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La problématique des malades atteints de leucémie / Bahija Gouimi, présidente de l'association AMAL :«Faire de son mieux pour laisser une empreinte sur le chemin de la solidarité»
Publié dans L'opinion le 26 - 05 - 2014

Une histoire pas comme les autres, celle de Bahija Gouimi, enseignante, originaire de Taza, vivant et travaillant à Marrakech. Atteinte de leucémie en 2002 à l'âge de 32 ans, alors qu'elle était enceinte de son troisième enfant, la maladie lui a permis d'ouvrir les yeux, dit-elle, sur un monde qu'elle ignorait, à commencer par soi-même. Supportant la douleur causée par les séances de chimiothérapie, surmontant les affres liées à la pensée de la mort, elle s'engage dans l'activité associative en rapport avec la prise en charge des malades leucémiques. Ceux-ci, comme d'autres cancéreux, souffrent des maux supplémentaires, notamment la précarité de la prise en charge médicale, l'éloignement des centres de soins etc. Parmi eux des catégories dont les souffrances sont décuplées du fait de leur grande vulnérabilité comme les femmes et les enfants. Bahija se remet peu à peu de sa maladie après de longs et éprouvants soins. Pour elle, on ne guérit pas du mal. « On ne parle jamais de guérison mais de rémission ». Autrement dit à n'importe quel moment il peut se pointer et revenir à la charge.
Elle a commencé à se faire connaître à partir de 2006 suite à une manifestation « les Sommet de l'espoir » incarnée dans la visite à Marrakech d'une ONG française s'occupant des enfants leucémiques avec une ascension en groupe, patients et médecins, au sommet de Toubkal. A cette occasion, Bahija rend public, ses écrits sous forme de témoignage sur la maladie, d'où la naissance du premier projet de livre de témoignage sur le vécu d'une patiente qui verra le jour en 2008, publié en France. Pendant des années, elle est membre de plusieurs associations, dont AGIR à Casablanca et Avenir à Rabat. Elle écoute les malades, le personnel soignant et les acteurs associatifs pour apprendre. En 2011, elle fonde à Marrakech, avec des patients et parents de malades, l'Association des Malades Atteints de Leucémie au Maroc. Objectif : sensibiliser et venir en aide aux malades manquant de médicaments et de soutien psychologique. De la maladie, elle affirme qu'elle a appris l'espoir qu'elle essaie de transmettre aux malades en s'engageant dans le travail de sensibilisation autour de la maladie. Elle donne des conférences et écrit des livres de témoignages. L'un d'eux vient d'être publié : «Des Maux pour vivre» et qui est une version augmentée du livre publié en 2008. Elle publie récemment un autre livre «Le Cancer de l'encre». Dans ses écrits elle parle de la maladie, des malades, des hôpitaux, de l'espoir, de la compassion, de la solidarité, de la nécessité de tendre la main aux plus démunis. Elle ne manque pas de faire des constats sur les «hôpitaux qui sentent encore plus la misère...», le drame du patient de n'être qu'un chiffre dans le service hospitalier, du «malade qui sort encore plus mal en point de l'hôpital qu'il ne l'était au départ chez lui », de la douleur qui n'a comme antalgique qu'elle-même. Des constats qui appellent à s'insurger contre le statu quo. Tout aussi important le fait que côtoyer le mal, la douleur, l'ombre de la mort permet d'ouvrir les yeux pour apprécier la vie comme une chance inouïe, laquelle n'a de sens cependant que si elle est illuminée par la compassion quand on brise la glace de l'indifférence et qu'on tend la main à son prochain. Une séance de présentation du livre «Des Maux pour vivre» s'est déroulée à la Librairie Porte d'Anfa à Casablanca. Entretien :
L'Opinion: Comment cela a-t-il commencé ?
Bahija Gouimi: Je suis enseignante à Marrakech, je suis mariée, j'ai trois enfants, j'enseigne les techniques de communication et d'expression en environnement économique et juridique au supérieur et au lycée. Tout allait apparemment bien jusqu'en 2002 où on a diagnostiqué chez moi une leucémie. Leucémie, c'est un joli nom pour un cancer. Mais quand on découvre que derrière c'est une grave maladie, c'est là où tout l'équilibre s'effondre. Communément, le cancer est lié à la mort, la détresse, la douleur atroce, les grands tourments. Comme tout le monde, moi aussi, j'ai été entraînée dans la spirale de l'effondrement psychique car c'était pour moi la mort qui pointait à l'horizon. J'étais face à elle, aux abois. Je me disais c'est la fin, je vais laisser mes enfants, mon mari, la famille, les choses qui me plaisent dans la vie. Tous les horizons étaient bouchés, soudain.
