Pourquoi Franz Beckenbauer attaque-t-il Pep Guardiola ? "Après moi le déluge" est la règle des empereurs qui maudissent leur successeur. Pour qu'on ne les oublie pas ? Il a 69 ans. Il est champion du monde 1974 (en tant que joueur) et 1990 (en tant qu'entraîneur). Il est Kaiser Franz, légende allemande, bras en écharpe et choucroute sur la tête lors de RFA/Italie, match du siècle au Mexique en 1970. Franz Beckenbauer a gagné trois fois feu la Coupe d'Europe des clubs champions. Il a remporté deux Ballon d'or (1972 et 1976). Il est président d'honneur du Bayern Munich, dernière étape avant l'épitaphe et les chrysanthèmes. Beckenbauer sucre les fraises et ramène la sienne quand on le paie bien. La chaîne de télévision Sky Sports signe les chèques et l'icône balance. Beckenbauer n'aime pas Pep Guardiola. Le mois dernier, il a critiqué le positionnement de Mario Götze. Après la qualification contre Arsenal, il a haussé le ton : "Si nous continuons comme ça, nous serons comme le Barça. Plus personne ne voudra nous voir jouer parce que nos joueurs passeront le ballon jusqu'à la ligne de but adverse." La critique de Beckenbauer sent le beurre rance L'Ancien est un concept. Je veux dire le Grand Ancien, celui qui est légitime pour parler. C'est le plus dangereux. Il avance masqué, les trophées sur la poitrine, les médailles en bandoulière, le palmarès au bord des lèvres. C'est la statue du commandeur - on ne discute pas la fée Carabosse -, on écoute. L'Ancien ressuscite les morts, invoque les disparus, exhume le passé. Il a connu la gloire, il connaît l'aigreur. L'Ancien de 14, de 40 ou de 58. Qu'il ait gagné la guerre, perdu l'Algérie, enlevé Roland-Garros, applaudi Robert Hirsh à la Comédie française, l'Ancien chérit le monde d'hier. L'Ancien décrète que c'était mieux avant, qu'aujourd'hui ne vaut pas tripette, que le football part à vau-l'eau, que l'orthographe disparaît, que Messi n'égale pas Maradona qui ne valait pas Pelé. Le Grand Ancien est un concept. L'Ancien fatigue parce que sa motivation est suspecte. Il est intouchable et déverse sa bile. Il est le garant des valeurs, mais ses attaques affaiblissent le présent. Après moi le déluge. L'Ancien n'imagine pas que le monde tourne sans lui. L'Ancien manque d'élégance. On ne peut pas être et avoir été. L'Ancien radote. L'Ancien rappelle qu'il est vivant, mais le compte à rebours est enclenché. Beckenbauer attaque Guardiola : ce n'est ni bien, ni juste. L'Espagnol commande le Bayern depuis dix mois. Le club domine la Bundesliga, l'équipe bat des records, elle disputera les quarts de finale de la C1. La critique de Beckenbauer sent le beurre rance. "Personne ne voudra nous voir jouer", dit-il. Rien que ça. Qu'on ne se méprenne pas. J'aime la nostalgie, la couleur sépia, le monde d'avant. J'aime les héros de Bir Hakeim, les comtesses de Ségur, Raymond Kopa et les figures Panini. J'ai de la mémoire et des souvenirs, mais je ne supporte pas les vieux acteurs qui éructent l'anathème pour projeter la lumière sur eux. Quand on est le meilleur et qu'on a tout gagné, le silence multiplie la grandeur. Aimé Jacquet est un seigneur.