PIB, a commencé à adopter dès 1995 une approche toute nouvelle et novatrice, celle d'introduire des indicateurs de développement humain dans la perspective de déterminer et le niveau de prospérité chez les peuples et la propension dans laquelle ces peuples profitent des richesses de leurs pays. Aussi, le Maroc figure parmi les pays concernés par les estimations faites dans ce sens par la Banque Mondiale. Estimations selon lesquelles le patrimoine global de notre pays s'est élevé à hauteur de 75% entre 2000 et 2013, réalisant un taux moyen annuel de croissance de 4,4%. Dans ces proportions, le capital immatériel national a grimpé à hauteur de 82% entre 2000 et 2013, avec pour part de la richesse nationale 72,8% pour l'année 2000 et 75,7% pour 2013, et ce, grâce aux réformes importantes et ciblées qui ont favorisé la dynamique du pays à attirer les investissements et, partant, à renforcer la part du capital productif dans le patrimoine national. Il ressort de ces données que le Maroc n'a quasiment rien à envier aux pays développés dans la mesure où le rapport significatif de son capital immatériel à son patrimoine global frise celui réalisé dans ces pays. En outre, cet état de choses est hautement passible de permettre que, désormais, notre capital immatériel constitue la base de production de notre richesse nationale, et par conséquent d'impliquer la réflexion sur l'élaboration de politiques publiques focalisant sur le développement des constituants du capital immatériel du Maroc afin d'en faire le catalyseur idoine du progrès économique et social de notre nation. C'est dans cet esprit que le Souverain, relevant les disparités sociales entre les Marocains et déterminé à faire de la justice sociale un cheval de bataille, estime nécessaire de prendre «la pleine mesure de la situation» et invite, d'ores et déjà, «le Conseil économique, social et environnemental, en collaboration avec Bank Al Maghrib et les institutions nationales concernées, et en coordination avec les institutions internationales spécialisées, à entreprendre une étude permettant de mesurer la valeur globale du Maroc entre 1999 et fin 2013», l'objectif étant non «seulement de faire ressortir la valeur du capital immatériel de notre pays, mais également et surtout de souligner la nécessité de retenir ce capital comme critère fondamental dans l'élaboration des politiques publiques, et ce, afin que tous les Marocains puissent bénéficier des richesses de leur pays».