Et puis, à un certain moment, je me suis dit que peut-être là où tout finit, c'est là où tout peut commencer. Je me suis dit qu'il faut que je fasse mon deuil. Je pleurais, je paniquais, j'imaginais l'enterrement, le mien. J'ai même écrit mon testament bien que je ne possède pas grand chose (rires). Je me suis dit qu'il faut que je me prépare. Que je me prépare, oui mais aussi il faut que je laisse mon empreinte. C'est à ce moment-là que je me suis rendu compte que j'avais abandonné pas mal de rêves après m'être mariée à l'âge de 19 ans. Des rêves, j'en avais eu comme par exemple l'écriture. Je me suis demandé pourquoi j'ai abandonné tout ça ? Eh bien, tout simplement parce que je croyais que ça n'arrivait qu'aux autres. A un certain moment dans la vie, on croit que ce ne sont que les autres qui sont atteints. Et puis on devient soi-même un « autre » pour les autres. Quand j'ai été touchée à mon tour, ça été un tel choc que ça m'a poussé à m'interroger. Par exemple, pourquoi j'avais abandonné mes rêves de jeune fille? Pourquoi j'ai arrêté d'espérer ? Pourquoi je suis rentré dans cet engrenage de la routine en faisant la même chose chaque jour, en répétant les mêmes gestes d'automate. J'ai enfin compris la signification de la phrase simple et non moins profonde du grand poète Pablo Neruda : « Il meurt lentement celui qui devient esclave de l'habitude... ». Or, on devient vraiment esclave et on ne le sait pas, on est vraiment programmé. On peut même en être conscient mais on se laisse faire, on se soumet au rythme qu'on nous impose, on n'essaie pas de faire un effort pour s'en délivrer. A un moment, je me suis dit qu'il faut peut-être essayer de gérer cette maladie en changeant de vision, de perception, etc. Autrement dit, il faut profiter pleinement de ma vie. Ainsi, j'ai repris l'écriture grâce à ma leucémie. L'écriture est une thérapie pour moi et aussi un instrument pour communiquer, inoculer l'espoir aux autres.
L'Opinion: Est-ce que tout le monde peut paradoxalement transmuter la maladie de quelque chose de négatif en positif ?
Bahija Gouimi: Oui avec juste un peu de volonté. Ce que je veux dire, c'est que la maladie a aussi du bon parce qu'elle permet par le choc qu'elle produit dans le cours routinier de notre quotidien de nous ouvrir les yeux. Avant, j'achetais les belles choses et je le gardais pour les « grands jours » mais maintenant, c'est fini tout ça car chaque jour est un grand jour, je profite de ma vie, j'achète je parfum je l'ouvre tout de suite sur le champ pour le mettre, des vêtements neufs je les mets en laissant de côté les anciens. On peut faire en sorte que le mal soit un bien, le mettre de notre côté, c'est une question de volonté. Malheureusement tout le monde n'a pas cette volonté, mais, avec un peu de soutien, on peut y arriver.
L'Opinion: Après votre ouvrage de témoignages « Des Maux pour vivre » vous en avez publié un autre intitulé « Le cancer de l'encre ». Pourquoi un tel titre ?
Bahija Gouimi: C'est pour dire que même l'encre a été contaminée par la maladie, elle a été touchée profondément par ce que disent les gens, par ce qu'ils ont comme conception et croyances sur la maladie tenue pour un haut mal dévastateur dont la seule évocation suscite la terreur. Pourtant, on voit maintenant des gens qui vivent très longtemps, plus de vingt ans avec la maladie. J'ai rencontré des gens qui vivent normalement depuis longtemps avec une leucémie.
L'Opinion: Vous dites que vous « vivez » avec la leucémie. Qu'est-ce que cela représente pour vous cette situation de cohabitation ?
