Il y a des défaites qui valent largement des victoires et des déceptions qui procurent davantage de satisfaction que de tristesse. Lundi soir, vous croyez que les larmes de Valid Halihodzic étaient l'expression d'un gros chagrin ou celle d'un réel soulagement ? L'entraîneur national qui a conduit l'équipe d'Algérie au Mondial brésilien devait être bigrement content de s'en être tiré à bon compte et même avec les honneurs. « Tête haute ! » comme l'écrit la presse algérienne qui est tombée dans l'extase après avoir frôlé la déprime, en début de Mondial quand ses « Fennecs » ont été battus par les Diables Rouge de Belgique où un démon, chevelu, Marocain de surcroit avait été l'auteur du premier but. Ce jour-là, la tête de Vahid ne valait pas un dinar dans la casbah d'Alger, les journalistes sportifs tiraient sur lui à boulets rouges et fouillaient dans son passé pour trouver les raisons de mieux le piétiner, lui et sa famille. Le président de la fédération, l'ami Rawarawa, salement compromis pour la qualification à ce Mondial 2014 (volé au Burkina Faso, on ne le dira jamais assez) pensait même lui demander des comptes et le renvoyer comme le pire des escrocs. Et puis miracle, voici les Fennecs en huitièmes de finale, les voici contre l'Allemagne, pour un match lourd de symboles et de significations, et voici l'Algérie qui retrouve sa fierté. Du coup Vahid devient quasiment un saint. Même s'il a perdu face à l'Allemagne (mais avec les honneurs, attention, ne l'oubliez pas) on lui trouve toutes les qualités, tous les talents. En plus il a même la décence de pleurer. La décence ou l'intelligence on ne le saura jamais, mais l'effet est garanti. Le voici dans les cœurs en attendant d'être dans les mémoires. Il s'en va – car Rawrawa l'a renvoyé bien avant le Mondial – mais, c'est sûr, il, laissera une trace de son passage dans le foot algérien. Il a fait oublier l'horrible Benchikha chassé après sa défaite face au Maroc (4-0, souvenez-vous) il a permis, aux Algériens de laver l'affront. Ils ont connu un Mondial inoubliable. Ils ont montré qu'ils pouvaient faire comme leurs voisins, ils ont été au 2ème tour d'une coupe du monde, ils y ont été battus, comme leurs voisins, par l'Allemagne, que demande le peuple ? Rien ; il est comblé, vive l'Algérie et vive Bouteflika dont on nous dit qu'il a vu le match et même encourager et félicité les glorieux footballeurs. Ah oui il y a des défaites qui valent mieux que des victoires. Mais attention aux lendemains qui déchantent... Une défaite reste une défaite, même si on la peint de toutes les couleurs du bonheur. Tenez, nous, par exemple on croit toujours qu'on a battu l'Allemagne en Coupe du Monde 1970, jusque parce que Houmane avait ouvert le score et qu'on avait « mené » pendant 63 minutes face aux terribles teutons qui ont fini par nous battre. Qu'importe, après tout, c'est tête haute qu'on a perdu. On en délire encore. L'Algérie est sur ce chemin, et en dix fois pire, parce qu'en plus, nos amis algériens parlent de la revanche qu'ils ont prise. Revanche ? Quelle revanche ? La revanche de quoi et contre qui ? C'était un match de huitième dans un Mondial. Un match que l'Allemagne a gagné pour la énième fois, car l'Allemagne depuis toujours n'a jamais perdu à ce stade dans une Coupe du Monde. Alors à elle les palmarès glorieux et aux autres, les perdants, les honneurs. Les honneurs du communiqué qui sont la consolation de ceux qui ont cru y arriver mais qui ne sont pas arrivés. Voilà l'histoire. Tout le reste est tapage et bavardage.