Bahija Gouimi: Quand on est atteint d'une maladie chronique, surtout un cancer, on est forcément obligé de vivre avec. Je suis obligée de suivre ma leucémie, de la seconder, de la comprendre et de l'expliquer à moi d'abord et aux autres ensuite. Cela me permet en quelque sorte de me comprendre et de comprendre ce qui m'arrive, et par-là accepter le fait de VIVRE avec un cancer. Au début, j'ai senti la révolte, la culpabilité, la douleur profonde, le châtiment... J'ai pris mon temps, j'ai fait le deuil et j'ai fini par accepter. Une maladie chronique que je porte chaque jour, me porte aussi, me transporte entre bien et mal, me balance entre espérance et abandon.
Ma leucémie est devenue désormais ma dame de compagnie comme je dis très souvent, une utile raison pour faire ou refaire les choses autrement. Si elle se sert de moi, moi aussi je me sers d'elle et nous sommes quittes.
L'Opinion: Vous aviez soulevé le drame de prise en charge des malades leucémiques à cause des traitements coûteux ? En tant qu'acteur associatif, quelle est la situation actuelle pour les patients et leurs familles et que faut-il comme solutions pour offrir quelque chose de concret aux malades plus que l'espoir qui est important mais, n'est pas suffisant devant le manque de soins ?
Bahija Gouimi: Effectivement, l'amélioration de la prise en charge des malades leucémiques constitue la préoccupation majeure de l'Association des Malades Atteints de Leucémies (AMAL). Elle nécessite la mise en place d'un programme centré sur la prise en charge matérielle d'abord et psychologique ensuite. Un traitement à vie qui nécessite des sommes importantes allant dans certains cas jusqu'à 60 000 Dhs par mois, sans compter les frais des analyses, des examens radiologiques, des traitements d'appui, des déplacements pour la plupart des patients qui habitent loin des CHU et la centralisation des soins et des services sociaux. Toutes ces contraintes constituent un fardeau qui oblige plusieurs malades à abandonner le traitement et sont perdus de vue. C'est vrai que le système RAMED a résolu beaucoup de problèmes et a facilité l'accès aux soins, mais beaucoup reste à faire dans le domaine de l'oncologie qui connaît une augmentation de l'incidence des cancers à cause de la pollution, de la nutrition déséquilibrée, du tabagisme, ...
Donc, il faudrait à mon sens mettre en place un programme national pour le traitement des leucémies avec un registre national de tous les types de leucémies, et assurer le suivi et le monitoring pour juger de l'efficacité des traitements et assurer une qualité des soins aux patients marocains.
L'Opinion: Comment en êtes-vous venue à vous lancer dans les activités associatives de simple patiente à présidente d'une ONG ?
Bahija Gouimi: Je crois que les choses se sont succédées logiquement. J'ai commencé par dépasser ma maladie sur le plan personnel. Je faisais des recherches, je discutais avec mon médecin traitant, j'ai voulu être un partenaire dans mon traitement et le suivi de ma situation. J'ai été encouragée. J'ai pris de l'assurance et de la confiance pour faire entendre la voix d'une patiente. J'ai commencé à donner des témoignages, à être sollicitée par la communauté médicale et associative à l'échelle nationale et internationale. J'ai dépensé des années à apprendre, à écouter activement ce qui se passe, ce qui manque réellement pour pouvoir intervenir concrètement. C'est là où j'ai décidé, avec le soutien de mon mari que je remercie, à fonder une association des malades atteints de leucémies. Il y avait un manque à occuper et nous étions un groupe de patients et parents qui voulaient faire la différence, à commencer par le soutien psychologique, la sensibilisation, l'éducation des patients et parents et ensuite l'amélioration de la prise en charge et l'accès de tous les patients aux traitements appropriés.
L'Opinion: Que fait exactement l'Association des Malades Atteints de Leucémie (AMAL) pour alléger les souffrances des malades ? Avez-vous des projets de campagnes ou autres ?
Bahija Gouimi: L'Association des Malades Atteints de Leucémie (AMAL) a permis de créer un cadre de rencontre des patients, médecins et familles. Elle s'engage dans la sensibilisation des pouvoirs publics sur les contraintes matérielles et morales des patients leucémiques. Elle intervient aussi dans l'éducation des malades par la production de dépliants informatifs et organisation des journées de rencontres entre patients, médecins et psychologues dans plusieurs villes marocaines. Elle milite pour l'humanisation de l'accueil. Elle continue à faire du plaidoyer...
Plus précisément pour des actions ponctuelles chaque 22 septembre se référant à la translocation réciproque des chromosomes 9 et 22, dite Chromosome de Philadelphie, responsable de la leucémie, l'association AMAL organise sur la place Jamaa Lafna, à Marrakech, une journée sur la leucémie avec organisation de campagnes de don de sang, octroi de plus de 500 analyses gratuites pour encourager les citoyens à faire des check, up réguliers pour prévenir la maladie et pouvoir la traiter précocement, nous avons aussi fait don de médicaments selon les moyens de l'Association.
L'Opinion: Dans votre texte « Doukkala en deuil » vous témoignez sur une femme, Badia Gh, morte de leucémie dans l'extrême solitude. Mais contre un cas rencontré, combien d'autres cas anonymes autant sinon plus poignants et qui passent inaperçus?
Bahija Gouimi: Certes, il y a beaucoup de cas. J'en ai rencontré bon nombre. Cette jeune femme rurale de 19 ans, devenue maman juste pour quelques jours, m'a énormément marquée. Quand elle avait été hospitalisée, son mari l'avait abandonnée. Il a su tôt qu'elle allait partir et donc il n'a pas pris la peine de la soutenir dans ses moments difficiles. Malheureusement, des cas similaires ne sont pas rares. Souvent, on constate que peu ont cette culture de soutien. Les parents de Badia ont pris son bébé et elle était obligée de vivre cette épreuve toute seule, livrée à son sort sans remède, sans espoir ni soutien, Sa situation me laissait découvrir qu'il y a des choses pires que le cancer : la pauvreté, l'ignorance, l'indifférence et le sentiment d'abandon.
Malheureusement, il y a des parents qui emmènent leur malade très fatigué, consumé par le mal, le délaissent à l'hôpital et décampent sans retour. Ils l'abandonnent et le laissent livré à son sort... Il se trouve que la maladie est trop énorme pour leur maigre budget, ils en veulent à cette maladie qui les appauvrit davantage matériellement et moralement.
L'Opinion: Vous notez dans votre livre, page 57 : « ces multiples duels avec ma leucémie m'ont réduite aux dimensions d'une grande militante pour la vie et l'ont réduite au second rang de toutes mes priorités ». Qu'est-ce qu'une « militante pour la vie », selon vous ?
Bahija Gouimi: Je crois que MILITANTE POUR LA VIE me représente et me va bien. Je milite et me bas pour la vie, la mienne et celles des autres. J'ai pris la responsabilité de devenir leur voix pour améliorer leur vécu pour qu'ils puissent se faire soigner dans la dignité et les normes.
Extrait du livre
«Des Maux
pour vivre»
Doukkala en deuil
Le texte qui suit est extrait du livre «Des Maux pour vivre» de Bahija Gouimi où sont rassemblés des témoignages sur des situations observées au quotidien. L'auteur y témoigne sur le drame d'une femme rurale de la région de Doukkala, qui meurt à l'hôpital à la suite d'une leucémie non soignée à temps :
«Ce serait aisément véridique de reconnaître que la mort a toujours eu le plus haut pouvoir de défier mes sens, déclencher mes larmes, nourrir ma plume et m'apprendre que mon cerveau a besoin incessamment de grandir et surtout de développer mes perceptions et concepts...
La mort que je nomme dignement comme un poste à pourvoir, libre de choisir ses candidats éventuels et occupée de les surprendre sur n'importe quel CV, n'ayant aucun profil précis, ne se soumet pas aux lois de l'offre et de la demande mais s'incline sagement devant d'autres lois qui dépassent toutes les philosophies.
Elle ne cesse de changer de couleur. A chaque fois que je crois suivre son raisonnement, elle me surprend, me suit, ne me prend pas mais prend ceux sur mon chemin, m'interdit de les connaître plus, se contente de me punir au lieu de me délivrer définitivement...
Aujourd'hui, elle vient prendre, sans préavis, une jeune paysanne de Doukkala, âgée de 19 ans, mariée et mère d'une petite d'un an, qui découvre, après son accouchement, une leucémie comme moi, mais à un stade avancé avec métastase.
Un caryotype fatal vient condamner les rêves d'un lendemain meilleur, d'une bonne récolte permettant le luxe des beaux habits et bijoux. Mais son sort, plus puissant qu'elle, a récolté toutes ses rêveries et lui a démontré que la vie est certainement le plus beau joyau qui décore discrètement toutes les femmes du village. Elle est la seule à le voir et l'envier. Elle découvre, mais tardivement, que la vie est tellement précieuse, elle ne s'en rendait même pas compte avant...D'ailleurs moi non plus...
La maladie lui a montré l'autre face des choses, la réalité d'un monde complètement limité à la trahison. Son sang l'a trahie, son mariage aussi. Le serment de l'union pour le meilleur et pour le pire, dans la richesse et la pauvreté, dans la santé et dans la maladie, n'était plus qu'un mot usé et sans aucune importance...
Au début de son chemin gravement épineux, elle se heurte à cette promesse facilement déclarée et brutalement rompue...Son mari l'a quittée une fois connue la réalité de sa maladie, car il ne pouvait supporter les charges lourdes de son traitement dépassant de très loin les récoltes de son village...
Son mal se multipliait par deux et divisait sa petite famille en trois, le mari parti pour de bon, son bébé loin d'elle, pris en charge par ses parents, et elle, seule et abandonnée comme beaucoup d'ailleurs, sur un lit d'hôpital, sans moyens et sans couverture sociale. Seule sa couverture maigre, abattue de chagrin, témoigne de sa misère et son infortune...
La vie se fait le plus souvent si hautaine, comme un fruit délicieux et inaccessible que quelquefois elle nous oblige à grimper à l'échelle pour la saisir. Mais la mort, qui nous défie, exclut toute envie de la chercher ou la désirer. Elle vient toute seule, son arme au bec, vide le corps, arrache son âme puis repart toujours victorieuse, ses caprices satisfaits et renouvelés, sa parole forcément honorée...
Impunément, cette leucémie a fait alliance ouverte avec la souffrance, l'indigence, l'ignorance, l'indifférence et autres... Elle m'a obligée, moi censée cultiver l'amour et entretenir l'espoir, à me dégrader à mes propres yeux. Est-ce que j'ai réellement offert une seule lueur d'espoir à cette femme ? Non, j'ai préféré le silence, car si, l'avais fait, j'aurais menti et si j'avais menti, j'aurais dû demander pardon. La paysanne me pardonnera, la mort non...Elle m'a toujours tenu ce langage et implicitement je sens que je suis prochainement sur sa liste... La mort est sûrement une grande énigme qui grandit et s'amplifie seulement aux yeux des autres...
Morts ou vivants, elle vole au-dessus de nos têtes chaque jour, tel un vent, une tempête et le plus souvent passe inaperçue, bat des ailes puis reprend son élan, laisse derrière elle des vies évaporées et nourrit la conviction que rien ne sera comme avant...
A Dieu madame Badia GH, votre mort n'a laissé personne indifférent et tout Doukkala est en deuil... ».
«Militante pour la vie» me pousse chaque jour à inspirer d'autres pour s'engager dans la même voie qui est de défendre la VIE en général et donner un coup de main car je comprends parfaitement toutes les dimensions que peut représenter toute aide à autrui , aussi minime soit-elle. Je ne prétends pas résoudre tous les problèmes, mais j'essaie de faire de mon mieux pour laisser une trace, une empreinte sur le chemin de la solidarité.
L'Opinion: Qu'avez-vous comme projets en perspective ?
Bahija Gouimi: Il y un prochain livre qui va paraître incessamment intitulé « J'ai peur de guérir ». J'ai aussi en chantier un quatrième livre, c'est un ouvrage où s'exprimeront les autres. Cela s'appelle « Touché par Bahija » en trois langues arabe, français, anglais. Il s'agit de permettre à tous mes amis au Maroc et ailleurs d'écrire des témoignages justement pour dire ce qui a pu changer dans leur vie après m'avoir rencontrée, est-ce que j'ai été pour quelque chose dans leur parcours comme d'autres nombreux ont été pour beaucoup dans le mien. L'objectif c'est de pousser les gens à s'exprimer.


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